La RGPP est pour moi un impératif de bonne gestion publique pour l'Etat. Mais il convient néanmoins d'être prudent dans sa mise en oeuvre. Les petites communes, notamment, perdent l'assistance qu'elles trouvaient auprès de l'Etat en matière d'ingénierie publique. Pour elles, une substitution s'opère, puisque le vide causé par le retrait de l'Etat est compensé par les départements ou les intercommunalités. Dans les faits, nous en arrivons donc à un transfert de charges qui pesaient auparavant sur l'Etat ; c'est une situation qui n'est pas forcément choquante dans son principe, mais dont il faut avoir conscience et qu'il est donc bon de rappeler. Les communes de taille moyenne (petites villes, villes de sous-préfecture...), sont également impactées par la chute des effectifs de l'Etat.
En ce qui concerne les départements, j'observe deux types d'actions correspondant à deux niveaux différents : il y a, d'un côté, des projets d'investissement dans le cadre desquels communes et départements agissent en partenariat, et, d'un autre côté, les actions en matière sociale. Celles-ci relèvent des départements, mais je pense que les villes sont souvent mieux équipées que les départements pour piloter l'action sociale. La loi du 13 août 2004 ouvrait d'ailleurs la possibilité de l'« appel à responsabilité » permettant à un département de déléguer, sous son contrôle, les missions et les moyens financiers aux villes pour gérer l'action sociale. Toutefois, ce dispositif n'a pas été suffisamment utilisé et j'ai même pu constater, sur le terrain, des découpages étranges, le département conservant l'aide sociale aux familles avec enfants et la ville se voyant déléguer l'aide sociale aux personnes isolées et aux sans-abri. C'est pourquoi, il me paraît essentiel de retrouver un peu de cohérence et les villes, si elles sont volontaires bien sûr, peuvent, à mon avis, faire d'excellents opérateurs de la gestion d'ensemble de ces dossiers sociaux sur délégation des départements.
J'en viens maintenant aux interrogations touchant aux « petites communes ». Je rappelle que nous avons conditionné la mise en place de communes nouvelles au principe d'unanimité : soit unanimité des votes des conseils municipaux, soit, à défaut, unanimité constatée par référendum. La création d'une commune nouvelle peut alors conduire à la mise en place de maires délégués. Deux cas de figure peuvent, à mon sens, se présenter :
- soit plusieurs petites communes, qui comptent parfois quelques dizaines ou centaines d'habitants, se regroupent entre elles pour réaliser des économies en termes de moyens de fonctionnement (secrétaire de mairie, budget, compte administratif...) ;
- soit une commune d'une taille « critique » absorbe une petite commune voisine, avec l'accord de son conseil municipal ou de sa population.
Il s'agit de démarches intéressantes, que j'observe effectivement dans la pratique, à condition bien sûr que le principe du volontariat des communes participantes soit effectif et que le principe de l'unanimité des votes qui en découle soit respecté.
En ce qui concerne la fiscalité locale, c'est une question à laquelle l'AMF a beaucoup réfléchi. Les situations sur le terrain sont d'abord très différentes : on rencontre en particulier des communes qui avaient des vraies richesses fiscales de taxe professionnelle (TP) et d'autres qui vivaient uniquement sur la fiscalité du foncier non bâti et sur les donations d'Etat. Aujourd'hui, en l'état de la réforme de la TP, qui possède des qualités intéressantes en termes de compétitivité de notre pays et de garantie de nos recettes, ce qui compte ce sont les démarches engagées en matière de péréquation sur le territoire. Pour la première fois en France, la loi de finances pour 2011 donne un cap à l'horizon 2015 (2 % de recettes fiscales, soit un peu moins d'un milliard d'euros) et un outil (un fonds national de péréquation). Mais les modalités restent en cours d'élaboration, ce qui se fait de manière concertée entre les différents représentants des élus municipaux : AMF, Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), Association des communautés urbaines de France, et tout le reste du « bloc local » (les villes moyennes, les petites villes...).
L'idée est évidemment que la péréquation se fasse au niveau de ce « bloc local » avec un prélèvement qui concerne les communes qui disposent d'une certaine « richesse fiscale ». Il ne s'agit pas de prendre en compte le potentiel fiscal au sens strict, mais un potentiel financier élargi, c'est-à-dire l'ensemble de la richesse d'une commune y compris, par exemple, les revenus d'un casino, en excluant toutefois les ressources affectées (taxe d'enlèvement des ordures ménagères, versement transport...). La collecte pourra ensuite se faire au niveau d'un fond national et la répartition s'opérer sur la base d'une série de critères incorporant par exemple la richesse des habitants ou les charges supportées par les communes.
Sur la question du statut de l'élu, les avancées sont lentes, ce qui tient notamment au fait que nous comptons plus de 36 000 maires. Il sera donc plus aisé d'avancer rapidement sur le statut des présidents d'intercommunalité, nettement moins nombreux.
Pour répondre à la question relative à l'intercommunalité, je rappellerai que la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pose le principe d'un fléchage pour l'élection des délégués communautaires des communes où est en vigueur le scrutin de liste ; mais elle n'a pas déterminé le nouveau seuil de population à compter duquel il sera recouru à ce type de scrutin. C'est une autre loi, qui vient d'être déposée sur le Bureau du Sénat, qui le définira. Il est vrai que moi-même, devant le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur comme devant la mission que présidait au Sénat M. Claude Belot, j'avais évoqué le chiffre de 500 habitants car, à l'époque, la fédération des maires ruraux ne souhaitait aucun seuil pour le déclenchement du scrutin de liste. Aujourd'hui, après de nombreuses consultations, je suis arrivé à la conclusion qu'il s'agit d'un seuil trop bas et qu'il conviendrait de le fixer à 1 000 ou à 1 500 habitants, seuil qui serait significativement en dessous de l'actuel seuil de 3 500 habitants. Par ailleurs, le fléchage, s'il permet à la population d'intégrer et d'identifier les futurs délégués communautaires, alors qu'actuellement les citoyens connaissent peu leurs représentants dans les intercommunalités, n'est pas forcément adapté à toutes les situations locales.
S'agissant des CDCI, nous avons beaucoup débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat pour que celles-ci aient un rôle, notamment avec la possibilité de présenter un schéma alternatif au schéma préfectoral, ce qui est possible à la majorité des deux tiers. Nous avons également oeuvré pour que les communes désignent, ensemble, des listes uniques pour les CDCI. Aussi, dans 70 départements, et cela mérite d'être relevé, on a enregistré une liste unique présentée par l'association départementale avec un équilibre politique. C'est à mon sens, le prélude à un fonctionnement harmonieux des CDCI qui pourront soit avaliser les propositions du préfet, soit, au contraire, émettre leurs propres propositions.