Absolument.
Voici les barbares qui arrivent : Googletila ! Appletila ! Nos valeurs leur sont indifférentes, mais iTunes m'informe avant ma banque que ma carte bleue arrive à expiration ; Google me propose des ouvrages sur mes centres d'intérêt, me relance intelligemment, et je cède. Aussi, dans nos magasins, les rayons de DVD se réduisent-ils comme peau de chagrin.
Il faut distinguer le banal du « badal », néologisme que je crée à partir de « badaud ». La rue Montorgueil n'a pas changé depuis le XIXe siècle : on continue d'y « bader ». Voir la ville, s'y promener, choisir une écharpe, un melon, ce n'est pas « banal » - et n'empêche nullement de commander ses packs d'eau ou ses tomates de Marmande sur la toile.
N'en déplaise aux grands sachems amateurs de prédictions, l'avenir, nous le faisons ! La création de Chronodrive est une idée de génie : Ludovic Duprez a changé le commerce, car il a compris qu'il y aurait un besoin de facilité. Les choses banales seront achetées en ligne. Nous cherchons d'ailleurs à mutualiser les livraisons. Les barbares, qui ne partagent pas nos valeurs, nous obligent à changer : bientôt, quand vous ferez vos courses en passant votre mobile sur un code barre, Googletila vous proposera un tarif plus avantageux, livraison comprise... Quel rôle dès lors pour le magasin, autre que celui de boute-en-train : le cheval qui « prépare » la jument pour l'étalon mais ne la monte pas ?
Nous pouvons pourtant conquérir la jument, en lui racontant une histoire. Nous travaillons en co-conception avec les marques, les associations. Ainsi, nous créons, avec le professeur Sahel, un magasin adapté aux malvoyants : souvent, les étiquettes des produits ne sont pas lisibles. Idem pour l'accès des magasins aux personnes handicapées : ces transformations bénéficieront aussi aux seniors. L'avenir du e-commerce, ce n'est pas la technologie, mais les histoires que l'on saura raconter.
Un mot de la Chine. La distribution a fait de grandes erreurs, car le consommateur voulait le prix le plus bas. À acheter du coton mercerisé en Turquie pour le faire traiter en Chine ou au Bangladesh et le vendre en France, on a désertifié nos campagnes et détruit notre industrie. Aujourd'hui, nous cherchons d'abord à proximité, ensuite en France, puis en Europe. Il n'y a pas de fatalité chinoise ! Je veux que le groupe soit réellement européen. Pas question d'adopter le GS-One et d'imposer les codes-barres américains. Pas question que nos données et notre capital partent dans d'obscurs clouds. Notre petit pays est celui de la Renaissance, des Lumières. Où sont les Diderot d'aujourd'hui ?