Intervention de Patrick Dugois

Mission commune d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion — Réunion du 5 février 2008 : 1ère réunion
Audition de M. Patrick duGois délégué général d'emmaüs france

Patrick Dugois, délégué général d'Emmaüs France :

a d'abord rappelé les grandes dates de l'histoire du mouvement Emmaüs :

- 1949 : création d'une première auberge de jeunesse, puis d'une première communauté ;

- 1954 : appel de l'abbé Pierre et naissance d'un mouvement de contestation ;

- 1963 : création d'Emmaüs international ;

- 1985 : création d'Emmaüs France.

Emmaüs international comporte 400 groupes répartis sur quatre continents (Afrique, Amérique, Asie, Europe), dont 250 en France. Il y rassemble environ 15.500 personnes, dont 4.000 compagnons, 3.500 salariés et 8.000 bénévoles, répartis en trois branches coiffées par Emmaüs France :

- une branche communautaire. 120 communautés vivent de la « ramasse » et permettent d'offrir des activités à des personnes peu qualifiées et d'équiper des ménages à peu de frais ;

- une branche logement et action sociale : une cinquantaine de groupes « SOS familles » est venue en aide à 1.500 familles dans ce cadre en 2007. La fondation Abbé Pierre est centrée sur le logement et a remis à ce titre un rapport de référence le 1er février dernier. L'association Emmaüs Paris est la première structure de logement des personnes en très grande difficulté en France. Emmaüs gère par ailleurs une société HLM de 13.000 logements ;

- une branche insertion par l'économie : le Relais est un réseau d'entreprises à but socioéconomique assurant les deux tiers de la collecte et du recyclage de textiles et déchets électroménagers. Il rassemble 634 groupes et 3.000 salariés.

a ensuite rappelé les valeurs spécifiques d'Emmaüs :

- accueillir inconditionnellement toute personne en situation de détresse. Dépourvu de limite de durée, cet accueil ne donne pas lieu à questionnement sur le passé de la personne recueillie, les informations la concernant n'étant communiquées à la police ou la justice que dans le cadre d'éventuelles procédures judiciaires. Sont ainsi accueillies de nombreuses personnes ayant été incarcérées, des prisonniers en liberté conditionnelle, mais aussi des sans-papiers. Désemparées face à des familles qu'elles ne savent pas gérer, les structures d'accueil voient arriver un nombre croissant de jeunes en situation de marginalisation, mais également d'étrangers ;

- redonner de la dignité par le travail. Ce dernier, qui peut n'être que symbolique, tient compte des rythmes, capacités et besoins de la personne accueillie ;

- lutter contre les symptômes de la misère, mais aussi contre ses causes, en interpellant l'ensemble de la société sur ces phénomènes.

a ensuite souligné que le logement et l'hébergement d'urgence constituaient aujourd'hui un enjeu majeur. Si de nombreux logements sont aujourd'hui construits, ils ne sont pas accessibles aux ménages à faible revenu. De 200 à 350 personnes continuent ainsi de mourir chaque année dans la rue, alors que les pouvoirs publics sous-estiment cette situation et la souffrance qu'elle représente pour les exclus, et ne publient pas les chiffres dont ils disposent. Le soutien aux sans domicile fixe (SDF), dont le parcours les conduit souvent de la rue au métro, puis aux galeries du métro, est d'autant plus difficile et coûteux qu'il intervient tardivement, rendant indispensable le développement de politiques de prévention adaptées.

Les établissements psychiatriques ont laissé sortir de nombreux malades que des structures comme Emmaüs, bien que mal adaptées à ces publics, doivent aujourd'hui recueillir. Ce d'autant plus que les structures de socialisation traditionnelles, telle que l'armée, ne fonctionnent plus comme avant.

Demandant à l'occasion du « Grenelle de l'insertion » la reconnaissance de son modèle communautaire et d'un statut original pour ses compagnons, qui ne soit ni celui de salarié, ni celui de bénévole, Emmaüs propose par ailleurs une réponse collective aux phénomènes d'exclusion touchant des populations inaptes à s'insérer dans un modèle économique concurrentiel.

a indiqué que le phénomène croissant du « malendettement », trouve son origine dans le marketing d'entreprises non responsables, dont les conséquences négatives pèsent sur l'ensemble de la société. Il serait opportun de mettre en place des mécanismes d'encouragement et de sanction qui, tel un système de bonus-malus, les responsabiliseraient davantage.

De nature entrepreneuriale, le mouvement Emmaüs a obtenu des pouvoirs publics la mise en place de mesures fiscales, par exemple pour contribuer au recyclage des textiles, qu'il faudrait aujourd'hui étendre à de nouveaux domaines, comme celui de certains matériels informatiques, afin d'inciter à des comportements écologiques et économes. Mouvement également capable d'innovation, comme l'a démontré son travail sur l'accueil de jour, les pensions de famille ou les brevets en matière de logement et d'habitat, il tend à illustrer l'idée que l'exclusion peut être envisagée comme un espace économique à part entière.

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