Intervention de Hélène Luc

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 février 2006 : 2ème réunion
Audition de M. Philippe Douste-blazy ministre des affaires étrangères

Photo de Hélène LucHélène Luc :

évoquant le refus, par l'Iran, des propositions de la Russie d'enrichissement d'uranium sur son sol, s'est interrogée sur des propositions similaires qui pourraient être formulées par la France ou d'autres Etats européens et qui seraient peut-être plus acceptables par l'Iran. Elle s'est demandé s'il était possible de conjuguer fermeté et souplesse afin qu'après la saisine du Conseil de sécurité on n'aboutisse pas à une situation bloquée et conflictuelle.

Le ministre des affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants :

- des réflexions sont actuellement en cours sur l'organisation d'un système de contrôle mondial de l'usage du nucléaire civil, dont la différence avec le nucléaire militaire réside dans le taux d'enrichissement de l'uranium. Ce contrôle pourrait être réalisé par l'AIEA, mais aucune proposition concrète n'a encore été examinée à l'échelle internationale ;

- la suspension par l'Iran de ses activités d'enrichissement est un préalable à la reprise de négociations rompues à son initiative. La reprise de la conversion d'uranium en août 2005, puis de l'enrichissement, il y a quelques semaines, ont motivé la décision de l'AIEA de transmettre le dossier au Conseil de sécurité. L'Agence internationale de l'énergie atomique enquête depuis plus de deux ans sans avoir pu lever les craintes qui entourent le programme nucléaire iranien. Selon les termes mêmes de l'Agence, aucun programme nucléaire civil ne peut en effet justifier la reprise des activités d'enrichissement d'uranium. Le directeur général de l'AIEA doit faire un nouveau rapport début mars qui sera transmis au Conseil de sécurité qui décidera alors des actions à entreprendre. Il devrait ainsi affermir l'Agence dans ses demandes de suspension des activités dangereuses. Une concertation étroite est menée avec la Russie et la Chine, la crise iranienne étant un sujet de préoccupation pour toute la communauté internationale, qui doit préserver son unité. Les propositions formulées par la Russie portent sur la production d'uranium enrichi sur le sol russe, à l'exclusion de tout transfert de technologie lié à l'enrichissement d'uranium et de tout enrichissement sur le sol iranien. Les autorités iraniennes ne peuvent qu'être préoccupées par la saisine du Conseil de sécurité, par conséquent l'action de la communauté internationale doit continuer d'allier unité et fermeté ;

- l'aide financière à l'Autorité palestinienne doit être assortie d'assurances sur les pratiques d'un Etat de droit. Si la mise en oeuvre de projets non encore engagés dépendra de la position du Hamas, les financements des grands projets doivent aussi être affectés directement à des actions portant notamment sur la santé, la justice, plus que versées à une entité qui les redistribue. La communauté internationale, qui entretient une relation de confiance avec le président de l'Autorité palestinienne, souhaite poursuivre les projets déjà engagés et maintenir une aide humanitaire qui pourrait cependant emprunter de nouveaux canaux, en recourant aux ONG. La question du développement économique est primordiale et l'Union européenne a, par exemple, un rôle important à jouer dans la reconstruction du port de Gaza. Si nul ne peut se réjouir de la construction du mur de séparation, force est de constater qu'il a permis une diminution des attentats de près de 80 % et qu'il contribue au droit d'Israël à la sécurité. La feuille de route, qui prévoit notamment le démantèlement des colonies, reste valable et doit être respectée. Les différents acteurs de la région paraissent disposés à progresser vers la paix. L'entrée du Fatah au sein du Gouvernement palestinien ne serait pas une condition suffisante, la position du Hamas devant faire l'objet des évolutions demandées ;

- au Soudan, la situation au Darfour continue de se dégrader. Le transfert de la responsabilité des opérations de l'Union africaine à l'ONU semble désormais acquis et le Conseil de sécurité devrait en décider au mois de mars. Les effectifs pourraient être portés à 20 000 hommes, ce qui représenterait un coût annuel de 1,5 milliard de dollars. Dans ce processus, il conviendra de veiller à éviter d'éventuelles réactions de rejet de la part des populations. A cet égard, les propositions américaines de solliciter l'OTAN en relais temporaire de l'Union Africaine ne seraient pas sans conséquences ;

- pour ce qui concerne le Kosovo, les parties ont été réunies à Vienne les 20 et 21 février, sous l'égide du représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Atisaari, sur la question de la décentralisation. Cette réunion s'est tenue un mois après le décès d'Ibrahim Rugova et moins d'une semaine après la désignation de son successeur. Des convergences de vue se sont dégagées sur des sujets techniques, mais la négociation s'annonce difficile. Les Kosovars souhaitent, dans leur grande majorité, une indépendance qui ne pourra cependant être que limitée et conditionnelle. La communauté internationale devra rester présente au Kosovo afin d'accompagner le processus de transition. La rumeur concernant l'arrestation de M. Mladic était infondée, ce dernier n'ayant été ni arrêté, ni même localisé. Les mouvements opérés par les Serbes, sur cette question, peuvent cependant être considérés comme positifs ;

- aux Comores, les élections prévues au mois d'avril prochain constituent le terme d'un long processus de sortie de crise. Les mouvements intégristes se renforcent effectivement dans l'archipel, mais il est indispensable de gérer l'afflux considérable que représente l'immigration pour Mayotte. Dans le débat sur la politique d'immigration, les solutions à apporter doivent être examinées en liaison avec les partenaires de la France sur le fondement de trois principes : l'arrêt de l'immigration illégale, le bénéfice d'un meilleur accueil pour les immigrés dont l'entrée est admise et le renforcement de la politique d'aide au développement. Le sommet de Barcelone, prévu en juillet, entre la France, l'Espagne, le Maroc et les pays d'Afrique sub-saharienne portera précisément sur l'immigration et le développement ;

- au Monténégro, un référendum sur l'indépendance est toujours envisagé, mais la date définitive n'en est pas encore fixée, dans l'attente d'avancées dans les négociations sur le statut final du Kosovo. Il pourrait cependant intervenir avant l'été. En tout état de cause, le résultat devrait être favorable à l'indépendance ;

- pour ce qui concerne la question chypriote, les propositions turques ne sont pas nouvelles. Elles consistent dans la reconnaissance de Chypre nord et dans l'établissement de relations d'Etat à Etat qui ne sont pas acceptables par les autorités de Nicosie. Le secrétaire général des Nations unies est disposé à la reprise des négociations sous l'égide de l'ONU mais reste prudent, dans l'attente de signaux favorables des parties.

Le ministre des affaires étrangères a rappelé, en conclusion, que la présente réunion de la commission se tenait à la veille du quatrième anniversaire de la détention d'Ingrid Bétancourt et de sa collaboratrice, Clara Rojas. Il a rappelé que, lors de son voyage en Colombie, le Président colombien Alvaro Uribe lui avait indiqué qu'il acceptait la proposition formulée par la France, l'Espagne et la Suisse d'une rencontre entre les Forces armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) et les autorités gouvernementales, afin d'arrêter une solution humanitaire pour tous les otages. Il incombe désormais aux FARC de répondre à cette proposition. Le ministre a considéré que la France se devait de penser à l'ensemble des otages et d'oeuvrer à leur libération.

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