Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2008 : 1ère réunion
63e assemblée générale de l'onu — Communication

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

a indiqué que l'évolution récente des Nations unies se caractérisait par une polarisation croissante qui se manifeste de cinq manières. Au sein du Conseil de sécurité, deux pays, la Russie et la Chine affirment leurs positions de puissance. Par ailleurs, on constate une polarisation croissante entre le Nord et le Sud, au sein des Nations unies, accentuée par la frustration des pays émergents qui ne participent pas aux décisions de l'organe opérationnel qu'est le Conseil de sécurité. La polarisation existe aussi entre les organes des Nations unies, et notamment le Conseil de sécurité, et l'Assemblée générale du fait de l'élargissement de l'agenda du Conseil de sécurité qui traite de l'ensemble des crises internationales en y adjoignant une dimension « Droits de l'Homme » ressentie comme une ingérence et un dévoiement du Conseil par un certain nombre de pays. La présence croissante du phénomène régional, avec la montée en puissance de l'Union européenne, mais aussi de l'Union africaine ou de l'ASEAN, est une autre caractéristique de l'évolution récente de l'ONU. Enfin la polarisation s'exprime par la constatation du « double standard », particulièrement évident pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

s'est ensuite attaché à décrire le mouvement de réforme de l'ONU et, en particulier, du Conseil de sécurité. Il a indiqué que cette réforme globale est indispensable pour assurer la pérennité même de l'ONU. Le dernier élargissement du Conseil de sécurité date de 1963 et il est évident que, depuis 45 ans, le monde s'est considérablement transformé. Dans un contexte entièrement nouveau, la représentativité du Conseil de sécurité ne correspond indiscutablement plus à la réalité du monde d'aujourd'hui. L'absence de réforme ne peut conduire qu'à la contestation de sa légitimité, alors même que son rôle n'a cessé de croître au détriment relatif de l'Assemblée générale de l'Ecosoc. Le risque existe de voir un certain nombre de pays, notamment les grands pays émergents, se désintéresser d'une institution aux décisions de laquelle ils ne participent pas. Si cette tendance se poursuivait, ce serait une atteinte définitive au multilatéralisme au profit du bilatéralisme.

La France a un intérêt particulier à cette réforme, puisque sa position au sein du Conseil de sécurité, comme membre permanent disposant du droit de veto, est un vecteur d'influence majeure qui lui donne une place automatique dans tous les forums internationaux et lui permet de renforcer sa capacité de présence et de participation. M. Josselin de Rohan, président, a rappelé qu'environ deux tiers des textes adoptés par le Conseil de sécurité sont initiés par les deux membres permanents européens du Conseil, la France et le Royaume-Uni. Cette proportion est portée à 70 ou 80 % pour ce qui concerne les textes relatifs à l'Afrique, principal sujet de préoccupation du Conseil et centre d'intérêt majeur de notre diplomatie.

a indiqué que l'influence politique de la France ne se suffisait pas à elle-même et qu'elle devait être appuyée par des moyens financiers, notamment en ce qui concerne les contributions volontaires. De ce point de vue, on ne peut qu'être inquiet de l'érosion du montant des crédits. La part de la France représente moins d'1 % des fonds levés à titre volontaire par les Nations unies et est, en tout état de cause, très inférieure à celle de nos principaux partenaires européens.

S'agissant de la réforme elle-même, le Président de la République a rappelé, le 27 mars dernier, la position de la France. Celle-ci souhaite que les élargissements portent à la fois sur les membres permanents et les membres non permanents. La France soutient les candidatures de l'Allemagne, du Brésil, de l'Inde et du Japon à des sièges permanents ainsi qu'à une représentation permanente de l'Afrique. Cette réforme suppose un engagement politique des Etats membres au plus haut niveau. La suppression du droit de veto des membres permanents actuels et l'éventuelle extension de ce droit sont irréalistes et inacceptables pour les cinq membres permanents (P5). La France souligne sa disponibilité à envisager une réforme intérimaire qui consisterait, pendant une phase transitoire de 10 à 15 ans, à élire des membres semi-permanents, pour une durée de cinq ans, par exemple, rééligibles, ayant vocation à devenir permanents à la fin de la période transitoire, ainsi que des membres non permanents, avec des mandats plus longs de deux ans également rééligibles. L'avantage de cette option est de tester une solution de réforme sans la graver dans le marbre.

S'agissant du nombre de sièges total, il s'agit de trouver un équilibre entre l'efficacité d'une part, la représentativité et la légitimité d'autre part. Un consensus existe pour ne pas dépasser le nombre de 25.

a souligné qu'après de très nombreuses années de négociations, l'Assemblée générale avait adopté, au mois de septembre dernier, une décision en vue du lancement des négociations intergouvernementales avant le 28 février 2009.

a ensuite abordé la question de la place de l'Union européenne à l'ONU. Il a souligné que l'Union n'avait pas, en tant que telle, de statut officiel. Le bureau du Secrétariat du Conseil et de la Commission a le statut d'observateur. L'Europe est finalement représentée par ses 27 ambassadeurs et, en particulier, par l'ambassadeur du pays qui assume la présidence tournante, puisque celui-ci exprime officiellement les positions communes arrêtées par l'Union européenne.

L'Union européenne est d'ores et déjà très présente et active aux Nations unies. Elle est souvent le promoteur des principaux concepts et initiatives qui ont fait progresser le corps de doctrine internationale. Globalement parlant, l'Europe est le premier donateur d'aide publique au développement, avec plus de 60 % de l'APD mondiale, le premier fournisseur d'aide humanitaire, le premier contributeur au budget général (près de 40 %) et le premier contributeur de troupes et de policiers dans le cadre des OMP. Elle est un partenaire global de l'ONU.

L'Union européenne parle à l'ONU d'une seule voix, à travers sa présidence, dans la grande majorité des réunions de l'Assemblée générale et de ses six commissions, ainsi qu'à l'Ecosoc et à sa trentaine d'organes subsidiaires. La Commission intervient dans les domaines de compétence exclusive.

Cependant, au Conseil de sécurité, et en dépit du fait que le Haut représentant, Secrétaire général du Conseil européen, puisse intervenir régulièrement, la règle demeure celle d'une prise de parole à titre national par les seuls membres du Conseil.

La mise au point des positions communes engendre un intense travail de coordination, au cours de quelque 1 100 réunions internes que tient chaque année l'Union européenne à New York. Ces réunions techniques sont accompagnées de réunions hebdomadaires des chefs des missions des 27 pays de l'Union européenne auxquelles s'ajoute l'organisation de réunions semestrielles ou de rencontres organisées spécifiquement lors de la « semaine ministérielle » en format troïka ou à 27.

Grâce à cette présence soutenue, l'Union européenne a souvent été, notamment sous l'impulsion de la France, le « coureur de tête » (pour reprendre une expression de la Commission) de la promotion des valeurs, des concepts et des initiatives qui ont fait peu à peu évoluer le corps de doctrine internationale aux Nations unies : concept de développement durable (dans sa dimension environnementale et sociale) ; promotion de la bonne gouvernance (et de la lutte contre la corruption) ; défense des Droits de l'Homme, dont en particulier les droits de la femme et des enfants ; élaboration d'un droit humanitaire international ; promotion de la justice pénale internationale ; abolition de la peine de mort, etc.

Malgré ce bilan très positif, force est de constater que l'Union européenne continue de souffrir d'un certain manque d'identification aux Nations unies, alors même que les valeurs qu'elle défend sont de plus en plus contestées. Cette contestation est une réaction contre ce qu'un grand nombre de pays ou d'organisations régionales, pour des raisons diverses et parfois contradictoires, considèrent comme une trop forte emprise occidentale sur l'ONU.

Mais les faiblesses propres à l'Union européenne expliquent aussi cette absence de relief. Il en va ainsi de la lourdeur et des difficultés de la coordination interne à 27, qui aboutit, certes, à des positions communes, mais qui sont extrêmement contraintes dans leurs expressions.

Si l'Europe demeure très largement une Europe des Nations, cela ne doit pas exclure l'élaboration d'une véritable stratégie commune vis-à-vis des Nations unies et de rechercher une meilleure visibilité et une plus grande efficacité des activités de l'Union européenne à l'ONU.

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