En référence à la polysémie évoquée par mon camarade, je me concentrerai sur un aspect particulier de la notion d'expérimentation, à savoir l'expérimentation telle qu'elle est utilisée dans les textes réglementaires relatifs au fonctionnement du système scolaire. L'article 34 de la loi d'orientation et de programme de 2005 sur l'avenir de l'école précise clairement les conditions dans lesquelles un établissement scolaire du premier ou du second degré est en mesure de proposer une expérimentation. Il rattache explicitement cette démarche à la dynamique du projet d'établissement, imposant, de facto, le principe de fixation d'objectifs et d'évaluation des actions mises en place. Cet article précise également que la réalisation de ces expérimentations doit faire l'objet d'un accord préalable des autorités académiques.
La démarche d'expérimentation constitue en elle-même une réforme du système scolaire plutôt qu'un moyen de réformer ce dernier. En effet, c'est dans la prise en compte des caractéristiques particulières d'un établissement que l'expérimentation prend son sens. Il ne nous suffit pas, cependant, de dresser un simple constat des besoins : il convient également d'anticiper soigneusement sur les ressources disponibles. A cet égard, l'engagement des équipes pédagogiques constitue un préalable indispensable à l'entrée dans une démarche expérimentale. De la même manière, la disponibilité et les attentes des usagers doivent être pris en compte. Ajoutons à cela l'indispensable mobilisation des collectivités territoriales. Enfin, nous ne pouvons pas négliger les conditions matérielles, composante incontournable pour la mise en oeuvre raisonnée d'une expérimentation. Il ne faut toutefois par perdre de vue que le droit à l'expérimentation ne constitue qu'un des aspects de cet article 34, lequel est prioritairement centré sur le rôle du projet d'établissement. C'est donc bien ce dernier qui apparaît comme un puissant organisateur du système scolaire, puisqu'il concerne tous les établissements, du premier et du second degré, que ceux-ci fonctionnent en réseau ou de manière autonome. Les inspecteurs, à quelque niveau qu'ils interviennent, s'attachent à aider les équipes dans l'élaboration et le suivi des projets d'établissement. A rebours d'une représentation plus souvent affirmée de manière dogmatique qu'étayée par des observations fiables, les inspecteurs s'efforcent de faire émerger ces initiatives locales et les accompagnent en recentrant systématiquement les acteurs impliqués vers l'analyse objective des résultats obtenus par les élèves. Il doit cependant rester clair que les seules données quantitatives immédiates ne peuvent suffire à rendre compte de l'impact d'un projet, lequel nécessite simultanément une analyse qualitative qui n'a de sens que si elle est partagée. Cette dernière remarque démontre à quel point il serait difficile, voire illusoire, d'envisager la généralisation d'une expérimentation sur la seule base de son apparente efficacité sur un territoire donné. Le recueil de bonnes pratiques fait partie du quotidien des inspecteurs et de nombreuses pistes d'évolution ont pu être dégagées sur ces bases. Reste à constater que ces pratiques ne sont pas bonnes par nature, mais grâce à l'engagement d'équipes pédagogiques qui savent les adapter au contexte particulier dans lequel elles se trouvent. Imposer une méthode, une pratique ou une organisation entraîne inévitablement des résistances, voire des oppositions. Cette démarche serait totalement incompatible avec la dynamique même des expérimentations, qui constituent un mode de fonctionnement susceptible de contribuer efficacement à la mobilisation des acteurs et donc, in fine, à l'amélioration des résultats des élèves, pourvu que soient réellement exploitées les perspectives offertes par l'article 34 de la loi d'orientation de 2005.