Intervention de Philippe Paul

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 novembre 2010 : 1ère réunion
Accord de coopération dans le domaine de la défense entre la france et l'irak — Examen du rapport

Photo de Philippe PaulPhilippe Paul :

L'accord soumis à votre examen a été signé le 16 novembre 2009 à Paris. Il a pour objectif d'identifier les actions de coopération entre la France et l'Irak dans le domaine de la défense, ainsi que les modalités de leur mise en oeuvre. Avant d'en détailler les principales caractéristiques, je retracerai brièvement l'état actuel de nos relations bilatérales.

D'un point de vue politique, la relation bilatérale entre la France et l'Irak a été relancée ces deux dernières années par de nombreuses visites dont celles du Président de la République française en février 2009 et celle Président Talabani en novembre 2009. C'est du reste un pays que le Sénat connait bien puisque deux membres de notre commission, Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga se sont rendus en Irak en mars 2009 à l'occasion d'une mission d'information sur la situation au Moyen-Orient et qu'un troisième membre de la commission, Jacques Gautier, s'est rendu à Erbil comme observateur pour les élections législatives de mars 2010.

Il faut dire que la perception de notre pays par les autorités irakiennes était fortement négative depuis 2003 en raison de notre opposition à l'intervention militaire de la coalition comprise à tort comme une forme de soutien à l'ancien régime. Cette perception a fort heureusement évolué de façon positive depuis 2007.

D'un point de vue économique, les échanges bilatéraux, fortement déficitaires depuis 2003, ont enregistré un rééquilibrage significatif depuis 2009. Les exportations françaises ont été multipliées par 2,4 et ont atteint en 2009 un montant de 413 millions d'euros, en hausse de 140 %. Les importations ont été divisées par deux et ont atteint 838 millions d'euros en 2009. Elles sont composées exclusivement de produits pétroliers. Au total, le déficit commercial de la France avec l'Irak a été divisé par trois depuis 2008. Il était de 426 millions d'euros en 2009. En 2010, la tendance à la hausse de nos exportations devrait se confirmer grâce à l'exécution des contrats déjà signés en 2009 et aux succès commerciaux attendus de nos grands groupes parmi lesquels Degrémont, Technip, Saint Gobain, Alstom, Renault Trucks, Peugeot, Thalès.

Nos activités de coopération scientifique et culturelle connaissent également un renouveau, puisque un accord cadre a été signé lors de la visite d'Etat du Président Talabani, en novembre 2009. Il est important de relever que, en dépit des vicissitudes, notre centre culturel à Bagdad n'a jamais fermé au cours des années de guerre. Cela est d'autant plus remarquable qu'il est situé hors de la « zone verte », c'est-à-dire la zone protégée. Au Kurdistan, un centre culturel a ouvert à l'automne 2009. Par ailleurs, la Mission Laïque Française a ouvert deux écoles françaises au Kurdistan en 2009.

S'agissant de la coopération en matière de défense, nos rapports avec le secteur irakien de la défense sont restés dépendants des circonstances jusqu'à l'ouverture de la mission militaire de l'ambassade le 11 septembre 2009. En réponse au besoin exprimé par la partie irakienne de diversifier ses coopérations extérieures, une déclaration d'intention a été signée le 2 juillet 2009 par les ministres de la défense. Elle a permis la signature de l'accord intergouvernemental de novembre 2009 dont nous sommes saisis.

L'armée et les services de sécurité irakiens sont très favorables au développement de nos relations bilatérales. Toutefois, dans un pays où l'appareil de l'Etat est en reconstruction, les modes de fonctionnement du ministère de la défense apparaissent souvent lourds et parfois instrumentalisés par des luttes internes difficiles à comprendre et à surmonter. Dans ce contexte, aggravé par l'absence de ressources humaines francophones, la coopération dans le domaine de la formation est délicate à mettre en oeuvre.

Il est apparu que la priorité de la défense irakienne va à l'équipement. En effet, les Irakiens ne sont pas satisfaits des procédures américaines d'autorisation, jugées lourdes, lentes et ne répondant pas aux besoins. Face à cela, le souvenir de la coopération avec notre pays, conjuguée à la nécessité de se doter de capacités opérationnelles avant le départ des forces américaines à la fin de l'année prochaine, ont amené les autorités irakiennes à se tourner vers nous. Elles souhaitent que la France les assiste dans ce processus, dans le cadre de contrats d'Etat à Etat ou d'arrangements techniques ad hoc à l'accord soumis à votre ratification.

Un contrat avec la société Eurocopter portant sur la livraison de vingt quatre hélicoptères EC 635 est d'ores et déjà en cours d'exécution, pour un total de 300 millions d'euros, et un autre projet de vente de six hélicoptères Panther navalisés est en cours de négociation.

Pour ce qui est de la description du tableau d'ensemble des forces armées irakiennes, je rappellerai que l'armée de terre est forte d'environ 250 000 hommes et dispose à ce jour de quatorze divisions. Deux divisions de montagne (Peshmerga) encore sous l'autorité du gouvernement régional du Kurdistan doivent être placées sous l'autorité du gouvernement central.

L'armée de l'air ne compte que 3 000 hommes mais ne fait qu'entamer sa montée en puissance. Elle ne peut, à ce jour, assurer que des missions de surveillance, de reconnaissance et de transport. Quatre bases aériennes seulement sont en activité à ce jour et un seul radar longue portée américain sera remis aux Irakiens, sur trois en service aujourd'hui. La reconstruction d'une capacité d'appui aérien et de défense aérienne globale est la priorité actuelle de l'armée irakienne. Les négociations actuelles avec la France pour l'acquisition de 18 Mirage F1 modernisés relèvent de cette priorité, la livraison éventuelle d'avions américains, de type F-16, et la formation des pilotes irakiens sur ces appareils ne pouvant, dans le meilleur des cas, intervenir avant au moins trois ans.

Enfin, s'agissant de la marine, les forces navales comptent 1 500 marins, dont 800 hommes du bataillon de fusiliers-commando qui assure la protection des plates-formes pétrolières. La marine dispose de quatre patrouilleurs de classe Saettia MK4 livrés par l'Italie. Toutefois, la marine n'est pas prioritaire.

Dans les années 1970 et 1980, des accords de coopération dans le domaine de la défense ont été signés, mais n'ont pas fait l'objet d'une publication.

La France et l'Irak ont considéré, en 2009, que les textes sur lesquels reposait leur coopération au cours des années 1970-1980 n'étaient plus adaptés à la relation de défense souhaitée par les deux pays. En effet la relation bilatérale franco-irakienne est en pleine relance depuis deux ans. L'accord de coopération en matière de défense vient répondre à la demande irakienne de reconstituer, au plus vite, une armée efficace et performante. Cette demande a été adressée en particulier à la France et a donné lieu au texte dont nous sommes saisis.

Pour l'instant, l'Irak n'apparaît pas avoir engagé la procédure de ratification. Mais cela peut se comprendre aisément, compte tenu des difficultés rencontrées par les différents groupes politiques issus des élections législatives de mars 2010 pour former un gouvernement. Nouri el Maliki a finalement réussi à former un gouvernement de coalition, mais la situation ne semble pas encore stabilisée pour autant.

L'économie générale du texte est classique pour ce type d'accord.

En ce qui concerne le statut des personnels, l'accord, dans la mesure où il privilégie les activités conduites sur le territoire irakien, définit à titre principal et de façon non réciproque le statut des forces françaises engagées dans des activités de coopération. Il assure à celles-ci la meilleure protection possible en prévoyant de les faire bénéficier des privilèges et immunités accordés aux membres du personnel administratif et technique des missions diplomatiques, conformément à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961. Ce statut protecteur est également étendu aux personnes à charge.

Les coûts liés aux activités de coopération seront essentiellement à la charge de la partie irakienne : les articles 7 et 8 de l'accord prévoient la fourniture de prestations (formation, entraînement, soutien aux exportations d'armement) par la partie française à titre onéreux, ainsi que l'exonération sur le territoire irakien de toute fiscalité afférente aux matériels acquis par la partie irakienne et aux prestations associées. Cependant la partie française pourra, en fonction de l'opportunité, prendre en charge certaines formations.

Si l'accord ne comporte pas d'engagements portant sur l'acquisition de matériel par une partie auprès de l'autre, il est de nature, en fixant un cadre pérenne aux relations franco-irakiennes, à favoriser la conclusion de contrats d'achat de matériels par l'Irak.

La modernisation des forces armées irakiennes est susceptible de concerner l'ensemble du spectre des matériels que l'industrie française peut proposer : aéronefs de combat, télécommunications tactiques et stratégiques, défense aérienne, navires de surface, notamment.

L'accord n'instaure pas de clause de défense et prévoit un domaine de coopération essentiellement orienté vers le domaine de l'armement, même si d'autres formes de coopération sont envisagées à l'article 2. Une commission bilatérale chargée d'organiser et de coordonner la coopération est instituée à l'article 4. L'article 5 prévoit la nomination d'un correspondant permanent par la partie française, plus spécialement chargé du suivi de l'accord, notamment dans son volet armement. L'article 6 précise les règles applicables en matière d'échange d'informations et de matériels classifiés. L'article 7 prévoit la possibilité pour la partie française de délivrer à titre onéreux des formations et des entraînements, réalisés en France ou en Irak. L'article 10 prévoit d'accorder, selon un mode non réciproque, aux membres du personnel français présents sur le territoire irakien, le bénéfice des privilèges et immunités dont jouissent les membres du personnel administratif et technique des missions diplomatiques, conformément à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961.

Le texte comporte par ailleurs les clauses classiques en ce qui concerne la fiscalité, le règlement des dommages et des différends entre les parties.

Cet accord est conclu pour une durée de cinq ans renouvelables.

En conclusion, je dirai que cet accord destiné à faciliter la coopération de défense entre l'Irak et la France sert les intérêts mutuels de nos deux pays. Il ne soulève aucune difficulté majeure et ne contient qu'un cadre technique qu'il appartiendra aux autorités des deux pays de remplir.

Pour cette raison, je propose que la commission adopte le présent projet de loi et qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

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