Intervention de Colette Mélot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Développement des langues et cultures régionales — Audition de M. Xavier North délégué général à la langue française et aux langues de france

Photo de Colette MélotColette Mélot, rapporteur :

On retrouve bien dans l'intitulé même de votre délégation le souci du ministère de la culture de prendre en compte les langues régionales. Au fil des auditions que j'ai déjà pu mener, il m'est apparu que beaucoup de besoins étaient déjà couverts par des dispositions existantes, notamment dans le domaine de l'enseignement. Cette proposition de loi me semble malgré tout très intéressante en ce qu'elle nous incite à réfléchir plus avant aux langues régionales dans toutes les dimensions de leur expression. C'est une réflexion qu'à titre personnel, j'aimerais que notre commission puisse prolonger après l'examen de la proposition de loi, qui vous l'avez souligné vous-même, aurait un coût budgétaire non négligeable si elle devait être adoptée.

Il faut tenir compte de la grande diversité des situations recouvertes sous l'étiquette de langues régionales avec des langues encore transmises naturellement comme les créoles, des langues articulées sur un idiome international comme l'alsacien avec l'allemand, des langues parlées sur une aire très vaste avec beaucoup de variétés comme l'occitan et celles confinées à un territoire restreint et plus homogène comme le basque, celles qui ne sont pas reconnues par l'éducation nationale mais qui existent dans les médias comme le picard. C'est pourquoi j'aimerais vous poser un certain nombre de questions : comment le ministère de la culture différencie-t-il son action selon les langues et les territoires pour tenir compte de la diversité des problèmes et des besoins ? Qui définit et répertorie les langues régionales et leurs standards ? Le cadre législatif et réglementaire actuel vous paraît-il suffisamment prendre la mesure de la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales ? Comment apprécier l'intensité de la demande sociale en faveur des langues régionales à la fois dans l'enseignement, dans les médias et plus généralement la vie économique et sociale ? Existe-t-il des domaines où les besoins légitimes des populations ne seraient pas couverts ? Dans le domaine de la politique linguistique, quelles devraient être selon vous les responsabilités respectives de l'État et des régions ?

Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France. - Mon prédécesseur Bernard Cerquiglini avait fait procéder à une enquête approfondie qui a abouti en 1999 à une cartographie précise des langues de France. Ce travail a introduit une distinction entre les langues régionales et les langues non territoriales, souvent portées par des flux migratoires et qui ne sont reconnues comme langue officielle dans aucun état, comme le yiddish, l'arménien occidental et le rromani.

C'est sur cette classification que s'appuie l'action du ministère de la culture. Elle n'est qu'indicative et ne constitue pas une liste normative des différentes langues. Mais un débat public pourrait s'ouvrir sur la notion de langues de France. Pour illustrer les difficultés que nous rencontrons et les querelles infinies auxquelles donne lieu la classification des langues, je pourrais prendre l'exemple du domaine occitan. Faut-il considérer qu'il n'existe qu'une langue d'oc, solution retenue en 1999, ou bien faut-il reconnaître l'identité propre du béarnais, du limousin, du languedocien, du vivaro-alpin et du provençal ? On retrouve le même débat sur l'unité du domaine du poitevin-saintongeais. À l'inverse, l'alsacien est reconnu comme une langue de France à part entière, alors que sa forme écrite est l'allemand. Dan ce cas, comme dans celui de l'arabe littéral et des arabes dialectaux, on a choisi d'insister sur la diversité plutôt que sur l'unité du domaine linguistique. La question de la dénomination des langues est donc une poudrière. Le Constituant s'est bien gardé, dans sa sagesse, de dresser une liste des langues reconnues au titre du patrimoine de la Nation.

La question des standards retenus est également importante. On pourrait dire au fond qu'une langue est un patois doté d'une grammaire et d'un dictionnaire, qui en fixe une forme canonique. L'office public de la langue basque prépare un grand dictionnaire sur plusieurs années. Il existe aussi un projet intéressant pour l'occitan visant à créer une structure chargée de proposer une norme plus précise de la langue.

La demande sociale est appréciée secteur par secteur par les responsables. Dans le domaine éducatif, les recteurs évaluent les besoins académiques en fonction des demandes des parents. À ce titre, j'aimerais souligner les efforts très importants consentis par l'éducation nationale qui ont permis de dispenser un enseignement de langues régionales à plusieurs centaines de milliers d'élèves en dix ans.

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