Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Bioéthique — Examen du rapport et adoption du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

Peu de réelles divergences subsistent entre les deux assemblées, grâce à un travail commun d'approfondissement, ce dont je me félicite. Près d'un tiers des soixante-neuf articles adoptés par le Sénat l'ont été dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale. Parmi les articles encore en discussion, plusieurs peuvent être adoptés conformes au Sénat. D'autres appellent toutefois des modifications.

Sur le don d'organes, l'Assemblée nationale a suivi le Sénat pour lever les obstacles au don et refuser toute contrepartie susceptible de fausser le caractère altruiste de cet acte. Elle a confirmé l'interdiction de discrimination concernant le don du sang pour des motifs autres que médicaux et complété l'interdiction de toute discrimination des donneurs dans l'accès à l'assurance.

Elle a cependant supprimé l'allègement du consentement en matière de collecte des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse et du sang périphérique. Le don devra être autorisé par un juge. L'Assemblée a également rétabli la mention du caractère anonyme et non dirigé du don de cellules hématopoïétiques du sang de cordon, considérant que le rappel partiel des caractéristiques du don était nécessaire pour éviter la mise en place de banques de conservation privées du sang de cordon à des fins autologues.

Sur le diagnostic prénatal, l'Assemblée nationale a entendu les objections du Sénat opposées au fait de ne proposer les examens médicaux que si « les conditions médicales le nécessitent ». Elle a donc adopté une nouvelle rédaction selon laquelle la femme enceinte recevra, lors d'une consultation médicale, une information « loyale, claire et appropriée ». Cette formulation répond aux critiques émises tant par le Sénat que par les professionnels et les sociétés savantes sur l'atteinte au principe d'autonomie du patient, sur l'inégalité de traitement entre les femmes, sur l'accroissement de la responsabilité pesant sur les professionnels. Je me réjouis que l'Assemblée ait fait ce pas dans notre direction. Elle a adopté sans modification les autres dispositions relatives au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Sur l'anonymat du don de gamètes, le Sénat avait confirmé la suppression de la levée de l'anonymat sous conditions. Le débat se limite désormais aux modalités de contrôle par la Cnil des données personnelles détenues par les centres et sur la mise en place d'un référentiel des bonnes pratiques. Sur ces deux points, le texte de l'Assemblée est très proche du nôtre.

Sur l'assistance médicale à la procréation (AMP), plusieurs divergences persistent. Tout d'abord, l'Assemblée a rétabli la possibilité de l'autoconservation des gamètes pour les donneurs majeurs n'ayant pas procréé. Cette possibilité est présentée non comme une contrepartie, mais comme la garantie que les accidents de la vie ne viendront pas faire regretter le don accompli. Les députés ont également limité la participation des établissements privés aux procédures d'AMP aux seuls cas d'absence d'activité en ce domaine dans les autres établissements du même secteur géographique, depuis deux ans. Par ailleurs, l'Assemblée a codifié l'autorisation de la technique de vitrification, afin de préserver la clarté du code de la santé publique et d'encadrer la responsabilité du législateur. Contrairement à l'avis de l'académie de médecine, elle a également réintroduit la conservation des gamètes et tissus germinaux dans la définition de l'AMP. Nous avions ouvert l'accès à l'AMP aux couples homosexuels mais les députés sont revenus sur ce point.

S'agissant de la recherche sur l'embryon, l'Assemblée nationale a finalement rétabli en séance l'interdiction de principe de la recherche sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches, afin d'ériger un « interdit symbolique fort » accompagné de dérogations permanentes. Elle a également durci son texte initial en ce qui concerne les conditions d'autorisation d'une recherche, en exigeant qu'il soit impossible de parvenir au résultat escompté par une autre méthode, ce qui supposerait d'avoir engagé d'autres recherches et d'avoir échoué, et en prévoyant que les parents ayant donné à la recherche leurs embryons surnuméraires seront informés de la nature des recherches, ce qui suppose une pré-affectation des embryons. L'Assemblée restreint ainsi considérablement la recherche sur l'embryon et les cellules souches.

Le rapport demandé par le Sénat sur la mise en place de centres de conservation biologiques, conformément aux préconisations de l'agence de la biomédecine, de l'académie de médecine et même de l'OCDE, a été supprimé. Quant à l'évaluation de la loi et de son application, l'Assemblée a pris une position inverse à la nôtre, en supprimant la clause de révision après cinq ans. Elle a aussi supprimé le débat public obligatoire avant toute réforme significative en bioéthique. L'initiative du débat public est laissée au comité consultatif national d'éthique (CNNE). Elle a également supprimé la demande d'un rapport d'activité aux espaces éthiques régionaux, dont le CCNE aurait fait la synthèse dans son rapport annuel, au motif que ces espaces ne sont pas encore créés. Mais précisément, nous poussions ainsi le Gouvernement à agir et, de fait, la ministre Nora Berra nous avait assurés que l'arrêté de création serait bientôt signé.

Enfin nos collègues ont supprimé le régime de déclaration d'intérêts applicable aux membres du conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine, tout en regrettant que ces liens d'intérêts ne soient pas rendus publics !

Deux points majeurs ne me semblent pas pouvoir être adoptés en l'état : d'une part, la possibilité de l'autoconservation des gamètes à l'occasion d'un don, d'autre part, le régime d'interdiction assortie de dérogations pour la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, régime qui marquerait, si nous adoptions le texte de l'Assemblée, une véritable régression. Je vous proposerai une vingtaine d'amendements visant, comme en première lecture, à mettre en place un régime de clarté et de responsabilité. Il est essentiel que nos choix soient assumés et lisibles. C'est ce que réclament nos concitoyens.

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