Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 novembre 2008 : 1ère réunion
63e assemblée générale de l'onu — Communication

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

a ensuite rendu compte des discussions qui ont eu lieu sur la crise financière internationale et les problèmes économiques. Ces questions, évoquées avec les représentants permanents rencontrés, ont également été traitées lors du dîner offert par le Consul général à l'occasion de la visite à New York de la commission Stieglitz.

La principale conclusion était qu'il convenait de procéder à une relance coordonnée. Les Etats-Unis ne pourraient pas rétablir seuls les équilibres fondamentaux de leur économie. Ils auront notamment besoin de l'aide des pays excédentaires. Les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la situation des Etats-Unis se caractérisait par un déficit commercial supérieur à 700 milliards de dollars, un déficit budgétaire hors de contrôle, un endettement des ménages égal à 133 % de leurs revenus, alors même que leur taux d'épargne était inférieur à 1 % de leurs revenus, un endettement net extérieur croissant à une vitesse exponentielle, et le cours du dollar à la merci des politiques des pays détenteurs de « balance-dollars ». De plus, l'économie américaine draine 80 % de l'épargne mondiale.

Si les Etats-Unis devaient rétablir seuls leurs équilibres, cela plongerait le monde dans une récession sans précédent, les fondamentaux d'ici quelques années seraient encore plus dégradés. On ira de bulle en bulle et de crise en crise, toujours plus graves.

L'aide du reste du monde pour cette relance coordonnée est, en fait, l'enjeu majeur des prochaines réunions internationales, dont celle du G20, qui s'est tenue à Washington le 15 novembre dernier. Cette aide doit provenir des pays excédentaires, tant en ce qui concerne leur épargne que leur excédent commercial (Chine, Allemagne, Japon, pétromonarchies du Golfe). Le point le plus dur sera certainement la Chine. Celle-ci a un taux d'épargne excessif (près de 40 % de son PIB). Il est décisif qu'elle augmente sa consommation, soit par la voie des salaires, soit par le rétablissement et l'extension d'une protection sociale. Sinon, il faudra faire pression pour une réévaluation du yuan, sans qu'on puisse exclure des mesures protectionnistes (droit anti-dumping social ou écotaxes). Une initiative américaine dans ce domaine n'est pas à écarter. L'Europe devrait alors en faire autant.

s'est prononcé pour que soient fixés des objectifs de relance régionalisés (par grandes régions du monde), et ultérieurement déclinés par pays. La relance doit s'inscrire dans un projet déterminé de développement qui privilégie les investissements dans un certain nombre de secteurs. Dans le secteur de l'énergie pour préparer l'« après pétrole », dans la lutte contre l'émission de gaz à effet de serre et contre le réchauffement climatique, pour la préservation de ressources rares (eau, air, matières premières), pour l'éducation et la recherche, pour l'innovation à travers le tissu des PME-PMI qu'il faut encourager, selon J. Stieglitz, en faisant en sorte que l'Etat se porte caution des emprunts qu'elles contractent à cet effet, pour la santé et la protection sociale (y compris la politique familiale) et pour le développement, par exemple des infrastructures en Afrique ou dans l'Asie pauvre (Bengladesh, Laos, Cambodge, etc.) : eau, irrigation, transports, écoles, hôpitaux.

Pour financer cette relance, M. Jean-Pierre Chevènement suggère une utilisation à grande échelle des droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI, créés en 1976, mais qui n'ont été utilisés qu'une seule fois. En réalité, il existe une fenêtre d'opportunité ouverte par l'élection de M. Barack Obama, qui permettrait de profiter du fait que les Etats-Unis ne sont plus en mesure d'imposer seuls leur opinion et qu'il est possible aujourd'hui de passer d'une politique de l'unipolarité à une politique de la multipolarité en réformant le FMI et l'ONU.

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