a exprimé la colère, mais aussi la combativité, que lui inspire la procédure d'examen du projet de loi car on a le sentiment que la commission mixte paritaire vient se substituer à un nouveau débat qui aurait légitimement dû avoir lieu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Elle a dénoncé le recours systématique par le Gouvernement à la procédure d'urgence et l'intégration par lui, lors des travaux au Sénat, de changements significatifs par rapport au texte adopté à l'Assemblée nationale, notamment pour insérer des dispositions relatives aux CHU à la suite du rapport Marescaux. Dans ces conditions, la commission mixte paritaire ne pourra être qu'une mascarade et le groupe socialiste est prêt à redéposer l'ensemble des amendements qu'il avait proposés en première lecture, si les conditions du débat l'y entraînent.
Sur le fond, elle a regretté la difficulté à comprendre l'orientation générale du texte car ce qui était le point clé du projet du Gouvernement, à savoir la proclamation du rôle prééminent du pouvoir administratif à l'hôpital, n'est que partiellement atteint. En revanche, la remise en cause des missions de service public est réelle et, au final, le Gouvernement aura réussi à faire adopter un texte que personne ne soutient, ni les médecins hospitaliers, ni les directeurs, ni les personnels de l'assurance maladie, ni les personnels de l'Etat, ni les médecins libéraux, ni les patients.
Les positions du groupe socialiste s'organisent autour de quatre points principaux :
- le service public hospitalier, que la ministre de la santé, dans son art cultivé du paradoxe, prétend renforcer et qui est en fait menacé. Alors que le texte prévoit que les établissements privés pourront picorer des missions de service public « à la carte », il est au contraire nécessaire d'adopter un socle non négociable pour réaffirmer que le service public ne se découpe pas.
Si le Sénat a amélioré le texte sur les questions de gouvernance, le résultat est encore insuffisant, dans la mesure où le dernier mot revient toujours au directeur, y compris pour le projet médical et la nomination des chefs de pôle. La disparition des conseils de pôle, où peut aujourd'hui s'exprimer la communauté soignante, est de ce point de vue regrettable. Toute tentative de revenir sur ces questions au texte de l'Assemblée nationale serait en tout état de cause inacceptable. Enfin, l'insertion par le Sénat d'une clause de non-concurrence pour les praticiens hospitaliers constitue une avancée importante ;
- l'égalité d'accès aux soins, qui regroupe la lutte effective contre les dépassements d'honoraires et contre les refus de soins, ainsi que la garantie d'une offre de soins équitablement répartie sur le territoire. Sur ces points, le texte, déjà insuffisant à l'origine, a été progressivement vidé de sa portée. Il est scandaleux que la loi, qui traduit l'intérêt général, se défausse sur des conventions professionnelles, naturellement représentatives d'intérêts particuliers, en ce qui concerne la lutte contre les dépassements d'honoraires. Il est regrettable que le Sénat n'ait pas accepté le renversement de la charge de la preuve et ait supprimé la possibilité de sanctionner les médecins sur le fondement d'un testing. En ce qui concerne l'égalité d'accès aux soins sur le territoire, la reconnaissance de la médecine de premier recours est certes positive mais elle ne permet pas de lutter contre les déserts médicaux car on ne lui a pas donné de véritable contenu. A cet égard, l'adoption d'un « contrat santé solidarité » se révèle une hypocrisie supplémentaire, en raison des délais d'application et de la faiblesse des pénalités ; il est nécessaire d'adopter des mesures plus contraignantes pour être efficace dans ce domaine ;
- la place de la santé publique. Le groupe socialiste s'interroge sur l'intérêt que présente le fait de participer à la discussion du titre III du projet de loi, censé être relatif à la prévention et à la santé publique, car la mascarade tourne ici à la désinvolture et au mépris. Aucune tentative d'amélioration ne semble envisageable, car le texte ressort particulièrement vide de contenu après son examen au Sénat : rien sur l'obésité, la toxicomanie ou la prévention des pathologies pour les jeunes ou du suicide ;
- l'organisation territoriale du système de santé. Le principe de la création des agences régionales de santé est bon mais le texte est très décevant car il va à l'encontre des objectifs de simplification et d'efficacité pourtant affichés. Le rôle accordé au préfet de région au sein des agences régionales de santé (ARS) et l'absence de représentant du conseil régional à leur conseil de surveillance sont regrettables ; le renforcement de l'étatisation n'est pas un gage de proximité. Enfin, il est douteux que le texte clarifie les compétences en matière de gestion du risque entre les ARS et les organismes de sécurité sociale.
A son tour, M. Jean-Marie Le Guen, député, a critiqué la manière avec laquelle le projet de loi, qui engage pourtant l'ensemble du système de santé français, est examiné par le Parlement. Il a dénoncé l'influence du Gouvernement sur les travaux des assemblées et une réforme à la « va-vite » sur des questions aussi fondamentales, dont l'exemple de l'organisation des CHU constitue une bonne illustration : l'introduction d'amendements au Sénat est un manque de considération, à la fois pour ces institutions fondamentales de la République et pour l'Assemblée nationale. En ce qui concerne la gouvernance, il a rappelé la crise forte que traversent les hôpitaux depuis la publication du projet de loi et il a mis en garde contre le traumatisme que ce débat précipité a pu y causer.
Le président Nicolas About, sénateur, a fait remarquer que la collaboration du Gouvernement avec le Parlement est une caractéristique du régime parlementaire et qu'il avait souvenir des conditions du débat sur la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé où il n'était pas rare que la majorité de l'époque interrompe les travaux pour recueillir l'avis du Gouvernement.