Intervention de Michel Billout

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 novembre 2010 : 1ère réunion
Accord de sécurité sociale entre la france et l'inde — Examen du rapport

Photo de Michel BilloutMichel Billout, rapporteur :

L'Inde et la France ont signé à Paris le 30 septembre 2008 l'accord de sécurité sociale qui est aujourd'hui soumis à notre examen.

Cet accord s'insère dans un ensemble d'instruments de même nature qui lient déjà la France à une trentaine de pays. Les accords bilatéraux de sécurité sociale ont pour objet de faciliter le règlement des questions de protection sociale qui se posent en cas d'expatriation temporaire ou de plus longue durée. Il peut notamment s'agir de déterminer les règles applicables en matière d'affiliation aux régimes de sécurité sociale, de lever les restrictions relatives à la nationalité ou au transfert à l'étranger des prestations sociales, lorsque de telles restrictions figurent dans certaines législations, ou de garantir la continuité des droits et la prise en compte des périodes d'assurance au titre du pays d'origine comme du pays d'accueil.

Dans l'Union européenne, ainsi que pour la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande, ces questions sont régies par des règlements européens. La conclusion d'accords de sécurité sociale concerne donc les pays autres que ceux de l'Union européenne ou assimilés. Parmi la trentaine de pays disposant d'un accord avec la France, la moitié est constituée des pays d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne avec lesquels nous entretenons des relations très étroites. Il s'agit d'accords adoptés dans les années qui ont suivi la décolonisation, qui visaient surtout à régler les relations de la France avec ses ex-colonies sur le plan de la sécurité sociale et à prendre en compte la venue en France de la main d'oeuvre provenant de ces pays.

L'accord avec l'Inde relève d'une seconde génération d'accords conclus entre la France et ses principaux partenaires économiques hors Union européenne comme les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la Corée, Israël ou encore la Turquie.

La négociation d'un accord de sécurité sociale avec l'Inde a été engagée au début de l'année 2008, à l'initiative de la partie indienne qui souhaitait faciliter les démarches des entreprises indiennes qui investissent en France et peuvent de ce fait y envoyer certains de leurs cadres ou techniciens. Cet accord présente également un intérêt pour les entreprises françaises implantées en Inde et permettra d'améliorer les conditions d'expatriation de nos compatriotes en matière de couverture sociale.

En outre, l'accord avec l'Inde étant le plus récent, son contenu intègre des dispositions qui n'étaient pas nécessairement prévues dans les accords précédents, comme l'obligation d'échanger les informations permettant d'établir avec certitude les droits des intéressés, pour lutter contre la fraude, et l'application de plein droit des décisions de justice rendues dans l'autre pays pour le recouvrement de cotisations impayées ou de prestations indûment versées.

Les principales dispositions de l'accord sont les suivantes.

Tout d'abord, l'accord pose le principe selon lequel les personnes qui travaillent sur le territoire de l'un des deux Etats sont soumises uniquement à la législation de cet Etat, quel que soit le siège de l'entreprise qui les emploie. Ce principe a pour corollaire celui de l'égalité de traitement en vertu duquel les ressortissants de chaque Etat résidant sur le territoire de l'autre Etat, bénéficient d'un traitement égal à celui des nationaux.

Une deuxième série de dispositions porte sur les exceptions au principe d'application exclusive de la législation de l'Etat d'accueil. Outre les personnels diplomatiques, il s'agit essentiellement des personnels bénéficiant du statut de détachement. Le statut de salarié détaché, à la différence de celui de salarié expatrié, permet à la personne envoyée temporairement à l'étranger de continuer à relever du régime de protection sociale de son pays d'origine et de conserver l'ensemble des droits qui s'y attachent.

La particularité de l'accord franco-indien est qu'il réserve la mise en oeuvre du détachement aux seuls « risques longs », c'est-à-dire à l'assurance vieillesse et à l'assurance invalidité. Autrement dit, les ressortissants français en Inde ou indiens en France seront affiliés aux régimes de l'Etat d'accueil pour la couverture maladie et maternité, les accidents du travail et les prestations familiales. En revanche, ils continueront de relever de leur régime d'origine pour l'assurance vieillesse, et cela pour une durée relativement longue, fixée à cinq ans au maximum. La mise en place de cette procédure de détachement simplifiera la prise en compte des périodes travaillées hors du pays d'origine pour le calcul de la retraite.

S'agissant des risques maladie, maternité ou accidents du travail, les salariés indiens en France cotiseront au régime français. De même, les ressortissants français seront affiliés au régime indien, mais étant donné le niveau des prestations, inférieur à celui du régime français, cette affiliation ne sera pas exclusive d'une couverture financée par les entreprises ou d'une assurance volontaire, par exemple auprès de la Caisse des Français de l'étranger.

Il est ici important de noter que l'accord avec l'Inde est le premier accord de sécurité sociale, et pour l'instant le seul, qui réserve le détachement au seul risque vieillesse-invalidité. Jusqu'ici, tous les accords prévoyant le détachement ne distinguaient pas les risques. Par ailleurs, la durée maximale du détachement était généralement plus brève, alors qu'elle est de 5 ans dans l'accord franco-indien. D'après les informations qui m'ont été données, l'Inde était intéressée, tout autant que la France, par le statut de détaché. En effet, des salariés indiens sont expatriés en Europe en accompagnement d'investissements indiens. La France préférait que ces salariés soient affiliés à l'assurance-maladie française, ce qui n'aurait pas été le cas si le détachement avait couvert le risque maladie, car compte tenu du faible niveau de couverture du système indien, il y aurait eu un risque de prise en charge insuffisante des soins délivrés en France, voire un risque d'impayés auprès des hôpitaux. Ce type de risque n'existe pas pour l'assurance-vieillesse.

Par ailleurs, l'accord comporte des clauses classiques sur la totalisation des périodes d'assurances passées dans les deux pays pour le calcul des droits, ou encore sur le libre transfert des prestations sociales acquises dans un des deux pays en cas d'expatriation ultérieure.

L'intérêt principal de cet accord réside dans les améliorations apportées à la couverture retraite des ressortissants de l'un ou l'autre pays en cas d'expatriation. En cas d'affiliation à un régime local, les périodes d'assurance seront automatiquement prises en compte dans l'autre pays au moment du calcul des droits à pension. Enfin, l'accord lève toute restriction au transfert à l'étranger des pensions qui auront été liquidées dans l'un des deux pays.

Cet accord peut donc être considéré comme utile pour accompagner les échanges économiques franco-indiens, notamment les investissements, qui nécessitent souvent l'expatriation de cadres ou de techniciens. Nous n'avons pas d'indications chiffrées sur le nombre de bénéficiaires potentiels, sans doute assez limité. Si l'on compte environ 9 000 Français immatriculés en Inde, près de 7 000 d'entre eux sont des franco-pondichériens. En dehors de la communauté indienne de La Réunion, le nombre d'expatriés indiens en France est faible aujourd'hui.

Cette situation peut probablement évoluer puisque la France a établi avec l'Inde un partenariat stratégique qui comporte un volet économique ambitieux. Lors de sa visite d'Etat en Inde en janvier 2008, le Président de la République avait, par exemple, fixé avec le Premier ministre indien l'objectif d'atteindre, en 2012, 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux et de développer les investissements de manière significative. Cependant, les résultats n'ont pour l'instant pas été à la hauteur des objectifs. Alors qu'ils s'élevaient à 6,8 milliards d'euros en 2008, les échanges bilatéraux se sont contractés de plus de 20 % sous l'effet de la crise économique et ont chuté à 5,4 milliards d'euros en 2009, dont 2,5 milliards d'euros d'exportations françaises vers l'Inde et 2,9 milliards d'euros d'importations indiennes en France.

Depuis 2006, la part de marché de la France en Inde se situe entre 1,8 et 2 %, ce qui constitue néanmoins un léger progrès par rapport au début de la décennie (1,3 % en 2000). Nos exportations sont fortement dépendantes des ventes aéronautiques (43 % des exportations en 2008). Mais la conclusion d'un accord de coopération en matière nucléaire civile ouvre des perspectives de diversification de nos exportations. En ce qui concerne la présence des entreprises françaises en Inde, la part de la France dans les investissements directs étrangers en Inde est évaluée à 1 % des flux cumulés depuis 2000 (9ème rang), cette part s'élevant à 1,2 % pour la dernière année connue. Les entreprises françaises compteraient environ 700 implantations en Inde, employant plus de 120 000 personnes.

La France représente pour sa part une destination non négligeable pour les investissements indiens. Alors qu'en 2005 l'Inde se classait au 69ème rang des investisseurs étrangers en France, elle se plaçait au 45ème rang quatre ans plus tard, en 2009. Le stock d'investissements directs réalisés en France par les entreprises indiennes s'est élevé à 323 millions d'euros en 2009 (contre 91 millions d'euros en 2005). Les secteurs privilégiés par les investisseurs indiens sont la métallurgie, les technologies de l'information et de la communication et l'industrie pharmaceutique. Entre 2005 et 2009, le nombre d'entreprises indiennes établies en France a doublé, passant de 45 à 90. Ces entreprises représentent 8 000 emplois.

Pour conclure, on peut dire que cet accord avec l'Inde, qui suit ceux conclus avec la Corée en 2004 et le Japon en 2005, complète utilement le réseau des accords bilatéraux de sécurité sociale nous liant à nos grands partenaires économiques.

L'Inde ne dispose pas de procédure de ratification distincte de la signature de l'accord. Cet accord entrera donc en vigueur dès achèvement de la procédure de ratification par la France. C'est pourquoi je vous propose l'adoption du présent projet de loi.

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