Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Bioéthique — Examen du rapport et adoption du texte de la commission en deuxième lecture, amendement 14

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

Nous en arrivons à l'article relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Poser une interdiction de principe assortie de dérogations permanentes repose sur la nécessité supposée d'un « interdit symbolique fort ». Cette formule est celle du Conseil d'Etat, qui l'a évoquée pour mieux l'écarter. L'académie de médecine et l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), de même, affirment que ce serait préférer l'ambiguïté et la peur à la clarté et la responsabilité.

En droit, cette formule n'ajoute rien à la protection juridique de l'embryon : l'article 16 du code civil garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. En fait, c'est l'encadrement spécifique de la recherche sur l'embryon, qui repose sur des règles éthiques, scientifiques et procédurales cumulatives qui protège la vie.

Notre société, dit-on, serait inquiète des recherches sur l'embryon ; il faudrait donc la rassurer en limitant ces recherches à des cas exceptionnels, dérogatoires. Pareille affirmation aurait un sens si les dérogations prévues étaient limitées dans le temps, comme en 2004, ou restreintes à un objet spécifique. Mais telle n'est ni l'intention du Gouvernement ni celle, affichée, des députés. Une interdiction de principe qui masquerait des dérogations importantes et pérennes induirait nos concitoyens en erreur.

Les Français, je le crois, demandent la transparence des décisions publiques et la responsabilité de ceux qui les prennent. En adoptant une interdiction de principe, nous ne respecterions ni l'une ni l'autre ; nous n'assumerions pas notre rôle de législateur et ferions peu de cas de l'intelligence des Français. Pareille position serait inutile. Soit il faut interdire complètement, soit il faut autoriser de manière encadrée. Instituer des dérogations à une interdiction serait faire prévaloir l'exception sur la règle, ce qui est contraire aux principes qui sous-tendent notre démocratie.

De plus, le texte de l'Assemblée nationale est insatisfaisant. Il interdit la recherche sur les « lignées de cellules souches ». Or celles-ci sont des reproductions obtenues en laboratoire d'une cellule extraite originellement d'un embryon. Si leur mode de multiplication est artificiel, leur nature ne change pas : elles demeurent des cellules souches embryonnaires. Leur mention est donc inutile d'autant que l'on ne précise pas que ces lignées sont embryonnaires. Résultat, l'article pourrait s'appliquer aux lignées de cellules souches adultes, extraites du sang de cordon ou induites.

De même, la suppression de la référence à « l'état de la science » dans les conditions posées pour la délivrance d'une autorisation de recherche laisse supposer que la décision pourrait être influencée par des espoirs non scientifiquement établis.

Il est pour le moins « épistémologiquement fragile », reconnaît le rapporteur de l'Assemblée nationale lui-même, voire contraire à la démarche scientifique, d'autoriser une recherche seulement s'il est « expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté » par une autre méthode. Enfin, la nécessité d'informer les parents sur la nature des recherches effectuées à partir de leurs embryons suppose une pré-affectation des embryons à des protocoles qui ne correspond pas à la réalité de la pratique.

En bref, est-il cohérent de soutenir qu'une interdiction de principe n'entrave pas la recherche en raison de l'interprétation « pragmatique » de l'agence de la biomédecine tout en durcissant les conditions d'autorisation dans les faits ? Le texte que nous avions adopté en première lecture est, sous réserve de deux modifications, préférable. Rétablissons-le en adoptant l'amendement n° 14.

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