a indiqué que l'Agence française de développement (AFD) était un établissement hybride, que l'on peut qualifier de prestataire de services sur les sujets nord-sud dans la globalisation. Elle déploie une gamme d'activités très diverses. Cet établissement financier, dont le bilan s'élève à 17 milliards d'euros, a produit un flux financier de 3 milliards d'euros pour l'année 2006. Le groupe emploie 1 600 salariés, 2 500, si l'on ajoute les filiales d'outre-mer, qui représentent environ un cinquième de l'activité.
Il a rappelé qu'en 2004 le gouvernement avait décidé de poursuivre le transfert à l'Agence des activités du ministère des affaires étrangères dans le domaine du développement économique et social. En 2005, le gouvernement a souhaité ajouter aux activités de l'Agence la question des biens publics mondiaux et lui a donné mandat dans les pays émergents sur les thèmes du réchauffement climatique, de la biodiversité et des grandes endémies. L'Agence a donc connu un profond changement à la fois dans son mandat et dans son volume d'activités, qui représentait 1,5 milliard d'euros en 2001 et 3 milliards d'euros en 2006. En dépit de l'élargissement géographique de son mandat, l'AFD reste une institution très africaine, le volume de son activité en Afrique sub-saharienne étant passé de 350 millions d'euros en 2001 à 1,2 milliard d'euros en 2006.
a ensuite évoqué les grandes lignes du projet d'orientation stratégique pour les années 2007-2013, adopté récemment par le conseil d'administration à la suite des décisions prises en décembre 2006 par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Il a relevé quatre points.
Les mandats de l'Agence ont tout d'abord été définis selon les trois axes que sont la contribution à la croissance économique dans les pays les plus pauvres, la réduction des inégalités dans l'accès aux services sociaux de base, les biens publics mondiaux (la lutte contre le réchauffement climatique, les atteintes à la biodiversité et les grandes endémies). Ces mandats ont été assortis d'indicateurs de performance.
Le champ géographique d'intervention de l'AFD a ensuite été étendu, l'Agence ayant reçu un mandat complet sur l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne, ainsi que sur l'ensemble des Etats de la Méditerranée, à l'exception de la Libye. L'Agence a également reçu mandat pour intervenir dans certains pays émergents (Inde, Pakistan, Indonésie, Brésil) dans le secteur des biens publics mondiaux. L'indicateur de performance, associé à ce dernier mandat, est la réduction des émissions de carbone.
L'identification des institutions partenaires et des instruments constitue le troisième axe. Le plan stratégique identifie un principe « d'universalité instrumentale », qui consiste à affronter les problèmes des pays destinataires et à rechercher le ou les instruments d'intervention les plus adéquats. L'application de ce principe a des conséquences concrètes sur l'identité des acteurs du développement que l'AFD retient comme partenaire. Les collectivités territoriales constituent ainsi un acteur émergent dans le monde du développement, dans un contexte de décentralisation quasi universel qui les dote de compétences dans les domaines de l'eau, du transport, de l'éducation primaire ou encore de la santé de base. Ce mouvement a conduit l'Agence à porter un regard neuf sur les collectivités territoriales françaises et la coopération décentralisée. Les organisations non gouvernementales constituent un partenaire important, tandis que les entreprises peuvent être les vecteurs de biens publics par le bon usage de la concessionnalité.
Enfin, le dernier axe développé par le plan d'orientation stratégique est relatif à la production intellectuelle de l'Agence. La France avait un retard dans ce domaine et reste en décalage par rapport à l'ampleur de l'action qu'elle mène sur le terrain. L'Agence finance et accompagne la recherche sur le développement avec l'objectif de peser dans les débats internationaux.
a indiqué que l'AFD devrait enregistrer une nouvelle croissance de ses activités en 2007 et une augmentation de près d'un tiers de ses interventions dans les Etats étrangers. L'effort budgétaire induit par ses activités se répartira à 55 % en Afrique sub-saharienne, 20 % en Méditerranée, 15 % dans les autres pays de la zone de solidarité prioritaire et 5 % dans les pays émergents.
Abordant ensuite les termes du débat international sur le développement, M. Jean-Michel Severino a souligné que la planète comptait actuellement six milliards d'habitants, qu'elle devrait en compter environ 10 milliards à l'apogée de la transition démographique dans une vingtaine d'années, dont 2,5 milliards dans les pays émergents, un milliard dans les pays de l'OCDE et de 6 à 7 milliards dans les pays pauvres, qui concentreront l'essentiel de la croissance démographique. L'Afrique compte actuellement 600 millions d'habitants et devrait en compter un milliard dans 20 ans. La transition démographique pourrait s'y produire vers 2030, à un niveau compris entre 1,2 et 1,5 milliard d'habitants. Dans les années 1960, l'Afrique comptait moins de 100 millions d'habitants, ce qui donne une image saisissante de l'enjeu humain et n'a pas de précédent comparable dans l'histoire de la croissance démographique. La croissance démographique du continent africain se double d'une sensibilité extrême au réchauffement climatique, supérieure même à celle du sous-continent indien. L'épuisement des sols, la déforestation, la disparition des ressources en eau engendrent une dynamique problématique et perverse qui a non seulement un impact sur les grands équilibres climatiques, mais aussi sur les équilibres internationaux. La densification démographique entraîne des mouvements de population qui s'effectuent principalement à l'intérieur du continent.
Prenant l'exemple du Niger, M. Jean-Michel Severino a indiqué que les 15 millions d'habitants de ce pays se concentraient sur l'étroite bande des rives du fleuve, zone qui souffre d'une détérioration écologique. La croissance démographique de ce pays est de 3 % par an et devrait doubler la population du pays dans les années à venir, alors que le Niger n'est qu'un des pays du réservoir démographique africain. Une fraction de cette population devrait chercher à gagner le nord de la Méditerranée, tandis que la majeure partie s'arrêtera sur la rive sud. Les pays du Maghreb deviennent des pays récepteurs de flux migratoires, alors qu'ils ont entamé leur transition démographique et connaissent un succès économique relatif.
a souligné que ces mouvements massifs de population, qui accroissent les risques de conflictualité sur tout le continent, conduisaient à s'interroger sur les perspectives de croissance dans les pays d'origine, ainsi que sur les politiques à mener pour fixer les populations sur leur terre. Il a indiqué que l'Afrique sub-saharienne avait une croissance moyenne de 5 % par an, ce qui était supérieur à la croissance démographique mais insuffisant pour permettre un rattrapage économique. Les mécanismes de cette croissance sont stables : le niveau élevé des matières premières, l'assainissement des politiques économiques, ainsi que le désendettement massif opéré par la communauté internationale et dont l'impact macro-économique peut être évalué entre 1 et 1,5 point de croissance. Elle a cependant des aspects négatifs comme la destruction du capital naturel, le mésusage des fruits de la croissance et l'augmentation des inégalités sans amélioration globale des conditions de vie. Parmi des situations très différentes qui vont des pays pétroliers aux pays en crise, la situation intermédiaire des pays sans ressources naturelles, mais qui connaissent une croissance, est un véritable enjeu pour l'action des bailleurs de fonds.
Evoquant les objectifs du Millénaire, M. Jean-Michel Severino a rappelé qu'il s'agissait d'objectifs de performance dans huit grands secteurs du développement économique et social. Il a estimé qu'à l'égard de ces objectifs, le continent africain était en situation d'échec, aucun Etat sur la pente actuelle ne pouvant y parvenir à l'échéance fixée. Les situations sont contrastées. Un Etat comme le Niger ne pourra atteindre ses objectifs en 2015, ni même en 2050. Tandis que le Burkina Faso n'atteindra pas les objectifs en 2015, mais ne doit pas être considéré en situation d'échec, son rythme d'amélioration de la scolarisation primaire étant supérieur à celui de la France à la fin du XIXe siècle. La fixation des objectifs du Millénaire pour le développement s'est faite sans prendre en compte la situation de départ des Etats. Ce constat suscite un dilemme sur les objectifs de l'aide entre l'instauration d'un transfert redistributif à l'échelle mondiale, indépendamment de toute performance économique, ou la recherche d'investissements permettant aux Etats d'acquérir une autonomie. Il s'agit là d'une question fondamentale : si l'aide publique au développement est considérée comme un investissement, la logique serait de se retirer d'un Etat comme le Niger, alors que si elle constitue une redistribution, il faut au contraire y accroître massivement l'aide. Si l'objectif est d'instaurer une social-démocratie à l'échelle planétaire, l'effort financier additionnel nécessaire représente entre 200 et 350 milliards d'euros.
a souligné que la question migratoire se trouvait au coeur de ce débat. Il s'agit de fixer les populations par l'amélioration de leurs conditions de vie. Il a indiqué qu'une attention particulière était portée aux flux financiers des migrants qui ont atteint un niveau très important, de l'ordre de 250 milliards de dollars. Pour ce qui concerne la France, ils sont principalement destinés au Maghreb, au Mali et au Sénégal. M. Jean-Michel Severino a considéré que la gestion de ces flux était complexe en l'absence de clarté sur les finalités de l'action publique. S'agit-il d'orienter davantage les flux vers le développement, alors qu'ils sont actuellement destinés à la consommation plus qu'à l'investissement ? Il faut alors considérer que les régions d'origine sont défavorisées et offrent un faible potentiel d'investissement. Le soutien à la consommation représente alors une utilisation logique du revenu. Dans certaines zones, ces transferts sont devenus une rente qui pousse les Etats à exporter leurs concitoyens. Les marges de manoeuvre sont réduites. S'agit-il d'améliorer le retour des personnes en favorisant leur propre projet de développement ? Les perspectives sont modestes et la balance coûts-bénéfices est faible pour les personnes concernées. La difficulté du sujet conduit l'AFD à l'aborder dans un esprit d'expérimentation. L'AFD accompagne concrètement des projets d'investissement et elle contribue à simplifier et à faire baisser le coût des transferts financiers. Ces travaux devraient se poursuivre en 2007 et en 2008, selon le même mode de l'expérimentation.
a ensuite évoqué la réforme du système des Nations unies. Il a rappelé que l'ancien secrétaire général avait eu pour ambition de réformer le système opérationnel des Nations unies à plusieurs reprises, ses différentes tentatives s'étant soldées par un échec. Afin de favoriser une appropriation politique des changements nécessaires, il a constitué un panel de personnalités politiques et d'experts reflétant les différents groupes de pression en présence, avec l'objectif de prénégocier un paquet de réformes qui commencent à être mises en oeuvre. Les dépenses des Nations unies s'élèvent à 30 milliards de dollars par an, dont une part considérable est destinée aux actions d'urgence. 13 à 30 millions de personnes sont aussi nourries par l'ONU chaque année. Les différentes actions menées se caractérisent par l'émiettement, l'absence de coordination et la confusion, le secrétaire général n'ayant d'autre autorité que morale, ce qui se traduit par des redondances et des coûts administratifs excessifs.
Dans certains pays pauvres, on peut dénombrer jusqu'à vingt agences des Nations unies présentes. Les raisons de cette dispersion tiennent à la fois aux modalités de financement des agences et à l'absence d'autorité du secrétaire général. Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a cessé d'être un fonds central pour devenir une agence de mise en oeuvre. Au même moment, les contributions obligatoires sont devenues minoritaires dans le budget des agences (environ 20 %), ce qui a pour conséquence une compétition féroce pour les financements sur les sujets qui intéressent les gouvernements et un délaissement de pans entiers des besoins du développement.
Les propositions formulées par le panel se concentrent sur une rationalisation des actions sur le terrain. Une rationalisation plus générale nécessiterait de revoir totalement l'architecture des traités fondateurs. Le panel a suggéré de donner autorité au représentant local des Nations unies sur les agences et de recentrer le PNUD sur une fonction de financeur central du système, via un fonds central comparable à l'Association internationale pour le développement (AID) pour la Banque mondiale. Les propositions du panel portent également sur la gouvernance. Aucun mécanisme de dialogue ne réunit actuellement les 34 organisations opératrices. Le panel a proposé la création d'une émanation du conseil économique et social, composée de pays membres et chargée de superviser le processus d'élaboration des programmes, de gérer le fonds central et d'évaluer les performances du système. Une instance composée de chefs d'Etat traiterait par ailleurs de la cohérence du système des Nations unies. D'autres suggestions d'amélioration portent sur la gestion et touchent aux systèmes d'information et à la gestion des ressources humaines, domaine où l'absence de logique moderne de gestion se traduit par un chaos pathétique et par la désespérance des personnels.
Puis un débat s'est instauré avec les commissaires.