Intervention de Valérie Pécresse

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 septembre 2011 : 1ère réunion
Deuxième loi de finances rectificative pour 2011 — Audition de Mme Valérie Pécresse ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'état

Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :

Veuillez excuser François Baroin, retenu à l'Assemblée nationale. Ce collectif fait suite au plan de sauvetage de la Grèce annoncé le 21 juillet et au plan anti-déficit présenté par le Premier ministre le 24 août dernier. Le Gouvernement est conscient des contraintes que ces délais d'examen très courts font peser sur votre commission et sur le Sénat, en cette période de renouvellement. Nous avons associé votre Président et votre Rapporteur général aux discussions préalables, afin que votre commission puisse d'ores et déjà se faire entendre.

Cette réactivité traduit l'implication très forte de notre pays dans le traitement de la crise grecque, ainsi que sa détermination à respecter ses engagements de réduction de déficits, quelles que soient les circonstances.

Premier volet de ce texte : la transposition des nouvelles modalités de soutien à la Grèce. D'une série de crises de la dette restées à l'échelle domestique, la situation évoluait vers un problème systémique qui menaçait la stabilité de toute la zone euro. Les taux de refinancement des pays périphériques atteignaient des niveaux historiques. Il fallait contenir la menace pour éviter une grave perte de confiance dans notre monnaie. D'où ce plan inédit de stabilisation de la zone euro, dont les fondamentaux économiques sont par ailleurs solides, visant à rétablir le calme sur les marchés en renforçant le FESF.

Lors du sommet du 11 mars 2011, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro avaient déjà porté la capacité effective de prêt du FESF à 440 milliards d'euros, et l'avaient autorisé, à titre exceptionnel, à souscrire des titres des Etats bénéficiaires sur le marché primaire, mesures traduites en France par le collectif du 7 juin. Face à l'aggravation de la crise de la dette souveraine, ils ont décidé le 21 juillet 2011, sous l'impulsion du Président de la République et de la Chancelière allemande, de nouvelles mesures, poursuivant plusieurs objectifs : traiter le cas spécifique de la Grèce, en améliorant la soutenabilité de sa dette ; aligner les conditions des prêts à l'Irlande et au Portugal sur les nouvelles conditions de prêt à la Grèce ; conforter les stratégies de redressement des finances publiques dans la zone euro ; renforcer la gouvernance économique européenne ; enfin, doter la zone euro d'une véritable force de frappe, en renforçant les capacités d'action du FESF.

Une disposition législative était nécessaire pour étendre la garantie française aux nouvelles prérogatives du FESF. Désormais, celui-ci pourra intervenir de manière préventive, aider un Etat à recapitaliser son secteur bancaire et surtout intervenir sur le marché secondaire. Le Parlement recevra désormais une information semestrielle, avec un récapitulatif précis des opérations du Fonds. Les prêts accordés par le Fonds aux Etats en difficulté constituent une opération financière neutre. La dette de la France sera augmentée au fur et à mesure des emprunts contractés par le FESF, à due proportion de sa participation au Fonds, mais elle est essentiellement comptable et ne se traduit pas par une charge d'intérêt supplémentaire pour l'Etat.

Les chefs d'Etat et de Gouvernement ont souhaité que les décisions prises le 21 juillet soient mises en oeuvre au plus vite. Les inquiétudes des investisseurs plaident aussi en ce sens. Les Etats de la zone euro se sont engagés à soumettre des textes à leur parlement aussi rapidement que possible. Plusieurs dispositions devront être précisées, notamment sur l'implication du secteur privé, la participation du FMI, ou les collatéraux demandés par la Finlande.

L'Allemagne présente actuellement son projet de loi de transposition des décisions du sommet et, ce matin même, la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a déclaré conforme le plan d'aide à la Grèce. L'engagement de la France et de l'Allemagne sera un signal fort pour nos partenaires et pour les investisseurs. La France est le premier pays à entamer le processus de ratification des accords du 21 juillet, preuve de notre détermination à rétablir la confiance des marchés.

Ce collectif témoigne également, dans son second volet, de la détermination du Gouvernement à respecter ses engagements de réduction des déficits. Nous tirons immédiatement les conséquences de l'évolution des perspectives de croissance. C'est la condition de notre crédibilité. Le Premier ministre a donc annoncé un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros en 2011 et 11 milliards en 2012, que ce collectif traduit en partie.

Premier principe, ce plan garantit le respect de notre trajectoire de réduction du déficit : 5,7 % en 2011, 4,5 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014. Nous avons pris en compte l'effet de la révision de nos hypothèses économiques sur l'ensemble des administrations publiques. Elle pèse au premier chef sur l'Etat, dont les recettes et les dépenses sont plus sensibles aux évolutions de la conjoncture. Le produit de l'impôt sur les sociétés est ainsi révisé à la baisse de 3 milliards d'euros. L'inflation étant supérieure aux prévisions, la charge de la dette liée aux obligations indexées sera accrue de 1,4 milliard. Dans le même temps, nous estimons que les recettes des administrations de sécurité sociale seront supérieures de 2 à 2,5 milliards à ce que nous attendions. La création de 126 000 emplois au cours du seul premier semestre 2011 se traduira par une augmentation du produit des cotisations sociales. Nous prévoyons également une amélioration de la situation des operateurs publics et, dans une moindre mesure, des collectivités locales, pour un minimum de 1,5 milliard d'euros.

Afin de sécuriser notre objectif de réduction du déficit, le Premier ministre annonce un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros dès 2011, qui améliorera le solde budgétaire de l'Etat en redressant ses recettes. Les dépenses respecteront strictement la norme du « zéro valeur », grâce à l'annulation de 460 millions d'euros pour compenser la dépense liée aux frégates de Taiwan. Nous limitons ainsi la dégradation du solde à 3,4 milliards d'euros. C'est une dégradation temporaire : grâce à l'effort demandé aux Français, l'objectif de réduction du déficit public sera tenu.

Deuxième principe : ne pas casser une croissance convalescente, donc ne pas remettre en cause les niches qui favorisent la compétitivité et l'emploi, et faire porter l'effort sur l'épargne plutôt que sur la consommation ou l'investissement. Il faut d'abord compenser l'impact du ralentissement de la croissance sur les recettes publiques. Bien entendu, nous poursuivrons notre effort de maîtrise des dépenses publiques en 2011 et nous l'accélérerons en 2012. Je compte sur votre soutien en la matière ! Grâce au respect des normes de dépense, au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, au respect de l'Ondam, nous sommes parvenus, en quatre ans à peine, à freiner la progression continue des dépenses publiques depuis trente ans. Cela représente 16 milliards d'économisés chaque année ! Pour 2012, le Premier ministre a annoncé 1 milliard d'euros de dépenses en moins, dont nous aurons à déterminer ensemble la répartition. C'est la condition sine qua non de la réduction des déficits.

Troisième principe : l'équité. Ceux qui ont plus contribueront davantage : 45 % de l'effort annoncé reposera sur les grandes entreprises et 37 % sur les hauts revenus et le patrimoine. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont conforté cette juste répartition des efforts.

Juste répartition entre les entreprises, tout d'abord. Ainsi de la limitation de la possibilité offerte aux entreprises bénéficiaires de reporter leurs déficits, première étape de la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne. Cette mesure, qui revient à créer une imposition minimale pour les grandes entreprises, réduira l'écart d'imposition entre grands groupes et PME, et générera une recette supplémentaire d'un demi-milliard dès 2011 et de 1,5 milliard en 2012. Elle accélérera le redressement des recettes de l'impôt sur les sociétés et le rendra moins volatil. C'est aussi par souci d'équité que nous avons proposé la suppression du bénéfice mondial consolidé, qui aboutissait à une sous-taxation des grands groupes.

L'équité fiscale est également au coeur de la répartition des efforts demandés aux ménages, avec l'augmentation de 1,2 % du taux des prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine. C'est un nouveau pas vers le rapprochement de l'imposition des revenus du capital et des revenus du travail. Nous en attendons 190 millions dès 2011, 1,3 milliard en année pleine. Les 5 % des ménages les plus aisés acquitteront à eux seuls plus de la moitié de la recette supplémentaire.

Taxer le patrimoine, c'est aussi poser la question des plus-values immobilières. Aujourd'hui, à partir de la cinquième année, les détenteurs d'un bien immobilier bénéficient chaque année d'un abattement de 10 % supplémentaires sur leurs plus-values en cas de cession. Ce dispositif extrêmement favorable conduit de nombreux propriétaires à attendre avant de vendre, ce qui entretient la pénurie de logements et donc la hausse des prix.

Le Gouvernement en avait donc initialement proposé la suppression. Nous avons travaillé avec les parlementaires, et notamment avec Gilles Carrez, avec pour but de ne pas déstabiliser le marché et de ne pas pénaliser les Français dont la résidence secondaire correspond à un projet de vie. Ce travail a conduit l'Assemblée nationale à décaler l'entrée en vigueur du dispositif au 1er février 2012. Nous compenserons le manque à gagner, estimé à 180 millions, par la mise en oeuvre anticipée du doublement de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values sur les titres de participation détenus depuis plus de deux ans par les entreprises. Nous avons également repoussé la date de l'exonération totale des plus-values à trente ans, avec un abattement progressif à compter de la cinquième année de détention. La courbe -pas d'abattement pendant cinq ans, puis 2 % par an pendant douze ans, 4 % pendant sept ans, 8 % pendant six ans- a été établie en tenant compte des taux d'inflation observés sur les vingt-cinq dernières années.

Ainsi amendée, la mesure rapportera 1,975 milliard d'euros, au lieu des 2,2 milliards escomptés. La différence sera compensée par la suppression de l'abattement forfaitaire de 1 000 euros pour les plus-values immobilières, pour un montant de 40 millions, par l'instauration de droits d'enregistrement sur les cessions de parts de SCI réalisées a l'étranger sur des biens immobiliers en France, pour 100 millions, et par la suppression du bénéfice mondial consolidé.

Nous poursuivons également notre politique de réduction des niches fiscales et sociales qui ont perdu leur justification. L'exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d'assurance pour les contrats dits « solidaires et responsables », qui visait à en favoriser l'émergence, a-t-elle encore lieu d'être, une fois l'objectif atteint, puisque ces contrats constituent la large majorité des contrats signés ? Nous vous proposons de la supprimer, et, pour éviter un report sur d'autres types de contrats, d'appliquer un taux majoré de 9 % à ceux qui ne répondent pas à ces critères. Cette mesure, qui générera 100 millions d'euros en 2011 et 1,1 milliard en année pleine, ne concernera en aucun cas les Français les plus fragiles. Les 4 300 000 bénéficiaires de la CMU ont une complémentaire gratuite, et je rappelle que nous avons mis en place une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et augmenté de 70 % le nombre de ses bénéficiaires entre 2005 et 2010.

Enfin, ce collectif prévoyait le rétablissement du taux normal de TVA sur les entrées des parcs à thème. L'application du taux réduit de TVA, en 1986, devait alors encourager l'émergence d'un secteur encore embryonnaire. Depuis lors, le succès des parcs à thème ne se dément pas et ils ont su dégager d'autres recettes fort dynamiques : la restauration, qui bénéficie toujours d'une TVA à 5,5 %, l'hôtellerie ou les produits dérivés. Dès lors, il y avait lieu de s'interroger sur le maintien d'un régime dérogatoire qui, au surplus, crée une distorsion de concurrence avec les parcs aquatiques ou les activités en plein air.

Le Gouvernement a entendu les réserves des uns et des autres sur cette proposition. Nous avons travaillé avec les parlementaires, avec pour exigence que toute modification soit intégralement compensée. La commission des finances de l'Assemblée nationale a ainsi proposé une taxe de 14 % sur le prix des nuitées dans les hôtels de 4 étoiles et plus, pour un rendement de 700 millions. Cela nous a paru être une ponction excessive sur un secteur soumis à une forte concurrence internationale, et qui a beaucoup investi. Sur proposition du Gouvernement, cette taxe a été limitée à 2 % des nuitées dont le prix est supérieur ou égal à 200 euros.

Ce collectif marque une nouvelle étape sur le chemin vers le désendettement. La France est réaliste et crédible, plus qu'elle ne l'a jamais été en année préélectorale ! Grâce à ce texte, la France sera au rendez-vous de ses engagements. A l'issue des discussions que nous avons eues avec le président et le rapporteur général, toutes les conditions me paraissent réunies pour qu'il puisse être adopté en l'état par la Haute assemblée.

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