Intervention de Gilles Lebreton

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 janvier 2008 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles Lebreton professeur de droit public à l'université du havre

Gilles Lebreton, professeur de droit public à l'université du Havre :

En second lieu, M. Gilles Lebreton s'est interrogé sur la conformité du projet de loi à l'article 7 de la CEDH relatif à la non-rétroactivité des peines. Il a considéré que la rétention de sûreté constituait bien une peine au sens de cet article, rappelant que la Cour européenne des droits de l'homme apprécie cette notion, non au regard de la qualification retenue en droit national, mais en fonction des conséquences de la mesure prononcée au regard de la privation de liberté. Il s'est dès lors inquiété des risques de contrariété du projet de loi avec l'article 7 de la CEDH.

En troisième lieu, examinant la conformité du projet de loi à l'article 6-2 de la CEDH relatif à la présomption d'innocence, M. Gilles Lebreton a déclaré que la Cour interprétait avec souplesse ce principe, acceptant des régimes de présomption de responsabilité, dès lors qu'ils sont enserrés dans des « limites raisonnables qui prennent en compte la gravité de l'enjeu et les droits de la défense ». En conséquence, il n'a pas jugé contraires à l'article 6-2 de la CEDH les dispositions du projet de loi.

Abordant la question de la constitutionnalité du texte, il l'a tout d'abord appréhendée au regard de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif à la proportionnalité et à la nécessité des peines. Il a estimé que la rétention de sûreté constituait bien une peine au sens de cet article, rappelant la conception extensive de cette notion adoptée dans certaines décisions par le Conseil constitutionnel, qui a retenu cette qualification même pour des mesures individuelles défavorables, telles que des retraits de cartes de séjour, dès lors qu'elles revêtent un caractère punitif, fût-il déguisé. En conséquence, après avoir rappelé que l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à appliquer la rétention de sûreté à des personnes condamnées pour un crime aggravé commis sur toute personne, et non seulement, comme le prévoyait le texte initial, pour un crime sur un mineur de quinze ans, il a jugé excessive cette extension et mis en avant un risque d'inconstitutionnalité au regard du principe de proportionnalité des peines.

Il a étudié l'hypothèse selon laquelle la rétention de sûreté ne serait pas analysée comme une peine, soulignant que le Conseil constitutionnel avait considéré, dans une décision rendue le 8 décembre 2005, que le port du bracelet électronique ne constituait « ni une peine, ni une sanction », dès lors qu'il s'agissait d'une simple restriction de liberté et d'un aménagement de peine, et n'encourait ainsi aucune censure du chef de non-respect du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, inscrit également à l'article 8 de la Déclaration de 1789. En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé dans cette même décision que, bien que dépourvu de caractère punitif, le placement sous surveillance électronique mobile ordonné au titre de la surveillance judiciaire devait respecter le principe, résultant des articles 4 et 9 de la Déclaration de 1789, selon lequel « la liberté de la personne ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ».

En conséquence, M. Gilles Lebreton a souligné que, quelle que soit la qualification juridique retenue, la rétention de sûreté devait respecter le principe de proportionnalité.

a ensuite analysé la conformité du projet de loi aux articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, sur les fondements desquels le Conseil constitutionnel a constitutionnalisé le principe, posé à l'article L. 121-3 du code pénal, selon lequel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Il a jugé délicat de considérer que la rétention de sûreté sanctionnait l'intention de commettre à nouveau un crime, mais estimé que le risque d'inconstitutionnalité était écarté du fait que la rédaction du projet de loi subordonnait la rétention de sûreté à la circonstance que la juridiction ait expressément prévu, dans sa décision, le réexamen ultérieur de la situation de la personne condamnée.

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