Je vous remercie d'avoir invité la Commission européenne à cette table ronde. Les autorités françaises, et en particulier la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, sont en contact depuis 2008 avec la direction générale « Mobilité et transports », au moins pour la tenir informée des grandes lignes du projet. Je formulerai quatre types de remarques générales, que je pourrai préciser si vous le jugez utile.
Tout d'abord, ainsi que l'illustre la carte que j'ai mise en distribution, l'écotaxe sur les poids lourds reflète une évolution observée dans un nombre croissant d'Etats membres de l'Union européenne. Quatre Etats membres perçoivent déjà des redevances kilométriques électroniques sur les poids lourds : l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque et la Slovaquie depuis le 1er janvier 2010. Plusieurs autres pays préparent la mise en oeuvre de tels systèmes, avec une mise en service annoncée pour juin 2011 en Pologne, et en 2013 ou 2014 pour la Belgique et la Hongrie. Un pays tel que le Danemark y travaille également.
Le projet français présente certaines spécificités qui intéressent l'Europe des transports. La France est en effet un pays de transit et sur les 800 000 véhicules qui seront redevables de l'écotaxe, 250 000 seront immatriculés dans d'autres Etats membres. Elle a aussi une longue tradition de péage, et la mise en place de la taxe va constituer un défi technique pour assurer l'interopérabilité des télépéages fondés sur la technologie de micro-onde à courte portée avec le futur système satellitaire. La France va ainsi devenir en quelque sorte le laboratoire de la future interopérabilité européenne.
Troisième remarque, la décision du Gouvernement français marque une volonté politique de tarifer l'usage des infrastructures pour contribuer à une véritable politique de transport durable. L'écotaxe est ainsi en phase avec la politique européenne des transports, dont un objectif clef est de mieux prendre en compte le coût réel des transports, condition nécessaire mais non suffisante pour assurer la compatibilité des transports avec la politique du climat et la contrainte de raréfaction des financements publics pour les infrastructures.
La législation européenne, par la directive « Eurovignette », autorise déjà la perception des péages sur le réseau transeuropéen pour récupérer les coûts d'infrastructure, pour autant qu'ils soient calculés selon une méthode commune et transparente. Cette directive est en cours de révision dans le cadre d'une stratégie plus large d'internalisation des coûts externes de tous les modes de transport. Jacques Barrot, lorsqu'il était commissaire aux transports, avait ainsi proposé de modifier cette directive pour autoriser des redevances d'infrastructure couvrant également les coûts de pollution atmosphérique et le bruit. Ces redevances seraient soumises à des valeurs plafonds différenciées selon les véhicules et la nature urbaine ou non des routes, de l'ordre de trois à quatre centimes par kilomètre. On applique ainsi aux transports le principe « pollueur-payeur », qui est d'ailleurs inscrit dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le conseil des ministres a adopté sa position commune le 14 février après des discussions « rudes ». Mais le plus dur est passé et la Commission espère un accord final en seconde lecture au cours de l'été prochain.
Quatrième remarque, pour réussir la mise en place de l'écotaxe en Europe, il faudra veiller à ce que ses modalités concrètes d'application ne discriminent pas les usagers étrangers. Il sera également fondamental d'assurer l'interopérabilité avec les autres systèmes de péage, dans le cadre de la directive sur le système européen de télépéage électronique.
La Commission européenne attend donc la notification formelle des autorités françaises pour examiner les détails de ce projet important et complexe, mais ses grandes lignes apparaissent parfaitement cohérentes avec la politique des transports de plusieurs Etats membres et de la Commission européenne. Le commissaire Siim Kallas est d'ailleurs en train de finaliser un nouveau Livre blanc, qui mettra l'accent sur la poursuite des efforts en vue d'internaliser les coûts des transports.