Intervention de la ministre

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 mars 2011 : 1ère réunion
Crise nucléaire au japon — Table ronde

la ministre :

Monsieur Jean-Claude Lenoir, pour apprécier le risque de retombées radioactives, il faut considérer non seulement la distance, mais aussi le régime des vents et, localement, la pluviométrie. Nos territoires d'outre-mer les plus proches, situés à 7 000 kilomètres du Japon, se trouvent dans l'hémisphère Sud. Le régime des vents et les courants atmosphériques se concentrant d'ordinaire dans un hémisphère, ceux de ces territoires qui seraient, le cas échéant, les plus exposés seraient peut-être plutôt Saint-Pierre-et-Miquelon que les territoires du Pacifique Sud. À ce stade cependant, il n'y a pas lieu de s'alarmer et aucune retombée radioactive aussi distante ne peut être envisagée dans la situation actuelle. Une modélisation est toutefois en cours et l'alerte sera donnée s'il y a lieu.

Si le scénario catastrophe que je décrivais tout à l'heure se déroule jusqu'au bout, des retombées sont possibles dans une large partie de l'hémisphère Nord, y compris, dans de petites proportions, en France métropolitaine. Elles n'atteindront cependant jamais des niveaux susceptibles de poser un problème sanitaire. Il est néanmoins vrai que, comme dans le cas des cendres volcaniques, les particules peuvent être portées assez loin dans un même hémisphère. L'IRSN modélise toutes ces données et nous tient informés. Nous rendrons tous ces éléments publics d'une manière transparente et immédiate.

Les experts seront plus à même que moi de vous répondre quant aux différences entre les réacteurs japonais et les réacteurs français. Je puis néanmoins vous indiquer que les réacteurs japonais en cause sont des réacteurs à eau bouillante, alors que les nôtres fonctionnent à l'eau pressurisée. Malgré des différences techniques, ces types de réacteurs sont pour ainsi dire cousins. Un réacteur à eau bouillante comporte un système de refroidissement unique, alors qu'un réacteur à eau pressurisée est équipé d'un double circuit, de sorte qu'en cas de relâchement intentionnel de vapeur, celle-ci est plus chargée dans la première configuration ; mais le besoin de refroidissement est important dans toutes deux et une défaillance du circuit de refroidissement ne peut qu'être préoccupante. Seul le générateur de troisième génération, l'EPR, muni d'une double enceinte et d'une cuve très particulière, comporte une différence significative avec les réacteurs japonais.

Quant au combustible stocké à Fukushima, en particulier dans la piscine n° 4, il ne s'agit pas de matériaux faisant l'objet d'un stockage de longue durée, mais d'un coeur nucléaire extrait du réacteur en novembre 2010. Le problème posé par ce combustible n'est donc pas à proprement parler celui du stockage des déchets nucléaires et, à supposer que les Japonais aient disposé de possibilités de stockage en profondeur, la situation aurait pu être la même.

Monsieur Daniel Paul, la question des personnels « nomades » a été soulevée par l'Autorité de sûreté nucléaire et un plan d'amélioration a été demandé aux exploitants. Le problème est donc en cours de traitement.

Monsieur Jean-Marc Ayrault, pour l'audit qui sera réalisé centrale par centrale, une coordination européenne est prévue : comme je l'ai dit, un groupe de haut niveau définira à l'échelle de l'Union les critères et les normes de ce « stress test », ou test de résistance. Il sera ainsi possible d'intégrer les retours d'expérience et les enseignements de la catastrophe de Fukushima en employant les mêmes normes d'audit que les autres États membres. La procédure n'est cependant pas encore arrêtée, car nous commençons tout juste à y travailler. L'expertise devra évidemment être pluraliste, afin d'apporter une valeur ajoutée. Elle devra également être croisée et, surtout, la plus transparente possible. Il faut en effet rendre lisibles et compréhensibles pour nos citoyens les types de catastrophes auxquels nos réacteurs sont aujourd'hui préparés et les améliorations éventuelles à apporter à ceux-ci.

Monsieur Yves Cochet, la société civile - dont la représentation n'a certes pas toujours été le point fort du nucléaire - est présente par l'intermédiaire du Haut comité présidé par le sénateur Henri Revol. L'audit sera tout à fait transparent, mais la société civile n'est pas toujours experte. De fait, les experts que vous souhaiteriez désigner seraient probablement contestés.

Le Président de la République, qui recevait lundi, pour une réunion prévue de longue date, les ONG environnementales du Grenelle, s'est dit ouvert à un débat, dont la forme reste à définir, sur les énergies. La situation de grande urgence - humanitaire et maintenant radiologique - que connaît le Japon ne permet évidemment pas de définir du jour au lendemain les contours d'un tel débat, mais le principe d'une réflexion partagée et d'une refonte du consensus sur les questions énergétiques est acquis. Un référendum n'apparaît cependant pas opportun dans ce contexte - d'autant que celui que vous souhaitez ressemble à un processus électoral qui ne manquerait pas d'interférer avec celui qui doit se dérouler l'année prochaine.

Monsieur Jean Dionis du Séjour, nous cherchons à définir les normes les plus homogènes possibles au niveau européen. Toute initiative tendant à élever au maximum la transparence et les normes de sûreté nous convient et reçoit notre soutien.

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