Intervention de Pierre Volle

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 28 septembre 2011 : 1ère réunion
Commerce électronique atelier de prospective

Pierre Volle, professeur de Marketing Management à l'Université de Paris-Dauphine :

La conjonction entre commerce et relation client connaît une profonde transformation, reflet de vingt ans de développement technologique. Elle se traduit d'abord par un basculement vers une orientation client - n'est-ce pas retrouver l'étymologie du mot commerce ? Le master de Dauphine s'intitule d'ailleurs « Distribution et relation client ». L'e-commerce s'inscrit dans un mouvement d'inversion des flux. Nombre d'entreprises se lancent dans l'e-commerce en parallèle d'interfaces relationnelles, développant une connaissance et une orientation client sophistiquée et profitable.

Les pouvoirs publics doivent mieux accompagner les entrepreneurs qui souhaitent développer leurs marques à l'international. La crispation suscitée par le projet de refonte de la directive européenne était symptomatique.

Il y a dix ans, on n'imaginait pas vendre des chaussures en ligne. Mais, avec l'arrivée des marques, on retrouve des produits connus : comme l'a dit Jean Prévost, la pointure est toujours la même ! Le très haut débit a transformé l'acte d'achat. Sur Zappos, la vivacité de l'expérience d'achat est supérieure à celle qu'offre un magasin de chaussures traditionnel.

Plus vivace, parce que le consommateur y trouve une information plus complète et plus fiable. Raison pour laquelle Internet est très utilisé comme source primaire d'information, avant l'achat en magasin.

Cette tendance est d'ailleurs révélatrice de la fragmentation du processus d'achat. Je m'explique : dans les années 1970, le credo, selon la formule de Carrefour, était « tout sous le même toit » ; aujourd'hui, le consommateur, après s'être informé auprès d'un fournisseur, achètera chez un deuxième fournisseur un produit qu'il fera réparer chez un troisième. Cette évolution entraîne une fragmentation de la chaîne de valeur qui consiste, non en une désintermédiation, mais en une ré-intermédiation avec l'apparition de nouveaux acteurs entre le distributeur traditionnel et le consommateur final. Un exemple parmi d'autres, Facebook et sa nouvelle « Timeline ». Dans ce domaine, nous ne sommes pas au bout de nos surprises... Quoi qu'il en soit, nous aurons besoin d'un intégrateur ou d'un orchestrateur capable de mettre un peu d'ordre dans ce processus d'achat toujours plus complexe.

Cette fragmentation de la chaîne de valeur, qui oblige les acteurs à plus de coopération, provoque également une recomposition du modèle d'affaires. De manière classique, les distributeurs avaient essentiellement pour source de revenus les marges commerciales. Les nouveaux acteurs, eux, doivent trouver d'autres ressources : en général, la publicité, mais aussi l'apport d'informations. Résultat, les distributeurs deviennent des médias, des apporteurs de solutions, des pivots de l'éducation des consommateurs -notamment, par la mise en ligne de fiches-produit. Cependant, pour reprendre l'image du boute-en-train, ils ne parviennent pas toujours à monétiser cet effort d'information.

Avec l'électronisation du commerce, l'e-commerce, auquel on consacre aujourd'hui des ouvrages savants, perdra peut-être demain ses spécificités. On peut, en effet, anticiper une fusion des modèles web to store et store to web. Il y a cinq ans à peine, personne n'imaginait cette innovation collatérale du commerce électronique que constitue le drive, qui connaît le succès en France avec une centaine de points de vente. Bref, l'e-commerce ne sera plus qu'une modalité commerciale, parmi d'autres. Sa particularité est de reposer sur une inversion complète de la chaîne de coproduction et des flux logistiques : ce n'est plus le client qui se rend en périphérie à la rencontre de l'offre, mais le produit que l'on amène en centre-ville au client. Voyez le dernier magasin virtuel de Tesco en Corée du Sud qui permet à ses clients de faire leurs courses en photographiant les produits dans le métro avec leur smartphones le matin, pour être livrés le soir en rentrant du travail...

Pour finir, un mot sur le développement de la perspective internationale, qui est tout à fait critique notamment dans le secteur du tourisme. En France, l'e-commerce s'adresse d'abord aux Français. Voyez les boutiques en ligne des grands musées : celles du Met ou du Moma sont ouvertes sur l'étranger alors que celle du Louvre s'adresse aux Français...

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