a d'abord rappelé l'histoire récente de ce pays, occupé par l'Armée rouge de l'Union soviétique de 1979 à 1989, et qui a connu, jusqu'en 2001, une guerre civile puis l'imposition d'un régime islamiste taliban, en fait dominé et piloté par l'organisation terroriste internationale Al-Qaïda. A la suite des attentats de New York du 11 septembre 2001, le régime des talibans a été renversé par une coalition internationale rassemblée par les Etats-Unis sous le couvert de l'article 51 de la charte des Nations unies au titre de l'autodéfense (Enduring Freedom).
A la suite de cette intervention initiale de l'opération « Enduring Freedom », une force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) a été déployée sous commandement de l'OTAN et sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. L'objectif de cette force est la stabilisation du pays par l'appui aux autorités légitimes. M. Robert del Picchia a rappelé qu'en avril 2008, ce sont 51 000 hommes, appartenant à 39 pays, qui se sont déployés dans les cinq régions de commandement de l'Afghanistan.
Les forces françaises mises en place sur le théâtre afghan comptent 2 200 militaires répartis en Afghanistan, au Tadjikistan, au Kirghizistan et dans l'Océan Indien. M. Robert del Picchia a rappelé qu'au sommet de l'OTAN, à Bucarest, le Président de la République a annoncé le déploiement d'effectifs supplémentaires de l'ordre d'un bataillon.
L'essentiel des forces françaises est concentré sur la région capitale (RC-C) dont la France devrait reprendre la responsabilité du commandement en août 2008. Le bataillon français assure plusieurs missions. La première consiste dans l'aide apportée aux forces de sécurité afghane pour la sécurisation du nord-ouest de la ville de Kaboul ainsi que pour la sécurisation du nord de la zone de responsabilité autour de l'axe stratégique Kaboul-Bagram. Les actions du bataillon français se traduisent par de multiples patrouilles de jour et de nuit, y compris avec l'armée nationale afghane, permettant de sécuriser une zone où, seuls, 3 % des incidents sont recensés, mais qui est d'une importance vitale, puisqu'elle abrite le siège des pouvoirs publics afghans ainsi que les principales installations internationales.
a souligné l'importance particulière de l'action de l'armée française d'assistance à l'armée nationale afghane (ANA) dans sa montée en puissance et dans sa formation. Il a notamment décrit les actions menées au sein de l'opération EPIDOTE, qui a permis la formation de plus de 5 000 officiers afghans, en faisant particulièrement porter les efforts sur la formation des formateurs, de manière à rendre l'armée nationale afghane autonome dans ce domaine. Par ailleurs, une vingtaine de formateurs des forces spéciales françaises contribue, avec les Américains, à la formation des forces spéciales afghanes. Enfin, l'action menée par la France au sein des OMLT (Operational Mentor and Liaison Team) est particulièrement importante. Les équipes françaises, que la mission a eu l'occasion de rencontrer à plus de 150 km de Kaboul, sont totalement intégrées dans les unités opérationnelles de l'armée nationale afghane, qu'elles accompagnent et conseillent dans toutes leurs missions. Elles ont pour rôle de conseiller les militaires afghans dans le développement de l'instruction et de l'entraînement, dans la planification et la conduite des opérations ainsi que dans la mise en oeuvre d'actions coordonnées entre la force internationale et l'armée nationale afghane.
Une partie de la mission sénatoriale s'est également déroulée auprès du détachement Air français à Kandahar. Sur cette base militaire, la France déploie six avions de combat, trois Rafales et trois Mirage, ainsi qu'un dispositif d'appui à Douchanbé et les appareils de ravitaillement en vol et de transport. M. Robert del Picchia s'est félicité de la décision de localiser notre détachement aérien à Kandahar, ce qui lui permet d'être au plus directement au contact des autres forces alliées, de rendre plus visible la participation française, et de permettre ainsi de démontrer les extraordinaires qualités du Rafale comme avion de combat polyvalent.
et M. Jean-Louis Carrère ont ensuite exposé le déroulement de la mission sénatoriale sur place. Ils se sont notamment félicités de l'extrême qualité, de la tenue et de la cohérence du contingent français en Afghanistan, que ce soit au niveau du commandement, des officiers et sous-officiers ou des hommes de troupe.
Ils ont décrit leurs rencontres, tant au niveau du bataillon français dans ses missions opérationnelles que de la coopération civilo-militaire, du dispositif de soutien médico-chirurgical, d'Epidote et des OMLT.
a indiqué que le dernier jour de la mission avait été consacré à des entretiens politiques au Parlement afghan, en particulier avec le vice-président du Sénat (Meshrano Jirga), les commissions des affaires étrangères et de la défense ainsi qu'avec le président de l'assemblée nationale afghane (Wolesi Jirga). Il a relevé que les interlocuteurs s'étaient félicités de la coopération française militaire et civile à la reconstruction du pays. Cette coopération était distinguée de l'action d'autres intervenants aux tendances « néo-colonialistes ». L'ensemble des interlocuteurs ont souligné la priorité qu'il convenait de donner à l'aide, non seulement sur les questions de sécurité mais surtout pour lutter contre la pauvreté, accélérer le développement en faisant porter l'effort sur l'agriculture et les travaux d'infrastructure. Les interlocuteurs du Sénat afghan ont insisté sur la nécessité d'une afghanisation, tant dans le domaine militaire que dans le domaine du développement. En particulier, les membres de la commission des affaires étrangères ont souligné le besoin impérieux d'une meilleure coordination de l'aide occidentale afin de rendre l'aide plus efficace, et donc plus visible pour la population. Les deux commissions, qui se sont félicitées de la qualité technique de l'aide française, ont néanmoins regretté la faiblesse des moyens mis en oeuvre par notre pays pour réaliser ses objectifs.
En conclusion, M. Robert del Picchia a mis en évidence la fragilité des efforts occidentaux à la stabilisation et à la reconstruction de l'Afghanistan. Il a notamment indiqué que, si le travail effectué par les militaires, en matière de sécurisation, semblait porter ses fruits, il était fragilisé, et fondamentalement remis en question, par les carences et les insuffisances en matière de développement, de gouvernance et d'action diplomatique. Il a estimé que le succès ou l'échec de la communauté internationale en Afghanistan se jouait essentiellement sur la question du développement.
S'agissant de la situation sécuritaire, il a rappelé que la mission s'était ouverte, le jour des moudjahidines, le 27 avril, par l'attentat visant le président Karzai, et au cours duquel un parlementaire avait été tué. La mission s'est terminée par des affrontements très violents, à Kaboul même, qui, après plusieurs heures de combat, ont fait plus de 12 morts. La multiplication des incidents, même s'ils sont limités à une certaine portion du territoire, est porteuse de fortes inquiétudes. Les insurgés, improprement rassemblés sous le titre global de « talibans » comptent aujourd'hui à peu près 4 000 combattants permanents et entre 14 et 20 000 sympathisants. Les maladresses en matière militaire, et notamment les dommages collatéraux, heureusement limités depuis quelques mois par des instructions strictes, conduisent à l'assimilation des forces de stabilisation et de paix à des forces d'occupation. Cette tendance ne peut vraisemblablement que s'accentuer si un effort déterminant n'est pas effectué en matière de développement. De ce point de vue, la faible coordination des efforts occidentaux, le retour de l'aide dans les pays d'origine, pour une part estimée par les ONG à 40 %, ajoutés aux problèmes fondamentaux posés par la corruption, une faible gouvernance et la question récurrente de la drogue, sont particulièrement préoccupants.
a enfin souligné que la situation était d'autant plus complexe qu'il était évident que les objectifs des différentes puissances présentes en Afghanistan n'étaient pas les mêmes.