Merci de nous recevoir pour évoquer cette problématique essentielle de la délinquance dans l'agglomération parisienne.
La fonction de la préfecture de police n'est pas de commenter la loi mais de l'appliquer - d'autres institutions de la République devraient peut-être s'en inspirer.... Or, la consommation de drogues est interdite en France. Aussi, si nous ne sommes bien sûr pas ignorants de la réalité de la consommation, nous luttons essentiellement pour éviter les trafics.
Des parallèles sont effectués entre les drogues et d'autres substances comme l'alcool et le tabac. Il reste que, quelque néfastes que puissent être parfois les effets de ces substances, elles sont légales.
Mon expérience dans la police m'a amené à la conviction que la drogue est un « cancer » pour la région parisienne ; j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lorsque j'étais directeur général de la police nationale. Lors de mon arrivée à Paris, en 1987, j'ai veillé à ce que l'ensemble des services de la préfecture de police s'attaque, dans le cadre d'une organisation coordonnée et d'un plan d'ensemble, à cet objectif primordial de la lutte contre la délinquance. En octobre 2007, nous avons mis en place un plan de lutte contre la drogue.
Nous avons conservé la même démarche lorsque l'agglomération de police a été créée, le 9 septembre 2009. Nous disposons, dans les quatre départements, de plans de lutte contre la drogue, qui montrent l'ampleur du phénomène. Ainsi, l'an dernier, nous avons traité 2 890 affaires, qui se sont traduites par 5 619 interpellations. L'action répressive a abouti à la saisie de 392 kilos de cocaïne, 3,276 tonnes de résine de cannabis, 1 001 kilos de crack et d'importantes quantités de Subutex pour un montant total de 7 millions d'euros, tandis que 400 000 euros ont été bloqués sur des comptes bancaires. Depuis le début de cette année, le rythme est resté le même, avec 1 279 affaires et 2 281 interpellations. Nous poursuivons résolument nos opérations, avec de plus en plus de succès.
Cette partie répressive de notre métier s'accompagne d'un volet de prévention que nous ne négligeons en aucune façon. Le phénomène est trop préoccupant sur le plan sanitaire comme en termes d'organisation de l'économie souterraine. Il nous faut donc sensibiliser nos concitoyens, notamment les jeunes, à cette problématique.
À Paris, notre action de prévention est conduite dans le cadre du contrat de prévention et de sécurité que nous avons signé avec le maire de Paris, qui est parfaitement conscient des difficultés. Mes trois collègues de la petite couronne travaillent également dans le cadre de tels contrats.
Nous disposons, intra muros, de vingt-six policiers formateurs antidrogue. Chaque année, nos interventions touchent 14 000 écoliers et collégiens et 11 000 lycéens.
Depuis deux ans, nous complétons ce travail par des colloques ou séminaires car, même si cela ne fait guère partie de la culture de la préfecture de police, il faut faire davantage pour sensibiliser la population aux dangers encourus. Un premier séminaire s'est tenu à la Sorbonne, avec l'ensemble des intervenants potentiels et des témoignages non pas de policiers mais de psychologues, de sociologues et de pédopsychiatres. Réédité à deux reprises, le document final porte sur les effets du cannabis sur la santé et l'intégration sociale des jeunes. Notre seconde séance a pris la forme d'une soirée sur la cocaïne à la Conciergerie.
L'action qui est conduite à Paris dans une perspective sanitaire est de taille et nous nous y associons pleinement car elle vise également à réduire les risques.
Les centres de soins spécialisés aux toxicomanes et les centres de cure ambulatoire en alcoologie ont été regroupés au sein de dix-neuf centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, dont douze sont généralistes, cinq dédiés spécifiquement aux drogues et deux à l'alcool.
On compte également neuf centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, dont l'existence est un élément très important du débat sur les salles de consommation contrôlées à moindres risques. Pour une articulation intelligente des politiques, nous avons demandé aux policiers de faire preuve de beaucoup de discernement et nous n'appliquons guère notre politique répressive aux alentours de ces centres. Ainsi, nous avons accepté, en accord avec la Ville de Paris et en concertation avec les mairies d'arrondissement, de retirer les caméras là où l'on pouvait nous suspecter d'utiliser des images de toxicomanes venant se faire soigner. Travailler avec discernement est pour nous essentiel et cette démarche va bien au-delà de la déontologie.