Intervention de Pierre Ferracci

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Table ronde avec les représentants d'opérateurs privés de placement

Pierre Ferracci, président de Sodie :

Je voulais souligner que ni moi, ni mes collègues ne traitons les candidats comme des marchandises. Sodie fait d'ailleurs partie d'un groupe qui conseille les comités d'entreprise et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sur les questions de santé au travail, ce qui montre notre attachement à la dimension sociale de l'entreprise.

Je suis un grand défenseur du service public et je trouve que la cohabitation entre pratiques privées et publiques peut bénéficier à la collectivité en lui permettant de réaliser des économies. Les opérateurs privés peuvent apporter un plus à Pôle emploi, tout comme les bonnes pratiques développées par Pôle emploi peuvent être assimilées par le secteur privé. Il est regrettable que le cahier des charges très strict imposé par Pôle emploi empêche le mélange d'approches collectives et individuelles. Or les approches collectives sont également un moyen de faire passer un message aux personnes angoissées par le chômage tout en permettant des économies de ressources.

Une expérience très intéressante a été développée dans le cadre de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) sur le CTP. L'efficacité de ce modèle était tributaire de la maîtrise du lien entre l'emploi et la formation. Le succès de ce dispositif, qui est aujourd'hui géré par Pôle emploi, me fait regretter que le cahier des charges imposé par l'opérateur public ne permette pas aux organismes privés d'être aussi souples dans leurs relations avec les opérateurs de formation du fait de lourdeurs administratives.

Un autre domaine où les opérateurs privés peuvent apporter un plus est la relation aux entreprises privées, où Pôle emploi doit encore rattraper son retard. Les relations que nous entretenons avec elles depuis des années nous ont apporté une connaissance des entreprises qui peut être très utile pour trouver des emplois dont n'a pas forcément connaissance l'opérateur public. Sodie avait d'ailleurs mis en place des cellules de consultants spécialisés non pas dans l'accompagnement mais dans les relations aux entreprises. Pôle emploi souhaitait avoir des consultants qui s'occupent des deux aspects à la fois, mais ce sont tout de même deux métiers différents.

Dans le cadre des réunions mensuelles avec Pôle emploi, les discussions sont centrées sur le respect du cahier des charges. Le reclassement ou les échanges de bonnes pratiques ne sont pas abordés. La conséquence est que les deux parties ne progressent pas suffisamment vite en termes de créativité, c'est-à-dire dans l'élaboration de méthodes plus efficaces pour un retour à l'emploi durable. On peut être assez critique sur les opérateurs privés, mais quand des sondages sont effectués auprès des usagers de Pôle emploi, le retour est malheureusement aussi très sévère. Il y a donc une obligation de progresser ensemble.

Concernant les prix, je ne pense pas être en contradiction avec ce que ma collègue d'Ingeus a déclaré à propos de l'utilisation de la performance économique et opérationnelle comme critère essentiel d'évaluation des opérateurs privés. A mon avis, le prix des prestations des opérateurs privés doit être défini en fonction des économies effectuées par l'assurance chômage. Cela permettrait de prendre en compte les contrats courts, qui constituent malgré tout des tremplins vers des contrats de travail plus longs ou un CDI.

Sodie a surtout travaillé sur des lots « Licenciement économique ». Sur une période de deux ans, Pôle emploi nous assurait un minimum de 34 000 demandeurs d'emploi et un maximum de 86 000. Or, à la fin du contrat au mois de juin, nous n'aurons accompagné que 28 000 candidats. Comment équilibrer un modèle économique dans ces conditions, alors que le minimum n'est même pas atteint ? Je comprends les difficultés de Pôle emploi face à la crise, qui a abouti à un flux très important de chômeurs, ainsi que les complications créées par la fusion et les contraintes budgétaires, mais il faut également se mettre à la place des opérateurs privés qui ont construit des modèles économiques permettant un retour sur investissement à partir des minima garantis.

Aujourd'hui, la comparaison entre les opérateurs publics et privés n'a aucun sens car les demandeurs d'emploi redirigés vers les opérateurs privés sont souvent les candidats les plus difficiles à reclasser. De plus, si les problèmes de gestion de flux ne sont pas intégrés dans les modèles d'évaluation, la comparaison est biaisée.

La rigidité du cahier des charges que j'ai évoquée est très bien illustrée par les obligations de localisation définies à partir d'une cartographie datant du début de l'année 2009. Ainsi, il nous a été demandé d'ouvrir en septembre 2009 une implantation à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, en attendant le plan social d'Heuliez. Or celui-ci n'a jamais eu lieu. Au lieu d'ouvrir des sites fixes et durables, il serait possible d'appliquer les pratiques du privé en mobilisant des équipes de consultants sur des missions temporaires. C'est un dispositif contraignant pour les consultants mais cela leur évite au moins de passer plusieurs mois sans travailler.

Je pense que la spécificité des opérateurs privés peut être un vrai plus pour faire progresser Pôle emploi vers les objectifs que lui assigne la puissance publique et qui correspondent aux exigences de la collectivité. Nous avions proposé un groupe d'évaluation de nos pratiques et de celles de Pôle emploi, composé d'observateurs extérieurs qui auraient été des universitaires spécialistes de l'évaluation des politiques publiques. Malheureusement, cela ne s'est pas fait, ce qui est dommage, surtout au vu du poids démesuré pris par les discussions sur les cahiers des charges. A mon avis, il est possible d'alléger le dispositif administratif dans l'intérêt des demandeurs d'emploi.

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