Puis la commission a entendu M. Jean-Louis Senon, professeur de médecine à l'université de Poitiers.
a précisé qu'il était professeur de psychiatrie à l'université de Poitiers, docteur en droit et enseignant en criminologie, et avait été médecin chef d'un service médico-psychologique régional (SMPR) pendant vingt ans.
Il a insisté, en premier lieu, sur l'absence de superposition entre criminalité et maladie mentale, en indiquant qu'entre 2 % et 5 % des auteurs d'homicide et entre 1 % et 4 % des auteurs d'actes de violence sexuelle seulement étaient atteints de troubles mentaux. Il a ajouté que si les malades mentaux, précarisés et manipulables, présentent entre quatre et sept fois plus de risque de commettre un crime ou un délit que le reste de la population, ils sont également dix-sept fois plus souvent victimes d'une telle infraction.
Il a exposé la différence entre la maladie mentale et le trouble de la personnalité ou du comportement, en faisant valoir que les symptômes de la maladie mentale et les traitements idoines faisaient l'objet d'un consensus au niveau international alors que les réponses aux troubles de la personnalité et du comportement différaient selon les pays et revêtaient encore un caractère expérimental.
a observé que les personnes atteintes d'une maladie mentale, les schizophrènes par exemple, pouvaient certes commettre des actes criminels, mais que ces actes présentaient des particularités : il s'agit souvent de violences intra-familiales et leurs auteurs peuvent être soignés, dans un cadre hospitalier, au moyen de traitements neuroleptiques.
Il a ajouté que les violences commises par les personnes atteintes d'un trouble de la personnalité s'expliquaient souvent par l'histoire de leurs auteurs, marquée par des carences éducatives et un manque de repères, mais ne pouvaient faire l'objet d'une réponse thérapeutique.
a souligné, en deuxième lieu, combien il est difficile de définir la dangerosité d'un individu et d'évaluer le risque du passage à l'acte criminel, les critères à prendre en compte faisant l'objet de débats, qu'il s'agisse des antécédents de la personne, de ses carences ou de son impulsivité.
Il a jugé possible de distinguer la dangerosité psychiatrique, qui peut être évaluée, de la dangerosité criminologique, dont l'évaluation s'avère plus délicate et requiert l'intervention d'une équipe pluridisciplinaire composée de juristes, de psychologues, de psychiatres et de sociologues. A cet égard, il a souhaité que des psychiatres, des psychologues et des sociologues se forment à la criminologie.
En troisième lieu, M. Jean-Louis Senon a jugé inconcevable d'organiser la rétention des individus considérés comme particulièrement dangereux dans le cadre de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, dès lors qu'ils ne souffriraient pas d'une maladie reconnue et pouvant faire l'objet d'un traitement thérapeutique. L'hospitalisation d'office de ces personnes est inenvisageable sur le plan éthique et inopérante sur le plan psychiatrique, a-t-il déclaré.
Il a précisé que trois ou quatre équipes spécialisées seulement, en France, étaient en mesure de « mobiliser » des auteurs de crime atteints de troubles de la personnalité ou du comportement et de parvenir à leur faire prendre conscience de la nécessité d'entendre et de respecter autrui.
Observant qu'en matière de psychiatrie le modèle ambulatoire avait supplanté le modèle asilaire, il a jugé nécessaire de maintenir dans chaque département une unité formée à la prise en charge des patients susceptibles de se montrer violents.
Il a ajouté que les psychiatres en général, et les psychiatres intervenant dans le secteur public en particulier, étaient débordés en raison d'une insuffisance d'effectifs et d'un nombre croissant de demandes de prise en charge. Il a précisé que 830 postes de praticiens hospitaliers étaient actuellement vacants, de même que la moitié des postes de psychiatres en SMPR, et que les vacances de postes concernaient également les infirmiers.
Il a constaté que les psychiatres, contraints d'effectuer des choix, avaient progressivement abandonné la prise en charge des détenus. Aussi a-t-il jugé nécessaire qu'ils se recentrent sur les malades mentaux pouvant avoir des comportements violents.
En conclusion, M. Jean-Louis Senon a une nouvelle fois insisté sur l'absence de superposition entre maladie mentale et dangerosité.