Intervention de Catherine Mills

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 16 mars 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de Mme Catherine Mills économiste

Catherine Mills :

a expliqué que l'emploi est une variable fondamentale pour le financement du système de retraite : le besoin de financement peut être réduit si le taux de chômage l'est aussi. S'agissant de la productivité du travail, les statistiques du BIT (bureau international du travail) montrent que la France est bien placée dans ce domaine ; elle pourrait toutefois l'être davantage en améliorant la formation de sa main d'oeuvre.

En ce qui concerne les seniors, l'objectif n'est pas de les obliger à travailler jusqu'à soixante-dix ans mais de leur offrir la possibilité d'avoir une seconde carrière. Il faut donc leur donner accès à une formation continue et leur proposer des emplois non précaires. En 2008, le taux d'emploi des cinquante-cinq/soixante-quatre ans était en France de 38,2 %, contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne. Dans son rapport de janvier 2010, le Cor montre toutefois que ce taux global masque une forte disparité entre le taux d'emploi des personnes de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, qui était de 56,3 % en 2008, et celui des soixante/soixante-quatre ans, égal à 16,3 % seulement. La fixation de l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans explique que le taux d'emploi chute fortement après cinquante-neuf ans. Ce n'est cependant pas une raison pour le reporter : pourquoi devrait-on imiter les pays qui, comme l'Allemagne, ont augmenté l'âge de départ à la retraite et diminué parallèlement le montant des pensions ? Il faut rompre avec le mouvement d'harmonisation par le bas, actuellement à l'oeuvre dans l'Union européenne.

L'emploi des jeunes est une question centrale à laquelle des réponses urgentes doivent être apportées. Beaucoup de jeunes, même très diplômés, ont aujourd'hui des difficultés à s'insérer dans le monde du travail. Il est donc indispensable de développer la formation et d'améliorer le niveau de qualification en créant une allocation autonomie formation pour tous les jeunes, éventuellement soumise à cotisations sociales, et en instaurant un service public universel emploi-formation. L'objectif est non seulement d'assurer une continuité entre la période de formation et l'entrée sur le marché du travail, mais aussi de sécuriser les parcours professionnels et les revenus. Il pourrait également être envisagé de développer le tutorat et l'accompagnement des jeunes au sein des entreprises, en s'appuyant sur les salariés proches de la retraite. Ce serait une manière de favoriser la solidarité intergénérationnelle. En tout état de cause, toutes ces mesures impliquent une rupture dans la politique de l'emploi et, plus globalement, dans la politique économique.

Des études de l'OFCE montrent en effet que la mobilisation pour le pouvoir d'achat, via la défiscalisation des heures supplémentaires, s'est faite au détriment de la création d'emplois. Il faut impérativement revenir sur cette décision. Concernant le papy-boom, il n'est pas question de nier la réalité du phénomène, mais de l'évaluer à sa juste valeur. Le fatalisme des projections démographiques, déjà dénoncé en son temps par le rapport Teulade, accrédite la thèse que les retraites ne seraient plus finançables. Seule une politique économique axée sur l'emploi, la formation et les salaires permettra de garantir le système de retraite par répartition. L'harmonisation progressive des règles des régimes est, en apparence, une idée séduisante, le but étant de réduire les inégalités entre corps sociaux et de rendre le système plus lisible aux yeux des assurés. Mais, sous couvert d'équité et de transparence, c'est une uniformisation à la baisse à laquelle on assiste. La sauvegarde de la retraite par répartition passe par un débat sur le financement qui n'occulte pas la question des recettes. On ne cesse de dire que l'augmentation des cotisations tue l'économie ; c'est un contresens ! Les cotisations permettent de financer les prestations sociales qui, elles, soutiennent la demande effective et alimentent l'économie réelle.

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