Intervention de Philippe Etienne

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 1er mars 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Etienne directeur général de la coopération internationale et du développement au ministère des affaires étrangères accompagné de M. Jean-Christophe deBerre directeur des politiques de développement de M. Jean-Claude Kohler chef du bureau afrique-océan indien et de Mme Sarah Lahmani chargée de mission à la direction des politiques de développement

Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement :

a souligné que la France jouait un rôle moteur en matière d'aide publique au développement et rappelé qu'elle était le premier contributeur des pays du G8 au regard de la part de cette aide dans le revenu national brut. Il a ajouté qu'à l'initiative du président de la République, une conférence sur les financements innovants du développement venait d'être organisée à Paris les 28 février et 1er mars 2006.

Il a indiqué que la politique de coopération française s'efforçait depuis de nombreuses années de réduire la pression migratoire en favorisant le développement des pays d'origine des migrants. Observant que l'attention de l'opinion publique française avait récemment été attirée sur les liens entre immigration et aide au développement par les drames de Ceuta et Melilla, il a précisé que, depuis ces événements, la direction générale de la coopération internationale et du développement avait relancé les travaux de son réseau d'experts sur ce thème.

a rappelé que la France s'était engagée depuis une dizaine d'années dans une politique de co-développement, qui suscite aujourd'hui l'intérêt des autres Etats occidentaux. Il a exposé que cette politique avait conduit :

- en premier lieu, à la mise en place de fonds de solidarité prioritaire, d'abord au Mali puis aux Comores, au Sénégal et dans d'autres Etats de l'Afrique subsaharienne, au Maroc, au Vanuatu, en Haïti et en Ethiopie, afin de financer des projets de développement local et des projets de réinsertion professionnelle de migrants en s'appuyant, dans le cas du Mali, sur des diasporas actives et structurées ;

- en second lieu, à l'élaboration d'un projet de mobilisation des diasporas scientifiques, techniques et économiques de sept pays émergents -l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, le Laos, le Vietnam et le Liban- consistant à appuyer les initiatives des universitaires, chercheurs, ingénieurs, cadres d'entreprises issus de ces pays et établis en France et, ainsi, à favoriser « le retour de l'intelligence » dans les pays d'origine des migrants.

Il a précisé que le projet de mobilisation des diasporas scientifiques, techniques et économiques s'était traduit par le développement des coopérations universitaires, avec des résultats mitigés mais quelques succès significatifs comme celui des écoles inter-Etats de Ouagadougou, et la création de doubles chaires, permettant à un Français ou à un étranger d'occuper des fonctions, notamment de recherche ou d'enseignement, à la fois en France et dans son pays d'origine.

a estimé que la politique de coopération, dans son volet lié à la politique d'immigration, devait concentrer son action dans trois domaines : les transferts de fonds des migrants, le retour des compétences et le développement local.

Relevant que les transferts de fonds opérés chaque année par des migrants étaient estimés par la Banque mondiale à 200 milliards de dollars, soit un montant près de trois fois supérieur à celui de l'aide publique au développement, il a souligné la nécessité d'inciter les détenteurs de ces capitaux à les utiliser pour financer des projets contribuant au développement de leur pays d'origine. A titre d'exemple, il a évoqué le programme « 3 pour 1 » lancé par le Mexique en 2002, consistant dans un abondement à due concurrence, par le gouvernement fédéral et les autorités locales de cet Etat, des sommes investies dans leur pays par les Mexicains émigrés aux Etats Unis. Il a également mentionné une expérience impliquant les organismes de crédit, en cours entre l'Espagne et l'Equateur. Enfin, il a jugé nécessaire, pour encourager ces investissements, de réduire le coût des transferts financiers et de faciliter l'accès à l'intermédiation bancaire.

Au titre des actions destinées à favoriser le retour dans leur pays d'origine des compétences acquises par les migrants, M. Philippe Etienne a mentionné l'initiative prise par des personnalités de la diaspora africaine dans le cadre de l'Institut de la Banque mondiale, baptisée « Nelson Mandela », de créer sur le continent africain des instituts de sciences et de technologies. Il a ajouté que la France entendait participer à cette initiative en soutenant les écoles régionales inter-Etats. Il a également souligné la nécessité d'adapter les formations et d'aider les étudiants sortant de ces écoles à créer des entreprises dans leur pays, les doubles chaires lui semblant de nature à améliorer l'encadrement universitaire. Enfin, il a évoqué l'expérimentation de formations supérieures à distance, notamment dans le domaine de la santé, permettant d'éviter le « pillage des cerveaux ». Il a expliqué que ces différents projets étaient soutenus par la direction générale de la coopération internationale et du développement dans le cadre soit des relations bilatérales avec les pays d'origine des migrants, soit de l'Agence universitaire de la francophonie.

Au titre de l'aide au développement local, M. Philippe Etienne a souligné les actions entreprises par la France dans des régions comme celles de Kayes au Mali, d'Anjouan aux Comores ou des Nippes dans le sud-ouest d'Haïti, qui constituent des points de départ vers la France d'un grand nombre de migrants. Convenant que ces actions n'avaient pas encore permis d'enrayer les flux migratoires, il a marqué sa volonté de les développer dans la limite des moyens budgétaires alloués à la direction générale de la coopération internationale et du développement. Enfin, il a indiqué qu'avec l'Agence française de développement, il entendait promouvoir des projets de plus en plus ciblés dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle.

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