a répondu que le sentiment quasi unanime des Irakiens était qu'aucune justice n'est vraiment possible sous un régime d'occupation, alors même que les représentants des principales victimes du régime de Saddam Hussein sont aujourd'hui redevables aux Américains de leur présence au gouvernement. Dès lors, en l'absence d'une justice impartiale, c'est le communautarisme qui prend le dessus, le désir de vengeance des uns se faisant de plus en plus entendre (notamment au sein de la mouvance sadriste). Les images de Saddam Hussein défiant ses juges ont pour effet d'exacerber les tensions communautaires au sein de la population irakienne : chiites et Kurdes craignent ainsi que Saddam Hussein ne retourne le procès à son avantage, tandis que pour nombre d'Arabes sunnites, l'ancien raïs apparaît comme une victime.
La diffusion des images montrant les sévices et exactions qui ont eu lieu à Bassorah, a poursuivi M. Pierre-Jean Luizard, a renforcé le sentiment que les forces étrangères n'étaient pas des libérateurs et elle a considérablement dégradé, en quelques semaines, l'image des Britanniques. Ceux-ci ont dilapidé le capital dont ils bénéficiaient et sont désormais dans une situation très difficile dans le Sud. La publication des caricatures de Mahomet a donné lieu à des manifestations massives dans le Sud, initiées en particulier par les Sadristes.
Il a rappelé que c'est la politique suivie par les dirigeants iraniens qui avait permis aux Américains de bénéficier de l'appui et du partenariat des chiites d'Irak. Aujourd'hui, les différents centres de pouvoir en Iran disposent tous d'affidés en Irak et l'Iran semble avoir retrouvé une politique chiite traditionnelle, notamment à l'époque du chah, où les chiites hors Iran sont considérés comme des vecteurs de la politique iranienne. L'aura de Moqtada Sadr s'est, par ailleurs, renforcée depuis sa victoire électorale. De plus, il partage avec le président iranien Ahmadinedjad une sensibilité commune : tous deux présentent leur légitimité comme provenant d'une référence à « l'Imam caché », le Mahdî, qui constitue, selon le dogme chiite, la seule autorité politique légitime en période d'Occultation. C'est une façon de contourner le clergé chiite et la manifestation d'un divorce entre la direction religieuse chiite actuelle (en Irak comme en Iran) d'avec le mouvement islamiste chiite.