Précisant qu'il interviendrait à la fois pour livrer quelques éléments de théorie générale sur le sujet et comme président de l'organisation non gouvernementale (ONG) PlaNet Finance, M. Jacques Attali a estimé que l'exclusion s'aggravait et que la mobilité sociale s'affaiblissait. Attribuant cette évolution à des facteurs nombreux et complexes, au premier rang desquels il a placé la faiblesse de l'enseignement primaire, il a insisté sur l'importance d'investir dans les crèches et les écoles maternelles. Evoquant les conséquences dramatiques des ruptures familiales dans les milieux défavorisés, il a jugé que seule la pauvreté, et non la richesse en tant que telle, était condamnable. Rappelant l'impact des différences de culture religieuse en ce domaine, il a regretté une conception française tendant traditionnellement à suspecter la réussite individuelle et à considérer tout échec comme définitif. Relevant que la mentalité américaine était toute autre à cet égard, il a appelé à la création de passerelles tout au long de la vie et au développement du tutorat et du partenariat. Puis il a rapporté qu'il avait, dans un ouvrage intitulé « Fraternité », distingué deux types de sociétés quant à la conception du bonheur, l'une axée sur sa recherche individuelle, l'autre sur sa quête à travers celui des autres. Notant que l'altruisme émergeait aujourd'hui comme forme intéressée de comportement, il a appelé à considérer les dépenses sociales, non comme des charges, mais comme des primes d'assurance collectives propres à créer les conditions d'un enrichissement de la société dans son ensemble.
Jugeant très favorablement le projet de revenu de solidarité sociale (RSA), il a insisté sur l'importance de la création d'entreprise comme moyen de lutte contre l'exclusion et la pauvreté. Observant que la problématique du microcrédit se posait dans des conditions très dissemblables dans les pays en développement par rapport aux pays industrialisés, en raison des différences tant en matière de protection sociale que d'accès aux banques ou de création d'entreprises, il a chiffré à 300.000 le nombre de jeunes entrepreneurs potentiels qui, s'ils ne sont pas accompagnés dans cette voie, risquent de se trouver dans une situation d'exclusion engendrant passivité et violence.
Il a ensuite fait part de l'expérience menée dans le cadre de PlaNet Finance, où de petites équipes de quartiers financées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les entreprises et les collectivités locales contactent directement les populations victimes de l'exclusion pour discuter avec elles des entreprises qu'elles pourraient créer, mettre au point des études de marché et proposer des moyens de financement adaptés. Jugeant que les discriminations dans l'accès au crédit constituaient un obstacle d'importance, il a néanmoins mis en avant le succès de ces initiatives, qu'il a en partie attribué au fait que chaque chef d'équipe était lui-même un modèle de réussite individuelle.
Prônant également la constitution de fonds d'investissement récoltant des capitaux permettant de prendre des participations dans les entreprises ainsi créées, il a regretté l'absence de financements publics en la matière, la faible prise de conscience des autorités sur ce point et le manque de coordination avec le système de formation permanente.