Intervention de François Barry Delongchamps

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 28 février 2006 : 1ère réunion
Audition de M. François Barry delongchamps directeur des français à l'étranger et des étrangers en france au ministère des affaires étrangères de M. Alain Le seac'h sous-directeur de la circulation des étrangers et de Mme Isabelle Edet chargée de mission pour l'asile

François Barry Delongchamps, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères :

Remerciant la commission d'enquête de lui donner l'occasion de s'exprimer sur un sujet qui est au centre des préoccupations de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France (DFAE), M. François Barry Delongchamps a indiqué que son intervention, qui s'inscrirait dans la suite des propos tenus par le ministre des affaires étrangères lors de son audition par la commission d'enquête, s'organiserait autour de quatre points principaux illustrant l'action de la DFAE dans la lutte contre l'immigration irrégulière : le rôle des consulats, le dialogue avec les pays source d'immigration, la participation à la définition de l'immigration choisie, la mise en oeuvre de la politique de l'asile.

Soulignant que le réseau diplomatique et consulaire était, par définition, aux avant-postes de la politique migratoire, M. François Barry Delongchamps a fait valoir que la DFAE, qui assure l'animation et la gestion du réseau consulaire, était impliquée au premier chef dans la définition et la mise en oeuvre des nouvelles orientations de la politique de l'immigration.

Il a, à ce titre, évoqué en premier lieu les mesures importantes prises en vue de la généralisation progressive de la biométrie. Alors que cinq consulats étaient équipés en 2005, 29 autres devraient l'être en 2006, la généralisation devant être réalisée en 2008 si le ministère dispose des moyens nécessaires.

a évalué à 145 millions d'euros entre 2006 et 2008 le coût global de cette opération, observant que ces dépenses pourraient être couvertes par l'encaissement des frais de dossier de demandes de visas : il a indiqué à cet égard que la France en demanderait, lors du prochain Conseil Justice et Affaires Intérieures, le relèvement de 35 à 60 €, relèvement dont elle souhaitait qu'il puisse être effectif à partir du 1er octobre prochain.

Abordant ensuite la question de la fraude documentaire, M. François Barry Delongchamps a rappelé que les filières de l'immigration clandestine utilisaient les procédures « régulières », souvent avec la complicité des autorités locales, et insisté sur l'importance des trafics de « vrais-faux » documents : le contrôle des actes de l'état civil constitue en conséquence un aspect essentiel de la lutte contre l'immigration illégale.

Notant la rapide croissance des « mariages mixtes » célébrés à l'étranger -13.000 en 1994, 44.000 en 2004- qui sont devenus la première source d'immigration légale, il a estimé que la fraude au mariage, et donc à l'acquisition de la nationalité française, était un élément déterminant du phénomène de pression migratoire auquel était confronté le réseau diplomatique et consulaire.

a indiqué que le ministère des affaires étrangères était partie prenante à la modernisation de certaines règles qui résultera du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages qui sera prochainement examiné par le Parlement, mais aussi de l'avant-projet de loi sur l'immigration et l'intégration, qui prévoit notamment, pour les conjoints de Français, l'allongement des délais d'obtention de la nationalité française par déclaration.

Faisant état du « naufrage » de l'état civil dans certains pays, M. François Barry Delongchamps s'est demandé si ces mesures seraient à la hauteur des enjeux et a émis l'idée que le recours à des tests ADN pourrait, par exemple, faciliter les mesures de regroupement familial, citant à cet égard le cas de familles de réfugiés statutaires qui restent en attente de visas faute de pouvoir établir avec certitude le « périmètre familial ».

Abordant ensuite le thème du dialogue avec les pays source d'immigration, M. François Barry Delongchamps a rappelé que la DFAE assurait, en liaison avec le ministère de l'intérieur, la négociation des accords de réadmission et le suivi de leur application.

Indiquant que la France avait signé 37 accords bilatéraux de réadmission et était liée par cinq accords communautaires, M. François Barry Delongchamps a mis en relief l'utilité de ces instruments pour encadrer les procédures d'éloignement et notamment la délivrance des laissez-passer consulaires.

Il a en revanche douté de l'intérêt de généraliser de tels accords, d'une part parce que les pays source, qui ne sont généralement pas demandeurs d'accords auxquels leurs opinions publiques sont hostiles, sont en conséquence enclins à exiger des contreparties en matière de liberté de circulation qui peuvent aller à l'encontre de l'effet recherché et, d'autre part, parce que des arrangements ad hoc ou la coopération policière peuvent permettre de parvenir au même résultat sans exiger une négociation compliquée.

Le choix doit donc résulter d'un examen au cas par cas, la DFAE et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur ayant fait celui de s'orienter vers une systématisation des accords de réadmission avec les pays d'Europe centrale et orientale et les pays de la zone Caraïbe.

a par ailleurs jugé plutôt encourageant le bilan de la politique conduite par le gouvernement pour améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, qui est passé de 35 % en 2004 à 46 % en 2005, relevant que seuls deux des douze pays ayant fait l'objet de démarches diplomatiques spécifiques depuis le mois de septembre 2005 posaient encore des problèmes. Il a noté à cet égard que l'éventualité de sanctions à l'égard des pays insuffisamment coopératifs relevait d'une décision politique, la DFAE pouvant pour sa part proposer une liste de sanctions possibles et graduées.

a ensuite exposé la participation de la DFAE à la définition d'une immigration choisie, notamment par une meilleure sélection des étudiants étrangers.

Relevant que la France, qui accueille plus de 50.000 nouveaux étudiants étrangers chaque année, est aujourd'hui un des pays les plus ouverts après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, il a souligné qu'il importait de mieux accueillir les meilleurs étudiants, les plus motivés, mais aussi de mieux contrôler, dès le pays d'origine, la réalité et le sérieux de leurs projets d'études. C'est le rôle des nouveaux « centres pour les études en France » (CEF). L'articulation entre les CEF, chargés de l'examen pédagogique des dossiers, et les consulats donne des résultats très satisfaisants et permet aux postes de se concentrer sur l'approche régalienne de la délivrance des visas.

a insisté à cet égard sur la transmission de tous les dossiers aux postes consulaires, qui leur permet de conserver toutes leurs capacités d'action et toutes leurs compétences.

Il a souligné que des conclusions positives pouvaient être tirées de la campagne « étudiants » 2005-2006 dans les cinq pays (Chine, Vietnam, Tunisie, Maroc et Sénégal) où elle a été mise en place, relevant notamment son impact auprès des autorités locales et la baisse de la demande - sauf en Chine - qui met en évidence le rôle de filtre des CEF.

Il a noté que si des difficultés demeuraient - le poids des interventions locales, les divergences d'opinion entre les universités, soucieuses de développer leurs effectifs, et les CEF, l'accès des consulats à la totalité des informations et des dossiers - elles ne remettaient toutefois pas en cause le bien-fondé de cette réforme, à laquelle la DFAE a pris une grande part, et qu'intègre l'avant-projet de loi sur l'immigration et l'intégration en prévoyant la délivrance de plein droit d'un premier titre de séjour pour certains étudiants.

a enfin exposé le rôle de la DFAE dans la mise en oeuvre d'une politique de l'asile conforme à nos engagements internationaux et permettant de mieux contrôler les détournements de procédure.

Il a rappelé qu'en France la politique de l'asile relevait du ministère des affaires étrangères et non, comme c'est souvent le cas ailleurs, du ministère de l'intérieur : il a indiqué que c'était la DFAE qui était en charge de l'asile et que le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l'Etat », dont il assurait la responsabilité, prévoyait les moyens budgétaires de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Soulignant que la politique de l'asile ne relevait pas du contrôle des migrations, il a cependant observé que les procédures de l'asile ne devaient pas être détournées pour devenir une voie de migration économique.

a insisté sur la chute, confirmée sur deux années, de la demande d'asile en France : après le pic atteint en 2003 avec 93.540 demandes, dont 31.547 au titre de l'asile territorial, 65.614 dossiers ont été enregistrés en 2004 et 59.038 en 2005.

Il a toutefois relevé que cette tendance reflétait deux réalités différentes :

- une baisse plus importante du nombre des premières demandes, qui passent sous la barre des 50.000 dossiers ;

- une augmentation de 34 % des demandes de réexamen, progression cependant beaucoup moins importante que celle constatée en 2004.

a souligné que seules avaient augmenté en 2005 les demandes d'asile en provenance d'Haïti (+ 61 %) et de Serbie-Monténégro (+ 8 %).

Il a également insisté sur la réduction du délai total de traitement des demandes d'asile, qui dépassait 18 mois en 2003 et 2004 et est actuellement inférieur à huit mois - deux mois et demi à l'OFPRA, quatre à cinq mois à la commission des recours des réfugiés (CRR) - l'objectif demeurant de traiter toutes les demandes en six mois.

a mis en relief les deux facteurs expliquant la chute des demandes d'asile :

- la moindre « attractivité » de notre pays après l'entrée en vigueur en 2004 de la réforme de la loi sur l'asile, en raison de la plus grande efficacité des procédures et de leur accélération, notamment depuis l'été dernier avec l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs ;

- la stabilisation politique des Balkans, de la zone des Grands Lacs, de l'Algérie, le caractère conjoncturel de ce second facteur devant inciter à la prudence.

Il a en conséquence estimé qu'il semblait légitime de poursuivre la réflexion sur les moyens d'améliorer encore ce dispositif, tels l'élargissement de la liste des pays d'origine sûrs ou la réduction d'un mois à 15 jours du délai de saisine de la CRR, décidée par le comité interministériel de contrôle de l'immigration du 29 novembre 2005.

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