Intervention de Roger Auque

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Roger Auque journaliste correspondant de tf1 et de lci au liban

Roger Auque, journaliste, correspondant de TF1 et de LCI au Liban :

a tout d'abord procédé à un rappel des faits historiques ayant marqué la région depuis 30 ans, soulignant que les facteurs de crise actuels au Proche-Orient étaient en place depuis cette période. Il a ainsi rappelé que le Liban comptait 10 000 km2 et 4 millions d'habitants répartis en quelque 17 confessions religieuses différentes, et qu'en application du confessionnalisme et du principe de représentation des différentes communautés, le Parlement comptait un nombre égal de parlementaires chrétiens et musulmans, ce qui n'était pas sans soulever un problème de représentativité et impliquait injustices et clientélisme. Il a cependant insisté sur les implications positives de ce système politique pour reconstruire l'unité du pays après les nombreux conflits qu'il a connus. Il a souligné qu'il faisait aujourd'hui l'objet d'une contestation de la part du Hezbollah et du mouvement emmené par le général Michel Aoun. Le parti au pouvoir, soutenu par la communauté internationale, privilégiant, quant à lui, les réformes économiques plutôt que des réformes politiques. Des blocages interlibanais, mais aussi des blocages extérieurs au pays, venaient compliquer cette situation et rendaient difficiles les réformes.

a indiqué que, lors de son premier contact avec le Liban, en 1976, il avait déjà pu observer des facteurs de crise encore pertinents aujourd'hui : des affrontements à caractère confessionnel, une fracture liée à la pauvreté et aux conditions économiques, en plus de l'action déstabilisatrice des Palestiniens.

Il a rappelé qu'à partir de 1982, le conflit avait pris une autre dimension avec l'intervention syrienne, puis l'invasion israélienne. A compter de cette date, le destin du Liban avait échappé aux Libanais et le conflit s'était mué en un affrontement entre la Syrie, soutenue par l'URSS, et Israël, soutenu par les Etats-Unis. Evoquant les attentats meurtriers dont avaient été victimes les parachutistes français, les marines américains ainsi que l'assassinat de l'ambassadeur de France à Beyrouth et les prises d'otages, il a rappelé que l'auteur en était le Hezbollah et que l'arrivée des pasdarans iraniens sur le sol libanais avait bénéficié de la complaisance syrienne. Il a souligné qu'en 1983, l'influence de l'Iran dans le pays était déjà considérable et que c'est au demeurant avec ce pays qu'avait dû être négociée la libération des otages.

Il a considéré qu'entre 1982 et 1990, les Libanais avaient souffert d'un affrontement opposant l'Iran et la Syrie à l'Occident et à Israël. Il a indiqué que si les accords de Taëf avaient mis fin au conflit en 1989, les déterminants du conflit étaient restés en place, en dépit du départ des mouvements palestiniens. Il a estimé que les Libanais manifestaient une propension fâcheuse à solliciter l'intervention de puissances étrangères dans leurs luttes politiques internes, sans parvenir à s'affronter pacifiquement sur le terrain politique. Il a indiqué que la cause de la guerre de l'été 2006 se trouvait dans le fait que le gouvernement libanais avait laissé le Hezbollah devenir la seule véritable force armée du pays et passer du statut d'organisation terroriste à celui de force politique ayant conquis ses galons de résistance patriotique et devenue incontournable sur l'échiquier politique. La popularité du Hezbollah, dont les dirigeants n'appartiennent pas aux grandes familles ayant occupé le pouvoir dans le pays, tenait à son image de résistance et à son image d'intégrité. Mais ce parti est aussi un mouvement terroriste, bras armé de l'Iran.

a fait état d'informations disponibles trois mois avant la guerre de l'été 2006, selon lesquelles le Hezbollah se préparait à ouvrir un front contre Israël à la demande de l'Iran. Tant l'enlèvement des soldats israéliens que l'ampleur de la riposte israélienne avaient été prévus et devancés. Il a considéré que l'explication de l'ouverture de ce front devait être recherchée dans la situation en Irak.

Evoquant l'intervention américaine en Irak, M. Roger Auque a rappelé qu'il y avait été favorable, considérant que les Etats-Unis étaient intervenus pour de bonnes raisons, comme le renversement d'une dictature, le changement politique au Moyen-Orient vers plus de démocratie et le contrôle des approvisionnements pétroliers. Cependant, les motivations qu'ils avaient invoquées n'étaient pas honnêtes et, par conséquent, il était compréhensible que la France s'y soit opposée. Il a souligné le sentiment de libération ressenti par les journalistes lors de la chute de Bagdad, rappelant que dans un premier temps, l'intervention américaine avait été positive en mettant fin à la dictature, en permettant notamment la floraison de journaux et de radios libres et en ouvrant un processus démocratique. Il a estimé que ce processus démocratique avait paradoxalement ouvert la porte à l'Iran en Irak, en permettant l'élection de chiites radicaux formés dans ce pays.

Cette action positive ne masque pas un certain nombre d'erreurs commises par les Américains, notamment une « débaassification » excessive, qui a fait table rase des cadres du régime, et le renvoi de l'armée. Les Etats-Unis ont fait preuve de naïveté en ignorant la mentalité tribale irakienne et en sous-estimant la guérilla irakienne qui est très vite passée d'une opposition nationaliste à une guerre de l'islam radical. Il a considéré que l'attentat d'août 2003 contre le siège de l'ONU à Bagdad avait marqué un tournant de la guerilla vers un terrorisme aveugle qui dépasse le strict cadre irakien. Les Etats-Unis ont réagi par un changement de méthode et se sont « bunkérisés », renvoyant les tâches de sécurité sur le terrain à une armée irakienne insuffisamment préparée. M. Roger Auque a considéré que cette guerre dépassait désormais complètement les Américains, qui ne maîtrisaient plus la situation, et qu'il existait un risque sérieux de partition de l'Irak, les chiites d'Iran et d'Irak étant en position de jouer un rôle central.

Evoquant le risque nucléaire iranien, M. Roger Auque a fait part de son sentiment selon lequel des frappes sur l'Iran seraient inéluctables et peut-être proches, avant le départ de M. Tony Blair, pour bénéficier de sa neutralité. Le renforcement de 20 000 hommes des forces américaines et la présence d'un second groupe aéronaval dans le Golfe renforçaient cette impression d'imminence. Ce type d'intervention déclencherait des représailles en Irak et au Liban dans un contexte de vive tension. A Beyrouth, les affrontements des 23 et 25 janvier ont très vite dégénéré en combats de rue. Il a souligné que les Libanais avaient de nouveau le sentiment que leur destin leur échappait et dépendait d'une confrontation entre les Etats-Unis et l'Iran. Dans cet affrontement, Israël s'efforçait d'obtenir une certaine neutralité de la Syrie en évoquant la reprise de pourparlers. Il a évoqué le rôle important de l'Arabie saoudite, qui, à la demande des Etats-Unis, est en contact avec l'Iran, pour éviter la guerre au Liban.

Il a considéré en conclusion que la France avait un rôle très important à jouer dans la région, où son image et son influence sont très importantes. Il a appelé les autorités françaises à jouer un rôle plus actif. Il a indiqué que la Syrie souhaitait se voir réintégrée dans la négociation et qu'une certaine incompréhension de la position, jugée émotionnelle, de la France, s'exprimait.

A l'issue de cet exposé, un débat s'est instauré au sein de la commission.

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