Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 mai 2008 : 1ère réunion
Traités et conventions — Tortures et traitements inhumains et dégradants - examen du rapport

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, rapporteur :

a tout d'abord rappelé que la torture restait une pratique répandue dans de nombreux pays, bien que la convention de New York de 1984 contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants ait été ratifiée par une majorité d'Etats-membres des Nations unies. Elle a déclaré que si la connaissance des actes de torture est difficile, parce qu'ils interviennent dans des lieux de détention tenus secrets, il paraissait néanmoins clair que le nombre des actes de torture s'est accru depuis le 11 septembre 2001.

a indiqué que, parmi les victimes de torture, on comptait évidemment les opposants politiques ou les défenseurs des droits de l'Homme, les membres de minorités religieuses ou encore les homosexuels, voire les personnes suspectées de terrorisme. Mais la torture touche également les détenus de droit commun dans nombre de pays peu respectueux des droits de l'Homme. Les causes sont multiples. La pratique de la torture est souvent liée au manque de moyens financiers et à l'insuffisante formation des forces de l'ordre, ainsi qu'au climat d'impunité qui peut exister dans certains pays. C'est dans ce contexte que l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 18 décembre 2002, le présent protocole, visant à compléter la convention de New York de 1984 contre la torture. Ce nouvel instrument du droit international, signé par le gouvernement français le 16 septembre 2005, est entré en vigueur le 23 juin 2006 et la France s'est engagée à le ratifier avant la fin du premier semestre 2008.

a indiqué également que ni les Etats-Unis d'Amérique, ni la Chine, ni la Fédération de Russie, pourtant tous Etats parties à la convention de New York, n'ont signé le Protocole facultatif. Elle a rappelé brièvement les principes de cette convention de New York, dont le principal apport est de donner une acception universelle aux actes de « torture » et de contraindre tous les Etats parties à ériger ces actes en infractions dans leur droit pénal. Elle a rappelé que la convention avait institué un « Comité contre la torture », composé de dix experts, possédant une compétence reconnue dans le domaine des droits de l'homme. Ce comité dispose, en cas de soupçons, de pouvoirs d'enquête qu'il peut confier à un ou plusieurs de ses membres, dans le but de lui faire un rapport d'urgence.

a ensuite souligné que le Protocole facultatif de 2002 révélait une approche différente et complémentaire, en s'efforçant d'empêcher le recours à la torture plutôt que de réagir à des cas de torture signalés. Il comporte deux innovations : la première tient à la création d'un « sous-comité de la prévention », composé de dix membres élus par les Etats parties pour une durée de quatre ans. Ce sous-comité a notamment pour mission d'effectuer des visites en tout lieu où se trouvent, ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. En second lieu, le Protocole met à la charge des Etats parties l'obligation de mettre en place, un an au plus tard après son entrée en vigueur, un ou plusieurs « mécanismes nationaux indépendants » de prévention de la torture. Ces mécanismes doivent permettre d'examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté, au moyen de visites effectuées dans des conditions particulières d'indépendance et de liberté d'accès.

a précisé qu'il existait aujourd'hui en France des organismes ou autorités pouvant effectuer des visites de lieux de privation de liberté. C'est le cas, notamment, des parlementaires, des procureurs de la République, de la Commission de déontologie de la sécurité (CNDS) ou de la Commission nationale de contrôle des zones d'attente. Mais, a-t-elle rappelé, aucune de ces instances ne remplit les conditions cumulatrices définies par le Protocole : l'indépendance de ses membres, la liberté de choisir les lieux à visiter, la possibilité de s'entretenir sans témoins avec les personnes privées de liberté, ainsi que l'accès à tous les renseignements relatifs à leur traitement et à leurs conditions de détention. C'est pourquoi, par anticipation de la ratification du Protocole, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi instituant un « contrôleur général des lieux de privation de liberté ». Cette loi a permis de satisfaire aux exigences du Protocole, et notamment de ses articles 17 et 18 qui prescrivent la nécessité d'assurer un mécanisme de prévention « indépendant », aussi bien dans l'exercice de ses missions que dans le statut de son personnel. En revanche, il a été plus difficile d'intégrer en droit français l'article 15 du Protocole qui dispose qu'«aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n'ordonnera, n'appliquera, n'autorisera ou ne tolérera de sanction à l'encontre d'une personne ou d'une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au sous-comité de la prévention ou à ses membres, et ladite personne ou organisation ne subira de préjudice d'aucune autre manière». Ces dispositions reviennent, pour l'Etat partie, à s'engager à ne pas poursuivre pénalement en cas de dénonciation calomnieuse.

a précisé que, bien que le Protocole interdise les réserves, le Gouvernement français avait déposé une déclaration interprétative, lors de la ratification du Protocole, afin d'atténuer la portée de ces deux articles et de demeurer en conformité avec ses propres dispositions pénales. Il s'agit de limiter la notion de renseignements « vrais ou faux » aux renseignements communiqués de bonne foi, seuls par conséquent à bénéficier de l'immunité prévue pour les déclarations faites aux membres de ce mécanisme, à l'exclusion du faux intentionnel.

En conclusion, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a déclaré que face à la persistance d'actes de tortures dans le monde, ce nouvel instrument privilégie les mesures préventives plutôt que répressives. Il instaure une relation complémentaire entre les mécanismes locaux et internationaux de surveillance, et est de nature à rendre plus efficace la prévention des actes de torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants dans le monde. Elle a donc conclu à l'adoption du texte, qui pourrait, du fait de son caractère technique, faire l'objet d'une procédure d'adoption simplifiée en séance publique.

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