Après avoir rappelé les circonstances de la création du groupe de travail et détaillé les auditions et déplacements auxquels il a procédé, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a rappelé que plus de 444 000 sinistres dus à la sécheresse avaient été recensés entre 1989 et 2007, occasionnant des dégâts dont le coût est estimé à 4,1 milliards d'euros. Ces sinistres sont liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux - ou subsidence - qui affecte l'intégrité des bâtiments. La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle par son intensité et par ses caractéristiques. Cet épisode climatique a en effet causé, à lui seul, environ 138 000 sinistres, pour un coût évalué à 1 018 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cette sécheresse a également été atypique, car non précédée d'un fort déficit hydrique lors de l'hiver 2002-2003.
En raison de ces caractéristiques, les critères scientifiques traditionnellement employés pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle se sont révélés peu opérants pour traiter le phénomène constaté en 2003. Ces critères ont donc été progressivement assouplis, aboutissant à classer 4 441 communes en état de catastrophe naturelle. Ces ajustements ont néanmoins partiellement reposé sur des considérations budgétaires, dans la mesure où ils ont été calibrés afin d'éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT entraîne l'appel en garantie de l'Etat.
Selon le rapporteur, l'inadaptation des critères s'est doublée des imperfections du zonage météorologique utilisé à l'appui des décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le zonage « Aurore » présente en effet un maillage très lâche, de sorte que des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, pour la seule raison qu'elles étaient rattachées administrativement à des zones différentes.
De l'ensemble de ces éléments, le groupe de travail a conclu que, faute de données exhaustives et incontestables de nature à établir un lien de causalité entre le phénomène de subsidence et les sinistres intervenus, les critères de reconnaissance de la sécheresse sont demeurés d'une scientificité sujette à caution. Par ailleurs, les adaptations successives des critères ont pu donner le sentiment aux communes et aux familles sinistrées d'une relative « improvisation », voire d'un certain arbitraire des pouvoirs publics face au phénomène, sentiment que sont venus conforter l'intelligibilité très limitée des règles de calcul retenues et le fonctionnement peu transparent de la commission interministérielle chargée de rendre les avis à l'appui des arrêtés de catastrophe naturelle.
a rappelé que 4 441 communes ont bénéficié d'un classement en état de catastrophe naturelle, sur 8 022 l'ayant sollicité. Sur l'invitation pressante du Parlement, le Gouvernement a mis en place une procédure exceptionnelle d'indemnisation, dotée de 218,5 millions d'euros, devant bénéficier aux communes non reconnues ; 2 370 communes réparties sur 71 départements ont reçu des indemnisations complémentaires au titre de cette procédure.
Sans que la mobilisation de la plupart des services déconcentrés de l'Etat soit à mettre en cause, le rapporteur a relevé que la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle a révélé plusieurs défauts. En premier lieu, les délais dans lesquels les sinistrés ont dû adresser leur dossier aux préfectures étaient très courts, compte tenu du fait qu'il leur était demandé de produire deux devis de travaux. De surcroît, les victimes ont pu se sentir livrées à elles-mêmes pour l'établissement des dossiers, ne pouvant que rarement compter sur les assureurs et ne disposant pas toujours des moyens et compétences techniques nécessaires pour échafauder des dossiers convaincants pour les services de l'Etat. Par ailleurs, l'afflux de demandes de devis adressées aux professionnels a pu créer des situations d'engorgement dans certains départements. Enfin, les préfectures ont statué sur la base de devis, et non d'expertises approfondies incluant des sondages de sol. Ce choix a résulté de la volonté de ne pas retarder les indemnisations, mais, en matière de dégâts affectant les fondations, de simples constatations visuelles ne suffisent pas toujours à prendre la mesure des dégâts effectivement survenus.
a indiqué que les auditions et déplacements du groupe de travail lui ont permis de constater la persistance de situations difficiles. A ce jour, plusieurs familles vivent encore dans des pavillons potentiellement condamnés, invendables, et sans disposer des moyens de les réparer. Par ailleurs, le maintien de collectifs d'élus ou de sinistrés très actifs, les saisines fréquentes dont font l'objet les parlementaires, ou encore les recours intentés par les victimes ou les communes concourent à démontrer que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée.
Faute de disposer d'un recensement des familles insuffisamment indemnisées ou ayant vu leurs requêtes rejetées, le groupe de travail n'est en mesure de quantifier ni les publics objectivement lésés par la gestion de la sécheresse de 2003, ni les aides complémentaires qu'il conviendrait de leur allouer. Il souhaite néanmoins que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse et demandera au Gouvernement de mettre en oeuvre une vague complémentaire d'indemnisations. Afin de circonscrire les effets d'aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d'une expertise préalable.
est ensuite revenue sur les leçons tirées de la sécheresse de 2003 par les pouvoirs publics. Plusieurs dispositifs existent actuellement, ayant pour objet d'améliorer l'information disponible sur le risque de subsidence. Le groupe de travail s'interroge toutefois sur la portée réelle de ces outils et sur les effets concrets que leur diffusion peut avoir sur les comportements des particuliers et sur les actions mises en oeuvre par les élus locaux. Dans ces conditions, il préconise :
- de mettre en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, une procédure d'alerte spécifique des élus des communes exposées au risque argileux, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire ;
- d'élargir l'application du dispositif d'information acquéreur-locataire, qui permet d'informer les acquéreurs et les locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques majeurs auxquels ils s'exposent ;
- de mettre en cohérence l'information délivrée aux particuliers. Il lui a en effet été fourni des exemples de brochures publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), recommandant la plantation d'écrans végétaux à proximité des façades à des fins d'économies d'énergie, et ce sans avertissement spécifique à destination des foyers exposés à l'aléa argileux. Pour anecdotique qu'il puisse paraître, ce cas démontre qu'un opérateur du ministère en charge du développement durable peut diffuser une information environnementale de portée générale, mais contradictoire avec celle que les services du même ministère font circuler sur le risque de subsidence.
S'agissant de l'adaptation des normes de construction, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a rappelé qu'aucune règle spécifique n'existe, à l'heure actuelle, concernant l'aléa retrait-gonflement des argiles. En outre, les dispositions applicables au montage des contrats de construction de maisons individuelles ne favorisent pas la mise en oeuvre de mesures de prévention, et notamment la réalisation d'une étude de sol. Sur ces points, le groupe de travail recommande la réalisation d'études de sol dans les zones à risque ou la prescription d'une profondeur minimale de fondations. Dans la mesure où il serait opportun de limiter l'application de ces contraintes supplémentaires aux seules zones où l'aléa argileux est avéré, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). En outre, l'affinement de cette cartographie est parfois réalisé par des bureaux d'études mandatés par certaines collectivités territoriales, mais aucune politique nationale et systématisée n'est aujourd'hui mise en oeuvre pour améliorer le degré de connaissance des sols où l'aléa est jugé fort ou moyen. Afin de disposer d'une information pertinente à l'échelle de la parcelle, il conviendrait donc d'aider les collectivités territoriales particulièrement exposées à se doter de cartographies complémentaires à celle du BRGM, et de rendre éligibles de telles opérations au Fonds de prévention des risques naturels majeurs.
a enfin abordé les perspectives de réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommages-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention et de construction. L'ensemble de ces adaptations ne doivent toutefois pas conduire à fragiliser la situation des assurés, et devraient s'accompagner d'une information préventive renforcée. Par ailleurs, le groupe de travail recommande que les travaux de recherche pluridisciplinaires en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse trouvent rapidement une traduction opérationnelle et que les nouveaux critères fassent l'objet d'une large publicité et d'une présentation accessible et compréhensible pour les citoyens.
S'agissant du régime CAT-NAT dans son ensemble, le groupe de travail juge opportun de renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. A cet égard, les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction permettrait également une meilleure anticipation des assureurs s'agissant de la charge de sinistralité à indemniser. Elle pourrait aussi conduire au développement d'une offre complémentaire de couverture pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables dans le cadre du régime CAT-NAT. La suppression de l'arrêté interministériel n'est en revanche pas souhaitable, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics étant susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs. En outre, la prise d'arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale dont la portée « symbolique » ne doit pas être négligée lors de la survenance de catastrophes majeures. Il pourrait enfin être opportun de renforcer la proximité du circuit de décision présidant à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, en décentralisant cette décision à l'échelon local pertinent.
En matière de prévention, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a précisé que le groupe de travail invite à une accélération du rythme de prescription et d'approbation des plans de prévention des risques naturels. La modulation de la surprime CAT-NAT en fonction de l'exposition aux risques est en revanche à exclure, s'agissant des particuliers, en tant qu'elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Sa mise en oeuvre est toutefois possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque. L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») ayant conduit à un accroissement considérable de ses dépenses et à une dégradation de sa situation financière, l'augmentation de ses ressources, déjà opérée à l'initiative de la commission, doit aujourd'hui s'accompagner d'une rationalisation et d'une mise en cohérence de ses missions.
est ensuite revenue sur les enjeux liés à l'équilibre financier du régime CAT-NAT. En dépit de l'incertitude sur l'augmentation éventuelle de la fréquence ou de l'intensité des aléas naturels, la charge de la sinistralité semble appelée à augmenter. A ce titre, la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux doit être analysée dans les meilleurs délais. Dans l'hypothèse où sa solidité financière ne serait pas garantie à moyen terme, le groupe de travail estime nécessaire de relever le plafond des provisions qu'elle peut constituer en franchise d'impôt. Un tel arbitrage pèserait sur les recettes d'impôt prélevé sur les sociétés à court terme, mais diminuerait la probabilité d'appel en garantie de l'Etat face à une catastrophe majeure, dont le coût serait potentiellement très élevé.
Le rapporteur a conclu en rappelant que la prévention et le traitement des catastrophes naturelles font l'objet d'une approche interministérielle. Dans ces conditions, le groupe de travail souhaite qu'un débat d'initiative sénatoriale soit organisé, en présence des ministres chargés du développement durable, de l'intérieur et de l'économie, afin d'envisager les solutions permettant de solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003 et d'analyser les évolutions normatives de nature à améliorer la prévention du risque de subsidence et le fonctionnement du régime CAT-NAT.