Intervention de Philippe Nachbar

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 4 juillet 2006 : 1ère réunion

Photo de Philippe NachbarPhilippe Nachbar, rapporteur :

a rappelé que sa création, à la fin de l'année 2005, avait été dictée par les fortes inquiétudes qui s'étaient exprimées à l'occasion de la discussion du projet de budget de la mission « Culture » pour 2006. Il a rappelé qu'en qualité de rapporteur pour avis des crédits de cette mission, il s'était alarmé de la très forte aggravation en 2005 des difficultés financières qui s'étaient déjà manifestées en 2004, et que, jugeant peu rassurantes les perspectives pour 2006, malgré l'apport en capital de 100 millions d'euros tirés des privatisations, il avait soutenu l'initiative de M. Philippe Richert de constitution de cette mission d'information.

Il a indiqué que la mission d'information, qui a déjà procédé à de nombreuses auditions au Sénat, envisageait de se rendre prochainement en Alsace et en Bretagne pour affiner sa perception concrète des problèmes, ainsi qu'au Royaume-Uni, pour tirer les enseignements possibles d'un système très différent du nôtre.

Analysant l'évolution des crédits consacrés par le ministère de la culture à l'entretien et à la restauration des monuments historiques sur les cinq dernières années, il a souligné le rôle déterminant joué par l'apurement des reports de crédits opéré à partir de 2003. Il a rappelé que ceux-ci avaient fortement gonflé à partir de 2000, atteignant en 2002, avec 234,6 millions d'euros, des montants supérieurs à ceux des crédits votés en loi de finances initiale, à savoir 233,6 millions d'euros.

Cette situation anormale et les critiques justifiées qu'elle avait suscitées ont conduit le Gouvernement issu des élections de 2002 à opérer un retour à la vérité des comptes que rendait d'ailleurs indispensable la perspective de la prochaine entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Le rapporteur a cependant déploré que cet apurement accéléré des comptes ait provoqué des fluctuations financières qui ont gravement perturbé la conduite des politiques en faveur du patrimoine monumental. Ces fluctuations se sont traduites par une dégradation du taux de couverture des besoins exprimés qui a affecté, dans des proportions inégales et irrégulières, le Service national des travaux, l'Etablissement de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels et les directions régionales des affaires culturelles.

Ainsi, les dotations notifiées aux DRAC, qui ont évolué entre 240 et 247 millions d'euros sur la période 2000-2005 ne seront que de 195 millions d'euros en 2006 et ne permettront de couvrir qu'un peu moins de la moitié des besoins exprimés.

a précisé que le ministère de la culture évaluait à 384 millions d'euros le volume des crédits qu'il s'est vu supprimer depuis 1998, dont 165 ont concerné entre 2002 et 2004 le patrimoine monumental, et que compte tenu des rattrapages déjà effectués, et notamment de l'apport de 100 millions d'euros tirés des privatisations, il resterait environ 200 millions d'euros à trouver pour permettre au ministère de retrouver une capacité normale.

Il a ensuite décrit les conséquences concrètes de ces données financières.

Après avoir rappelé qu'en 2005, 80 chantiers engagés avaient dû être interrompus, et 170 opérations reportées ou différées, il a précisé que la situation s'était encore dégradée en 2006, où quelque trois cents chantiers sont déjà interrompus ou différés, comme par exemple celui de la Conciergerie à Paris. Cela risque de compromettre la sécurité du public ou la sûreté des collections, parfois de très grande valeur, qu'hébergent les monuments.

Il a relevé que le montant des impayés faisait l'objet d'appréciations divergentes, les entreprises et les associations de défense du patrimoine ne partageant pas l'optimisme du ministère de la culture, qui le juge marginal.

Il a également souligné les inconvénients des fluctuations de crédits et l'absence de visibilité qui en résulte : l'arrêt des chantiers engagés entraîne un gonflement des dépenses en pure perte, ne serait-ce que par le maintien coûteux des échafaudages (8.000 euros par jour pour la cathédrale de Strasbourg) ; la défaillance de l'Etat remet en cause des opérations qui devaient être cofinancées par les collectivités territoriales, dont le montage avait nécessité de longues négociations ; enfin, les entreprises de restauration des monuments historiques, confrontées à de brusques suppressions de commandes que des déclarations officielles trop optimistes ne leur ont pas permis de prévoir, sont contraintes de réduire leurs effectifs, quand elles ne sont pas acculées au dépôt de bilan, au risque d'entraîner la perte définitive de certains savoir-faire.

Evoquant les effets de la LOLF, le rapporteur s'est réjoui de ce que la justification des dépenses au premier euro contribue à un effort de clarification utile, mais s'est inquiété des conséquences possibles de la globalisation des crédits déconcentrés qui ne permettra de connaître qu'a posteriori, dans la loi de règlement, le montant des crédits que le directeur régional aura consacré au patrimoine, ainsi que les effets possibles sur le déroulement des chantiers de la règle qui limite à 3 % les possibilités de reports d'un exercice sur le suivant.

a ensuite présenté les premières préconisations de la mission.

Il a d'abord invité les pouvoirs publics à modifier leur attitude envers le patrimoine, considérant que celui-ci ne devait pas être appréhendé sous le seul angle de l'entretien des « vieilles pierres », mais comme un gisement économique et un gisement d'emplois qu'il convient de valoriser.

Il a souhaité, ensuite, la réalisation d'un audit du patrimoine débouchant sur une évaluation des besoins et la réalisation d'un échéancier réaliste des travaux nécessaires, de façon à permettre au ministère de se doter d'une véritable gestion prévisionnelle et d'améliorer la visibilité pour ses partenaires, qu'il s'agisse des collectivités, qui sont ses partenaires dans les opérations qu'elles cofinancent, ou des entreprises, qui réalisent les travaux.

Il a appelé de ses voeux le rattrapage des crédits gelés au cours des derniers exercices, ainsi que le retour à un niveau d'équilibre des moyens consacrés aux monuments historiques que, sous réserve d'évaluation plus précise, il a estimé entre 300 et 400 millions d'euros par an. Considérant que l'entretien et la restauration du patrimoine doivent, plus qu'aucun autre secteur de la politique culturelle, s'inscrire dans la durée, il a jugé indispensable le retour à une grande régularité dans l'effort financier.

Enfin, il a souhaité que le ministère de l'économie et des finances procède à une évaluation plus systématique de la dépense fiscale intéressant les monuments historiques et les secteurs sauvegardés.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion