Intervention de Jean-Paul Alduy

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Echange de vues sur les orientations du rapport

Photo de Jean-Paul AlduyJean-Paul Alduy, rapporteur :

J'aimerais formuler trois séries de remarques : d'abord sur l'organisation de Pôle emploi, puis sur les services rendus aux usagers, enfin sur les relations avec les partenaires.

Je pense qu'il est trop tôt pour établir un véritable bilan de la fusion entre les Assedic et l'ANPE. En revanche, il est possible de commencer à évaluer son impact. Il me semble qu'au cours de nos déplacements, nous avons pu vérifier le bien-fondé de la fusion dans son principe : elle a permis de simplifier les démarches du demandeur d'emploi, d'éviter des redondances et de mutualiser les fonctions support. Dans le même temps, il apparaît clairement que la fusion a été conduite dans des délais très courts et après une préparation qui a été visiblement insuffisante. Le contexte de hausse brutale du chômage l'a rendue encore plus difficile à mettre en oeuvre.

Un certain nombre d'erreurs ont été commises, comme l'idée du métier unique pour les conseillers. De même, la mise en place tardive du système informatique Neptune a été un autre obstacle au bon déroulement de la fusion. Ceci explique que Pôle emploi ait pu donner l'image d'une institution désorganisée et inefficace, avec en plus un malaise profond des agents. Pôle emploi ne semble pas avoir encore trouvé son rythme de croisière mais paraît être entré dans une dynamique de progrès, basée sur des expérimentations.

A mon avis, quatre points doivent être particulièrement soulignés :

- des tensions récurrentes ont été observées entre l'Etat et les partenaires sociaux. Un dialogue plus régulier entre le Gouvernement et l'Unedic est indispensable pour déterminer les orientations stratégiques de Pôle emploi et son financement. Il faudrait bâtir une méthode de rationalisation budgétaire basée sur des objectifs quantifiés et des indicateurs de performance précis. Ces mesures permettraient de recentrer l'activité du conseil d'administration de Pôle emploi sur son rôle de contrôle et d'évaluation du fonctionnement de l'institution ;

- deux « cultures d'entreprise » coexistent encore au sein de Pôle emploi. La fusion, combinée à une très lourde charge de travail, a provoqué un malaise au sein du personnel, dû à une perte de repères. Les agents de l'ANPE mais également ceux de l'Assedic ont l'impression que leur métier est dévalorisé au profit de celui de leurs collègues. Pôle emploi devrait mettre en place un CHSCT à l'échelle nationale à l'instar de ce qui existait auparavant au sein de l'ANPE et renforcer le dialogue social. La prévention des risques psychosociaux doit être traitée de manière plus coordonnée et systématique ;

- Pôle emploi réunit deux univers juridiques : un univers de droit public pour les activités de placement et un univers de droit privé pour l'indemnisation, avec des règles de compétence juridictionnelle différentes. Le médiateur propose d'unifier les règles en appliquant un régime de droit public. Une autre solution serait de laisser le temps aux juristes de lever les incertitudes qui subsistent ;

- le rôle des instances de médiation et de dialogue mérite d'être précisé. L'indépendance du médiateur devrait être renforcée en confiant sa nomination au conseil d'administration et non au directeur général comme c'est le cas à l'heure actuelle. De même, il devrait avoir autorité sur les médiateurs régionaux. Les comités de liaison locaux devraient se réunir plus souvent et être davantage écoutés.

A présent, je souhaiterais examiner les questions ayant trait aux services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises, avant de proposer quelques pistes d'amélioration.

Pôle emploi est conscient de la nécessité d'offrir un service personnalisé aux demandeurs d'emploi. Cependant, face à un chômage de masse et aux difficultés humaines, matérielles et techniques rencontrées, des priorités ont dû être établies et la segmentation des populations en recherche d'emploi a été simplifiée. La priorité a été donnée au traitement des dossiers d'indemnisation, ce qui peut se comprendre, mais cette décision a nui à la qualité des services de placement. Ceux-ci ont parfois été remplacés par des réunions de groupe ou par un entretien téléphonique, voire un échange de courriels. Si ces outils modernes sont adaptés à un certain public, ce n'est pas le cas pour les demandeurs d'emploi moins autonomes, qui souffrent de leur caractère impersonnel et standardisé.

Une piste d'amélioration consisterait à mieux différencier le suivi en fonction de la distance à l'emploi. Un cadre habitué à la mobilité professionnelle n'a pas nécessairement besoin d'un entretien physique mensuel avec son conseiller. Actuellement, seuls deux parcours sont proposés aux demandeurs d'emploi, ce qui manque de finesse.

La question des moyens ne peut pas être éludée, même s'il existe à ce sujet des opinions divergentes. Un service personnalisé demande du temps et des moyens humains. Selon M. Christian Charpy, Pôle emploi ne serait pas concerné par la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Mais il indique aussi que Pôle emploi devra participer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Ce point mérite d'être clarifié.

Le thème des moyens renvoie à la question des modalités de la négociation budgétaire, qui sont aujourd'hui insatisfaisantes. Il me semble qu'un certain nombre de publics sont insuffisamment accompagnés. Je pense notamment aux titulaires du RSA, aux jeunes ainsi qu'aux travailleurs handicapés et aux femmes seules.

Concernant les relations avec les entreprises, nos conclusions seront sans doute plus positives. Certes, Pôle emploi ne recueille qu'une minorité des offres d'emploi des entreprises, de l'ordre de 16 % à 17 %, mais sa part de marché est nettement supérieure à celle d'autres services publics de l'emploi à l'étranger. Un effort supplémentaire devrait être consenti à l'égard des petites et moyennes entreprises, qui apparaissent aujourd'hui délaissées. Pôle emploi a également un rôle à jouer pour permettre aux entreprises de surmonter les difficultés qu'elles rencontrent dans le recrutement de certains métiers, notamment grâce à la préparation opérationnelle à l'emploi ou à la méthode de recrutement par simulation.

Dans une troisième partie, j'aimerais aborder les relations entre Pôle emploi et ses partenaires. L'impression dominante est que malgré la fusion, le service public de l'emploi reste très éclaté et la coopération entre les acteurs sur les différents territoires hétérogène et pas toujours satisfaisante. Les personnes les plus éloignées de l'emploi sont celles qui ont le plus à gagner de la mise en place d'un partenariat efficace, car Pôle emploi ne dispose pas en interne des ressources suffisantes pour cet accompagnement particulier et doit donc coordonner son action avec celles des travailleurs sociaux, de la région, des organismes de formation, des structures de réinsertion par l'économie.

Théoriquement, le chef de file chargé d'assurer la coordination devrait être l'Etat. Or, dans la pratique, il faudrait renforcer le rôle de Pôle emploi et redonner toute leur place aux collectivités locales dans le service public de l'emploi. L'exemple du Nord-Pas-de-Calais ou encore de Nanterre montrent qu'en réunissant dans un même groupement d'intérêt public les missions locales, les maisons de l'emploi et les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie), le paysage institutionnel est grandement simplifié. Il faudra également insister sur la coordination des acteurs de la formation, dont le Nord-Pas-de-Calais est encore un bon exemple avec la plate-forme de formation mise en place par Pôle emploi, qui permet une bonne coordination avec le conseil régional.

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