En tant que rapporteure de cette commission, je vous apporterai des compléments techniques à l'intervention de Michèle Reiser.
Les préconisations du rapport de septembre 2008 s'organisaient en deux séquences :
- A court terme trois séries de mesures devaient être prises.
La première était la pérennisation de la commission, qui a été officialisée en 2009.
La seconde préconisait d'inscrire, au niveau européen, des indicateurs de suivi de l'image des femmes dans les médias puisqu'il n'en existe pas à l'heure actuelle, alors même que l'un des thèmes de travail inscrits dans le cadre de la « plateforme de Pékin » est consacré au thème des « femmes et médias ».
Sous la présidence française de l'Union européenne, Mme Valérie Létard a pu introduire ces indicateurs à l'occasion de la réunion d'un conseil de l'égalité.
A l'heure actuelle, l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, basé à Vilnius, a fait de la question « femmes et médias » un thème prioritaire et devrait se pencher sur la mise en oeuvre de ces indicateurs.
Je vous rappelle, par ailleurs, que le Conseil de l'Europe a consacré ses travaux du 8 mars 2010 au thème des « femmes et médias », et que l'Union européenne a inscrit ce thème dans son plan d'action, ce qui prouve l'intérêt des institutions européennes pour cette thématique.
La troisième mesure demandait à ce que soit intégré, dans les programmes de l'éducation nationale, un module d'apprentissage des jeunes aux messages véhiculés par les médias, internet compris. Le principe de cet apprentissage devrait être introduit dans la convention interministérielle de l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
- A plus long terme, nous nous sommes engagés dans une démarche d'autorégulation qui est aujourd'hui, deux ans après la publication du rapport, achevée.
En ce qui concerne le contenu du rapport, nous avons fait le choix de ne pas aborder l'analyse des organigrammes, contrairement à ce qu'avait fait le rapport de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de 2007. En revanche, la première partie de votre rapport était consacrée à la question de l'image des femmes et a servi de base à nos travaux.
La méthodologie que nous avons adoptée a consisté, comme l'a indiqué Mme Michèle Reiser, d'une part en une série d'auditions, d'autre part en l'analyse de corpus par des sémiologues.
Il en est ressorti un décalage significatif entre les informations recueillies dans le cadre des auditions, d'où il ressortait une impression plutôt positive de la place des femmes, et les résultats du comptage. « Vertu des mots, démenti des chiffres », telle fut la formule choisie pour rendre compte de ce décalage. Cet écart est probablement l'élément le plus intéressant du rapport. Il a conforté la nécessité des indicateurs chiffrés.
Quatre de ces indicateurs ont servi de base à nos analyses :
- le taux de présence ;
- le taux d'expression (Les femmes ont-elles la parole et pendant combien de temps ?)
- le taux d'identification (Précise-t-on le nom des femmes et leurs fonctions ?) ;
- le taux d'identification physique (Par exemple, l'écart entre les femmes réelles et leur image idéale dans la presse féminine notamment ?).
Les résultats sont édifiants : selon ces indicateurs, les femmes sont sous-représentées à la télévision, puisqu'on compte un tiers de femmes pour deux tiers d'hommes.
Les résultats issus de l'analyse du taux d'expression sont encore plus éloquents : 80 % du temps de parole des femmes est dédié au témoignage, alors que 80 % de celui des hommes est relié au « savoir ». La parole de la femme reste donc cantonnée aux problématiques du foyer, pendant que la parole d'humour, de l'expertise, de l'action, la parole surplombante reste masculine.
Ce constat confirme les résultats de l'enquête du « Global Media Monitoring Project » (GMMP) de 2010, dont il résulte que, dans les médias, seul un expert sur cinq est une femme. Outre que les stéréotypes constatés par cette enquête perdurent, nos analyses démontrent, ce qui est à mon sens plus grave, qu'ils n'évoluent pas. Or, les médias mettent en scène un système de représentations qui est aussi un système de valeurs, et les stéréotypes véhiculés constituent des verrous identificatoires, pour les jeunes notamment. En ce sens, il y a bien une responsabilité des médias.