Plusieurs intervenants ont regretté notre prudence sur la régulation et l'idée de stocks régulateurs.
Tout d'abord, il y a une confusion entre stock stratégique et stock régulateur. Le premier est admis et peut être revendiqué. Même s'il y a des problèmes à régler. Où constituer des stocks stratégiques ? J'entends bien les réticences de Gérard César sur les risques de pillage. Certains évoquent même le risque de corruption. Autant d'arguments qui ne plaident pas, d'ailleurs, en faveur d'une politique de stockage. Je crois tout simplement que ce n'est pas à nous de nous prononcer sur leur localisation. Il semble logique que ce soit la FAO qui le fasse.
En revanche, c'est le concept de régulation par les stocks qui fait débat. Nous l'expliquons dans l'exposé des motifs. Certains croient que tous le demandent. Ce n'est pas tout à fait exact. C'est un mot qui fait peur à nos partenaires. Il y a trop de mauvais souvenirs, trop d'appréhensions. Le mot même de régulation est débattu. Ceux qui ont participé à nos travaux en commun avec le Bundestag se souviennent sans doute que nous sommes restés une heure sur ce concept, rejeté par nos amis allemands, pour finalement s'accorder sur un « cadre de régulation ». Il nous semble que nous devons prendre acte de ces réticences, en cherchant à ne pas provoquer inutilement nos partenaires, en proposant de nouveaux concepts, plus fédérateurs. Il y a un combat idéologique derrière le combat des mots. C'est pourquoi nous avons pensé que le concept de stocks d'urgence pouvait passer.
L'achat par la Chine de 56 millions d'hectares est évidemment un signal qui ne peut que nous conforter dans l'idée qu'il faut protéger les terres agricoles. C'est d'ailleurs tout le mérite de votre commission de l'économie d'avoir créé les outils à cet effet dans la LMAP.
Je comprends bien aussi vos inquiétudes sur les dérives des marchés à terme. Nous n'approuvons pas cette évolution contrairement à ce que certains pensent. Notre proposition explique le phénomène : dès lors que les produits agricoles ont rejoint les panels de matières premières, les mêmes techniques financières s'y sont engouffrées. Il y avait des marchés à terme sur les matières premières, il y a et il y aura des marchés à terme sur les produits agricoles. Ces marchés sont devenus instables. C'est presque mécanique. Il peut y avoir un jugement moral, mais il y a, au départ, un lien économique qui se décrypte très bien.
Pour répondre à Bernadette Bourzai, le passage qu'elle cite sur la libéralisation n'était qu'une présentation de ce que la plupart des pays pensaient. La demande de libéralisation était générale, qu'elle vienne des pays d'Amérique du Sud ou de l'OMC. Nous avons d'ailleurs pris nos distances avec cette évolution, en évoquant « la foi, l'aveuglement dans la libéralisation en Europe ».
De même, plusieurs intervenants ont considéré que notre proposition était timide ou a minima. Cela a été rappelé par le président Jean-Paul Emorine, nous nous sommes mis dans une stratégie d'alliance, en cherchant le consensus. Bien sûr, nous nous adressons au Gouvernement mais si l'on veut que nos positions soient écoutées par nos partenaires, il nous faut montrer une capacité d'écoute et d'ouverture. Même si cela ne va pas aussi loin que nous le souhaiterions. Mais il va de soi que tous vos amendements sont bienvenus. C'est le cas de Marcel Deneux qui veut renforcer les contraintes sur les banques, de Daniel Raoul qui veut rappeler l'importance du défi alimentaire, et de Gérard Bailly qui veut rappeler le lien entre volatilité des prix et changement climatique. C'est l'objet même d'un examen en deux temps, par nos deux commissions ainsi que le prévoit notre règlement.
A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté la proposition de résolution sans modification.