Nous sommes également en relation avec nos partenaires japonais. TEPCO fait partie de nos clients, non pas en ce qui concerne les réacteurs, qui sont de conception américaine et de réalisation japonaise, mais pour ce qui touche à l'ensemble des autres sujets du nucléaire. Nous avons en outre une relation particulière avec Mitsubishi.
Je souhaite dire à mon tour toute notre compassion à l'égard des personnes qui vivent au Japon un véritable calvaire. Le courage et le sang-froid de la population face au tremblement de terre, au tsunami et, aujourd'hui, à la menace nucléaire forcent l'admiration.
Je souscris totalement à l'analyse technique faite par les précédents intervenants. Si un seul réacteur était défaillant, la situation serait facilement gérable. Mais le cumul des incidents et les circonstances exceptionnelles - interruption de l'alimentation électrique, formation d'une sorte de mangrove entre la centrale et la mer, accumulation de boue et de débris - empêchent l'intervention dont le Japon, nous le savons, est tout à fait capable. Nous sommes effectivement devant une catastrophe.
Même si la technologie choisie en France est celle de l'eau pressurisée, nous connaissons, grâce à nos développements en Allemagne et aux États-Unis, les réacteurs à eau bouillante. À Fukushima, à la différence de Tchernobyl, les centrales se sont arrêtées. Mais, dès lors que les combustibles - tant ceux dans les cuves que dans les piscines - ne sont plus refroidis, la situation devient extrêmement difficile et nécessite une action urgente. J'irai même jusqu'à parler d'urgence absolue. Il faut, par tous les moyens, parvenir à apporter de l'eau afin de refroidir les centrales et les piscines. Les hélicoptères, obligés de se maintenir en vol stationnaire, ne peuvent en outre embarquer qu'une quantité d'eau limitée. Ce n'est pas, semble-t-il, la bonne solution. Notre analyse est qu'il faut 100 mètres cubes d'eau par heure pour l'ensemble du site. Des moyens d'urgence tels que les camions destinés à combattre les incendies d'avions, dont le débit est de 6 mètres cubes par minute, peuvent fournir cette quantité. La portée de leurs lances est de 50 à 80 mètres, une distance qui semble compatible avec la nécessité de se préserver de la radioactivité.
Nous avons pensé, bien entendu, aux Canadairs français, mais il leur faudrait 96 heures pour rejoindre la zone. Les camions de pompiers de type « Faun » semblent une meilleure réponse, de même que les bateaux-pompes à ceci près que la zone boueuse qui sépare maintenant la centrale de la mer peut faire obstacle à leur approche, sachant que leur tirant d'eau est d'environ deux mètres.
Nous apprenons que des camions de pompiers arrivent des États-Unis. Nous avons également des capacités en France. Il y a certainement des choses à faire pour stabiliser la température. C'est une urgence à laquelle doivent répondre tous les pays.
Par ailleurs, une aide internationale a déjà été mobilisée après le séisme. En liaison avec EDF, nous n'avons à répondre pour l'instant qu'à des demandes très spécifiques de la part des Japonais. Un avion est prêt à partir. Mais il ne s'agit là que de moyens palliatifs. Je pense que nous devrions aussi intervenir immédiatement pour ce qui est des moyens curatifs, car les jours qui viennent seront déterminants.
Une centaine de collaborateurs d'AREVA travaillent au Japon, dont quinze expatriés. Les dix-huit personnes qui se trouvaient sur le site - des Allemands et des Américains - ont été rapatriées et les familles ont été déplacées temporairement vers le sud de l'archipel, mais tous les collaborateurs nécessaires à Tokyo y sont demeurés. En effet, les 44 autres réacteurs qui fonctionnent aujourd'hui au Japon sont essentiels à la fourniture du pays en électricité.
L'avion qui partira dès que possible de Roissy acheminera 3 000 masques de protection, des combinaisons, des gants, de l'acide borique, etc. Nous avons également envoyé, au début de cette semaine, du matériel de mesure de la radioactivité qui provient de notre filiale à Canberra. Le matériel dont nous disposons à Tokyo a bien évidemment été mis à la disposition des équipes de sécurité japonaises.
Nous avons enfin fait un don pour les sinistrés du tremblement de terre et du tsunami.
Face à cette situation, nos concitoyens attendent de la transparence et souhaitent être assurés que nous déployons tous les moyens dont nous disposons au service d'une sûreté et d'une sécurité maximales. Le contexte actuel rend dérisoires les discussions sur le caractère « trop sûr » de l'EPR et montre bien que le pari sur la sécurité est le pari de l'avenir.
En tant qu'industriels, il nous sera nécessaire, avec Henri Proglio, de rétablir un dialogue dont dépend la confiance de nos concitoyens dans le nucléaire : il y va de l'avenir de nos industries.
Comme je l'ai dit à maintes reprises devant vos assemblées, sûreté et sécurité ne se négocient pas. C'est notre credo. Il faut appliquer les normes les plus exigeantes et recourir aux meilleures technologies.