Intervention de Adrien Gouteyron

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 septembre 2006 : 1ère réunion
Traités et conventions — Conventions fiscales france-arménie france-slovénie france-etats-unis france-pays dépendants et associés du royaume-uni et des pays-bas - examen des rapports

Photo de Adrien GouteyronAdrien Gouteyron, rapporteur :

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a présenté ses conclusions sur cinq projets de loi proposant au Parlement d'approuver des conventions internationales, ou des avenants, relatifs à la fiscalité. Il a précisé que deux de ces avenants, modifiant les conventions fiscales franco-américaines existantes, allaient faire l'objet de la publication d'un rapport commun. Après une présentation rapide de chaque projet de loi, il a formulé quelques remarques d'ordre général.

Il a indiqué que cinq projets de loi faisaient l'objet de sa présentation :

- le projet de loi n° 350 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant sous forme d'échange de lettres modifiant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le projet de loi n° 351 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le projet de loi n° 446 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le projet de loi n° 447 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et les Etats-Unis d'Amérique tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les successions et sur les donations ;

- et enfin, le projet de loi n° 465 (2005-2006) autorisant l'approbation des accords sous forme d'échange de lettres relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

S'agissant de l'avenant à la convention franco-arménienne, il a indiqué que celui-ci visait simplement à rectifier une erreur matérielle dans la convention de 1997, liée à un problème de coordination entre deux articles. Il a précisé qu'alors que la convention visait à éliminer les doubles impositions, la rédaction de 1997 conduisait, sur un point, à ne plus taxer certains revenus, en France comme en Arménie. Il a ajouté que l'avenant permettrait d'imposer les intérêts et redevances, de source arménienne, versés à des résidents français.

En ce qui concerne la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie, il a souligné qu'elle remplacerait l'ancienne convention franco-yougoslave du 28 mars 1974. Il a rappelé que la Slovénie avait demandé, dès 1993, qu'une nouvelle convention fiscale soit conclue avec la France. Il a indiqué que dans un premier temps, la France n'avait pas jugé opportun de donner une suite favorable à la demande slovène, dans la mesure où les dispositions de la convention franco-yougoslave de 1974 étaient très favorables à nos intérêts. Il a noté également que de nouvelles conventions ayant ensuite été conclues entre la France et des Etats de l'ex-Yougoslavie (Macédoine et Croatie), une négociation avait été engagée avec la Slovénie.

Il n'a pas souhaité évoquer la situation économique de la Slovénie, renvoyant au rapport écrit, et à la communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, en date du 14 juin 2006, qui avait fait l'objet d'un rapport d'information. Il a indiqué que les perspectives d'investissement français dans ce pays étaient importantes et justifiaient une convention fiscale mise à jour. Il n'a pas abordé les aspects techniques de cette convention, qui différaient très peu du modèle de convention fiscale établi par l'OCDE.

Concernant les deux avenants aux conventions fiscales américaines, respectivement de 1978 pour les successions et les donations, et de 1994 pour l'impôt sur le revenu, il a fait remarquer que la négociation avait été longue et difficile.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, il a noté qu'il s'agissait de résoudre certaines difficultés d'application du texte existant :

- en matière de pensions tout d'abord, il a précisé que la convention de 1994 prévoyait, conformément au modèle de l'OCDE, un principe d'imposition des retraites privées dans l'Etat de résidence. Il a noté que, cependant, la France avait souhaité introduire une exception concernant les pensions versées en application de la législation sur la sécurité sociale afin que celles-ci soient imposables dans l'Etat de la source. Il a relevé que les deux Etats n'ayant pas la même conception du champ d'application couvert par la législation sur la sécurité sociale, l'application de ces stipulations avait été source de difficultés portant à la fois sur l'imposition des pensions et la déductibilité de certaines cotisations. Il a observé que l'avenant clarifiait définitivement la situation en posant un principe exclusif d'imposition des pensions dans l'Etat d'où elles proviennent ;

- en matière de « partnerships » ensuite : il a fait valoir que l'avenant avait pour but de régler les difficultés inhérentes aux spécificités de la législation des deux Etats en matière de sociétés de personnes (« partnerships » du côté américain) liées à des conceptions juridiques et fiscales très différentes. Il a noté que les Etats-Unis appliquaient une règle de transparence fiscale totale à ces entités (les revenus étant réputés être directement appréhendés par les associés), alors que la France appliquait un régime intermédiaire, dit de translucidité, dans lequel on distinguait le sujet fiscal (la société de personnes) et le redevable de l'impôt (les associés). Il a affirmé que la situation apparaissait désormais clarifiée.

S'agissant de la convention relative aux successions et donations, il a observé que l'avenant négocié à la demande des autorités françaises visait essentiellement à régler les difficultés apparues à compter du 10 novembre 1988 suite à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi fédérale américaine : « Technical And Miscellaneous Revenu Act of 1988 » (législation TAMRA). Il a précisé que l'avenant avait pour objet d'accorder aux conjoints survivants, qui ne possédaient pas la nationalité américaine, des avantages en matière de crédit d'impôt unifié et de déduction maritale prévus par la législation interne américaine au profit des seuls citoyens américains. Il a fait remarquer que les Etats-Unis faisaient prévaloir la législation TAMRA sur les stipulations conventionnelles, en application du principe américain du « treaty overriding » limitant ainsi les avantages en matière de droits de succession. Il a noté que l'avenant permettrait de rééquilibrer de manière favorable la situation des conjoints survivants de nationalité française.

Enfin, il a présenté le projet de loi portant approbation des accords sous forme d'échange de lettres relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Il a rappelé que, si, en apparence, ces accords avaient une importance limitée, en réalité, ils permettaient la pleine application de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts.

Il a précisé qu'il s'agissait tout simplement de l'aboutissement d'un chantier relatif à l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne.

Il a souligné que les revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts constituaient des revenus imposables pour les résidents de tous les Etats membres de l'Union européenne. Il a noté également qu'en raison de la libre circulation des capitaux, et en l'absence d'une coordination des régimes nationaux de fiscalité de l'épargne, notamment pour ce qui concernait le traitement des intérêts perçus par des non-résidents, il était possible, avant l'entrée en vigueur de la directive, pour les résidents des Etats membres, d'échapper à toute forme d'imposition sur les intérêts perçus dans un Etat membre différent de celui où ils résidaient. Il a affirmé qu'une telle situation entraînait, dans les mouvements de capitaux entre Etats membres, des distorsions qui pouvaient affecter le fonctionnement du marché intérieur.

Il a observé que la directive précitée permettait une taxation efficace des intérêts perçus par les résidents de l'Union européenne, y compris lorsque leur épargne était logée dans les banques de certains pays particulièrement « accueillants ». Il a ajouté qu'elle garantissait la taxation au lieu de résidence des intérêts perçus par les personnes physiques en prévoyant des échanges automatiques d'informations entre Etats membres. Il a relevé que trois Etats, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg, avaient néanmoins obtenu de différer l'application de l'échange automatisé d'information, échange qui aurait remis en cause leur tradition de secret bancaire, en appliquant à la place une retenue à la source sur le paiement des intérêts, dont le taux augmenterait progressivement, jusqu'à atteindre 35 % en 2011.

Il a exposé qu'afin d'éviter la concurrence des places financières « hors champ de la directive », certains pays comme l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg avaient obtenu que la directive entre en application, à condition que :

- cinq Etats tiers européens (Andorre, Liechtenstein, Monaco, Saint Marin et Suisse) appliquent des mesures équivalentes, en l'occurrence, la taxation d'office (chose faite depuis le 1er juillet 2005) ;

- les territoires dépendants et associés britanniques et néerlandais (Jersey, Guernesey, l'Ile de Man, Anguilla, les Îles Caïmans, Montserrat, les Iles vierges britanniques, les Iles Turks et Caïcos, les Antilles néerlandaises et Aruba), appliquent les dispositions relatives à l'échange d'information ou, pour une période transitoire, à la retenue à la source prévu par la directive.

Il a indiqué que tel était l'objet des dix accords faisant l'objet du projet de loi, signés par la France, selon un modèle européen unique, avec les dix territoires concernés. En attendant la fin de leur processus de ratification interne, il a fait valoir que treize des vingt-cinq Etats membres, dont la France, mettaient en oeuvre ces accords de manière provisoire.

Il a noté que la plupart des territoires concernés (Jersey, Guernesey, Ile de Man, Antilles néerlandaises, Iles vierges britanniques, Iles Turks et Caïcos) préféraient pour l'heure appliquer la retenue à la source aux paiements des intérêts en direction des résidents des 25 Etats membres de l'Union européenne. Il a précisé que certains avaient néanmoins, dès à présent, accepté l'échange d'informations (Anguilla, Montserrat, les Iles Caïmans et Aruba).

Il a déclaré que le présent projet de loi constituait l'occasion de tirer un premier bilan de l'application de la directive. Il a rappelé que la France bénéficiait en effet d'un retour, à hauteur des trois quarts, de la retenue à la source, pratiquée par les Etats n'ayant pas opté pour l'échange automatique d'informations.

Enfin, il a souhaité ajouter quelques mots, plus généraux, en conclusion de sa présentation. Tout d'abord, il a rappelé qu'il évaluait, depuis l'examen en avril 2006 de la convention fiscale franco-chilienne, le délai d'approbation des conventions fiscales par la France, en le comparant avec celui que pratiquaient les pays parties prenantes. Il a relevé que, comme en avril 2006, le constat paraissait peu favorable à la France. Il a précisé que, sur la période récente, le processus d'approbation engagé par la France s'était achevé plus tardivement que celui du pays tiers, dans huit cas sur dix.

Il a souhaité toutefois nuancer ces propos pour deux raisons. D'une part, dans le cas des accords relatifs à la fiscalité des revenus de l'épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas, il a relevé que la France appliquait déjà ces accords de manière provisoire. D'autre part, il a noté que des délais de ratification paraissaient parfois courts au regard des délais de négociation : dans le cas des négociations franco-américaines, il a ainsi constaté que la négociation de l'avenant en matière de successions avait débuté en 1990. Il a noté que les Etats-Unis avaient fait parvenir à la France leur dernier projet de texte en 1996, mais que les négociations n'avaient définitivement abouti qu'en 2000. Il a souligné qu'à cette date, l'ouverture de la négociation sur l'avenant à la convention relative à l'impôt sur le revenu avait conduit les autorités américaines à attendre, pour engager le processus d'adoption du premier avenant, que le second avenant soit négocié. Il a observé que le second avenant avait été paraphé en 2002 et qu'il avait fallu attendre le 8 décembre 2004 pour la signature de cet avenant à Washington.

Compte tenu de la complexité des négociations autour des conventions fiscales, il a estimé que la direction de la législation fiscale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, avait raison, compte tenu de la densité du réseau de conventions bilatérales, de privilégier dorénavant l'actualisation et le toilettage des textes existants. Il a déclaré qu'il était désormais en contact avec l'observatoire des conventions fiscales internationales, qui regroupait des représentants des entreprises françaises présentes à l'étranger, pour qu'il indique à la commission des finances les difficultés d'application des textes existants, et les propositions de modernisation, afin que la commission soit en mesure, d'évaluer, ex post, les dispositifs approuvés par le Parlement et de formuler quelques recommandations au gouvernement pour la détermination de son calendrier de négociation.

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