J'apporterai un éclairage « premier degré » sur cette question.
Se poser la question telle que vous l'avez formulée, c'est s'interroger sur la capacité de notre système scolaire à se réformer pour faire progresser les élèves, notamment ceux qui en ont le plus besoin et qui restent « au bord de la route ». Les enquêtes PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) sorties récemment témoignent de l'importance de ce besoin. Le SNUipp est partisan de réelles transformations de notre système. Néanmoins, réformer concrètement et durablement, c'est avant tout s'en donner les moyens budgétaires et professionnels, avec des objectifs éducatifs partagés : il s'agit bien de faire réussir tous les élèves. Dans cette logique, nous pensons que les expérimentations peuvent effectivement constituer une voie pour « faire mieux l'école ». Les enseignants et praticiens de terrain doivent en percevoir le sens, les perspectives et les changements possibles. Pour se placer dans une telle dynamique, en premier lieu, le contexte politique doit offrir un terreau favorable aux transformations. Il est impossible de faire descendre sur le terrain de nouvelles organisations, pratiques et formes de travail, si les enseignants eux-mêmes ne sont pas associés et convaincus du bien-fondé des évolutions souhaitées. Cela ne peut donc avoir lieu dans un contexte de suppressions massives de postes et de remise en cause du métier d'enseignant tel que celui que nous connaissons actuellement, comme nous le constatons avec la réforme calamiteuse de la formation des maîtres.
L'expérimentation ne peut servir de paravent à une politique éducative qui privilégierait l'immobilisme et le préférerait à l'imagination. A chaque problème, rien ne change sur le fond et rien ne s'améliore pour les élèves. A ce titre, nous regrettons que beaucoup d'expérimentations menées ici et là aient été rapidement remisées au placard. Tel a été le cas des expérimentations sur les nouvelles organisations pédagogiques entre 2001 et 2003, qui ont vu des maîtres surnuméraires travailler en école maternelle et en école primaire : nous avions pourtant constaté que ces expérimentations ouvraient de multiples pistes de prise en charge des élèves, de travail enseignant, de décloisonnement, d'organisation de l'activité éducative, etc. Nous regrettons que ces expérimentations aient été vite classées sans suite. Ces exemples démontrent que trop d'expérimentations sans bilan ou trop de mauvaises expérimentations tuent l'expérimentation et donc la possibilité de réforme du système.
Quelles sont les conditions pour que les expérimentations permises par l'article 34 de la loi de 2005 portent leurs fruits ?
Il faut tout d'abord que les objectifs soient clairs, lisibles et partagés. Ils ne doivent pas être prétextes à récupérer des postes ou à déréglementer les fonctionnements. Nous ne voulons pas non plus, pour le premier degré, de recrutement des enseignants par les directeurs d'école.
Ces expérimentations doivent en outre être préparées avec les acteurs de terrain.
Par ailleurs, elles doivent bénéficier d'un accompagnement institutionnel et de moyens, par arrêté du recteur, inscrits au budget opérationnel de programme, mais aussi de moyens en temps, afin que les équipes puissent s'en emparer.
Ces expérimentations doivent faire l'objet d'un suivi de la recherche. L'Institut national de recherche pédagogique (INRP) aurait pu jouer un rôle moteur sur cette question. Elles doivent également faire l'objet d'une évaluation sérieuse et concertée.
Enfin, il doit être possible, pour les équipes, de sortir du dispositif.