Intervention de Patrick Roumagnac

Mission commune d'information sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation — Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion
Audition des représentants syndicaux de l'éducation nationale

Patrick Roumagnac, secrétaire général du Syndicat de l'Inspection de l'éducation nationale (SIEN) :

Il pourrait être tentant de répondre à la première question en affirmant que le chef d'établissement, comme tout cadre du système éducatif, doit être polycompétent. Il semble cependant que, dans la dynamique attendue d'amélioration de la gestion des ressources humaines dans les établissements, l'image du pilote soit la plus pertinente. Elle renvoie en effet à une fonction (amener ses passagers à destination) qui induit une responsabilité (mieux vaut ne pas perdre trop de passagers en route) mais suppose une réelle expertise (certains chemins sont plus sûrs que les autres). Si ces éléments sont bien reconnus dans le second degré tant dans la voie générale et technologique que dans la voie professionnelle, les choses sont plus complexes au niveau de l'école primaire. Les textes sont prolixes pour fixer les responsabilités du directeur, mais ils deviennent étrangement muets pour fixer les moyens par lesquels ces charges peuvent être exercées. La mise en place des Réseaux Ambition-Réussite (RAR) nous apporte quelques enseignements à cet égard. Dans le dispositif initialement imaginé, à la constitution duquel notre syndicat avait été associé, les chefs d'établissement du second degré et les directeurs des écoles du secteur devaient être associés pour constituer un Comité directeur du réseau. L'Inspecteur de l'éducation nationale (IEN) de la circonscription devait pour sa part être associé aux inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux pour constituer un pôle externe d'évaluation et d'accompagnement du dispositif. Cette organisation présentait l'avantage de donner aux directeurs une reconnaissance statutaire fonctionnelle. Elle permettait, en outre, d'envisager une meilleure continuité entre le premier et le second degré dans l'évaluation. Malheureusement, de fortes pressions ont conduit à une révision de ce dispositif et ont débouché sur l'implication de l'IEN dans le comité de direction et la suppression du pôle évaluatif envisagé. Cet exemple témoigne des réticences et résistances au changement qui rendent souvent difficile la mise en oeuvre d'évolutions significatives. Il faut pourtant reconnaître que les modalités organisationnelles sont déterminantes pour l'efficacité du pilotage. A cet égard, le nouveau dispositif associant des établissements du premier et du second degré dans une dynamique visant à structurer l'offre éducative en référence au socle commun des connaissances et des compétences, tel qu'il est mis en place dans certains établissements de l'académie de Rennes, nous semble constituer un axe de réflexion tout à fait pertinent. Son développement nécessiterait que soient sérieusement remis en cause des éléments structurants du système scolaire. La notion de responsabilité fonctionnelle ne suppose pas nécessairement l'instauration d'un échelon hiérarchique de proximité supplémentaire, mais doit donner au directeur la capacité et les moyens de fixer les orientations en mobilisant l'équipe pédagogique. C'est bien dans une logique de responsabilité partagée et dans une complémentarité des regards que doit être conçu le pilotage et non dans une concurrence totalement contreproductive. Dans cette logique, il est légitime que les chefs d'établissement du second degré et les directeurs d'école assurent le pilotage des actions éducatives mises en place, tandis que les corps d'inspection pourraient concentrer leur énergie sur l'évaluation et la recherche de cohérence des pratiques à l'échelle d'un territoire défini sur la base d'un projet éducatif partagé. Une telle approche suppose toutefois une porosité des structures, qui est loin d'être fréquente à ce jour, même si chacun se lamente sur la trop grande rupture entre premier et second degrés.

Les obligations de service des enseignants sont-elles adaptées à l'école d'aujourd'hui ? Il appartient aux organisations syndicales représentatives de ces personnels de s'exprimer sur ce point. Notre organisation tient cependant à soumettre une réflexion. La notion d'obligation de service porte certes en elle une logique indispensable visant à fixer une contrainte, mais surtout des marges de responsabilité et d'action des principaux acteurs de l'acte éducatif. L'administration et la gestion du système scolaire ne peuvent en effet prendre sens que dans l'aide susceptible d'être apportée aux enseignants pour que ceux-ci fassent preuve de la meilleure efficacité possible au service des élèves. Dès lors, l'idée d'obligation de service ne doit pas nécessairement être lue comme une contrainte, mais plutôt s'inscrire dans une forme de contrat de confiance entre la nation et ses enseignants. Selon nous, la seule obligation ayant véritablement du sens est celle de la mobilisation de tous les moyens et de toutes les énergies en vue de la réussite de tous les élèves.

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