Intervention de Philippe Tournier

Mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation — Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion
Audition des représentants syndicaux de l'éducation nationale

Philippe Tournier, secrétaire général, Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) :

Les EPLE sont autonomes depuis 1985, mais de façon très cadrée. Les textes de 1985 ne sont en réalité pas respectés par les différentes autorités.

Le rôle des rectorats a profondément changé au cours des dix dernières années. Bien que tous les personnels ne s'en rendent pas compte aujourd'hui, les relations entre les établissements et les rectorats sont une source majeure de tension dans l'organisation du système éducatif. Ce débat est longtemps resté assez confiné au sein de l'encadrement. Il témoigne de la très profonde transformation qu'a connue l'organisation du système éducatif depuis une quinzaine d'années. Ainsi, beaucoup de personnels croient vivre dans un système qui n'existe plus.

Je n'emploierai pas le mot « renforcement ». Je parlerai plutôt de « déversement » : nous avons en effet assisté, depuis une quinzaine d'années, à un déversement sur les choix rectoraux de la gestion quotidienne du réel, du concret et du matériel. S'ajoute à cela la « fonte » du pilotage national. Il ne s'agit pas d'un phénomène très récent : ce phénomène plutôt systémique a été engagé il y a une quinzaine d'années et a survécu aux ministres et aux majorités. Il va aujourd'hui en s'amplifiant. Nous avons atteint, cette année, un nouveau stade de ce phénomène : même la question des suppressions de postes est aujourd'hui entièrement sous-traitée par les échelons locaux. Les résultats de PISA révèlent que la France est le pays de l'OCDE où les origines sociales pèsent le plus sur les résultats scolaires des élèves, plus encore qu'au Brésil ! Ce constat est directement lié à la disparition de l'intervention politique dans le champ de l'éducation.

Aujourd'hui, ainsi, nous pouvons affirmer que nous comptons 30 ministères de l'éducation nationale. Nous publierons la semaine prochaine une enquête qui démontre l'ampleur et la profondeur du phénomène. Ainsi, souvent, l'homogénéité des horaires, des programmes et des statuts des personnels cachent cette réalité d'ores et déjà très prégnante.

La question n'est pas de savoir si l'autonomie est bien ou mal. Le problème, aujourd'hui, est que cette autonomie est mise en place sans aucune régulation. La seule forme de régulation est le statut des recteurs, sorte de « préfets des études ». On rappelle souvent que le statut des enseignants date de 1950. Celui des recteurs date de 1854 et n'a pratiquement pas été revu depuis. Cela crée un hiatus entre des logiques contradictoires, à savoir le temps politique court des recteurs (9 mois) et le temps long des établissements qui ont besoin de s'inscrire dans la durée (5, 6, 10 ans). Le contrat d'objectifs avait pour but de réguler ce type de rapports. Nous avions obtenu, ainsi, la signature d'une charte des pratiques de pilotage pour réguler ce type de rapport. Dans les faits, cette charte n'est pas véritablement mise en oeuvre.

Le rectorat a besoin de ne pas être seulement un service déconcentré de l'État, y compris pour que les collectivités territoriales y aient leur place. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une véritable paralysie de la République avec les « compétences partagées ». La France a accumulé un retard invraisemblable en matière de technologies numériques dans le domaine scolaire et de déploiement des Espaces numériques de travail (ENT). Ce retard est directement lié au niveau de conflit élevé existant entre les collectivités territoriales et les représentants locaux de l'État. Le recteur doit avoir un mandat renouvelable, de trois ans par exemple, et inscrire le fonctionnement local dans une perspective moins agitée qu'actuellement.

L'autonomie est soumise à une régulation interne dans l'établissement : tout ce qui relève de l'autonomie relève du conseil d'établissement. Cette régulation est, à mon sens, largement suffisante. Cela pose la question du fonctionnement du conseil d'administration : quand les conseils d'administration ont à traiter des questions qui concernent véritablement l'établissement, il s'avère souvent qu'ils sont tout à fait en mesure d'assumer ce rôle. Nous préférons en ce sens le terme de « responsabilité » à celui « d'autonomie ».

On s'interroge sur la mise en place d'une régulation nationale. Le pouvoir central lui-même est frappé aujourd'hui par une extraordinaire instabilité des personnes, mais aussi des politiques. Sur les 20 dernières années, aucune politique n'a survécu plus de 16 mois !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion