Je vous remercie de bien vouloir m'auditionner, comme le prévoit la loi du 3 juin 2010 qui confère une compétence particulière à votre commission. Permettez-moi d'abord de me présenter brièvement.
Ma carrière a été consacrée à trois grands sujets. Les collectivités territoriales d'abord : à la Ville de Paris, à la direction générale des collectivités locales puis en tant que directeur de cabinet de M. Philippe Richert. L'administration territoriale, ensuite : j'ai également occupé des fonctions de sous-préfet, de sous-directeur de l'administration territoriale, de conseiller au cabinet de ministres de l'Intérieur et de préfet du Gers et des Landes. Les transports et l'aménagement du territoire enfin : j'ai été membre du cabinet de la secrétaire d'État chargée des transports, Mme Anne-Marie Idrac, puis conseiller à la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) et directeur de cabinet du ministre chargé de l'aménagement du territoire, M. Michel Mercier.
Je ne saurais aborder le dossier lancé par le Président de la République sans souligner le travail accompli depuis un an par la Société du Grand Paris. Ce dossier a connu plusieurs phases. La première, sous l'impulsion de M. Christian Blanc, a consisté à élaborer le projet en lançant très à l'avance une consultation internationale d'architectes et une évaluation environnementale d'ampleur inégalée, puis la loi votée au printemps 2010 : M. le président Jean-Paul Emorine et M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale, ont joué un grand rôle dans sa discussion.
La deuxième phase, très dense, vient de s'achever avec la publication au Journal officiel du 26 août du décret portant schéma d'ensemble. Cette phase d'intenses discussions, sous la direction de M. Michel Mercier puis de M. Maurice Leroy, actuel ministre de la Ville, s'est concrétisée par la création de la Société du Grand Paris (SGP) à l'été 2010 ; celle-ci a d'abord été chargée de mener un débat public d'une ampleur inédite à l'échelle de la région. La SGP a mobilisé toutes ses forces pour être au rendez-vous et le débat a permis de rapprocher les deux projets du Grand Paris et d'Arc Express : un protocole d'accord a été conclu le 26 janvier entre l'État et la région, qui porte sur le tracé de la rocade, le nombre de gares, le financement, la coordination entre le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) et la SGP, la mise en oeuvre du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) et la gouvernance de la SGP.
Il a fallu tirer les leçons du débat pour l'élaboration de l'acte motivé. Pour chaque gare nouvelle envisagée, nous avons cherché à évaluer précisément son impact sur la qualité de l'offre de transports, l'urbanisme, l'environnement et le service rendu à la population ; le nombre de gares est ainsi passé de 39 à 57. Le débat public a conduit à reconfigurer la ligne verte -Orly-Versailles-Nanterre- qui dessert le plateau de Saclay. Le dialogue permanent mené par la SGP et la qualité des études sur lesquelles elle fondait ses propositions ont été reconnus par tous ses interlocuteurs, et ce climat de confiance a abouti le 26 mai 2011 au vote unanime de l'acte motivé par le conseil de surveillance, sous la présidence d'André Santini.
Les conclusions du débat public ont été présentées à votre commission le 15 juin dernier.
Pendant ce temps, les équipes de la SGP préparaient les phases suivantes en mettant en place des marchés d'ingénierie et en lançant les premières études indispensables à la constitution du dossier d'enquête publique. Nous devrions ainsi tenir un calendrier exigeant et déposer le dossier à l'été 2012. Je rends hommage aux équipes de la SGP conduites par M. Marc Véron.
La publication du décret portant schéma d'ensemble a ouvert une troisième phase. La SGP doit maintenant, sans perdre de temps, mener à terme le projet dont elle assure la maîtrise d'ouvrage, afin de répondre aux attentes : trois lignes nouvelles d'une longueur totale de 166 km devront être construites, la majeure partie (144 km) avant 2025, pour une première mise en service en 2018. Il nous faut donc encore anticiper - je souhaite, à ce titre, m'inscrire dans la continuité.
La prochaine étape est l'achèvement d'ici l'été 2012 du dossier d'enquête publique, qui comprendra l'ensemble des études d'impact environnemental, urbanistique, et socio-économique, pour que le préfet de région puisse lancer les premières enquêtes publiques fin 2012, après avis de l'Autorité environnementale. En parallèle seront menées d'autres études d'ingénierie spécifique - programmation des gares et des ateliers, diagnostic de sûreté, sécurité des systèmes... - et les études d'avant-projet. Dès la fin de l'année 2012 et pendant l'année 2013, seront conduites les premières enquêtes publiques aboutissant à la déclaration d'utilité publique et aux autres autorisations réglementaires relatives à l'eau ou aux installations classées, ce qui permettra d'entamer les travaux fin 2013. II nous faut donc lancer les marchés, établir ou mettre en oeuvre les conventions de coopération avec les différentes parties prenantes, procéder aussitôt que possible aux acquisitions foncières indispensables - emprises des gares, sites de maintenance, émergences, viaducs - et acquérir le droit de passer sous les propriétés.
Afin de remplir sa mission de maître d'ouvrage, la SGP, bras armé de la puissance publique, peut s'appuyer sur le socle constitué par le protocole d'accord entre l'État et la région, le schéma d'ensemble et les délibérations de nombreuses communes. La réalisation du projet de Grand Paris doit se poursuivre dans un esprit de concertation : la réunion du comité stratégique, dans les six mois suivant la publication du schéma d'ensemble, constituera un moment crucial. La SGP doit continuer à assumer un rôle d'ensemblier pour le compte de l'État et des collectivités territoriales, auxquels elle rend compte au sein du conseil de surveillance, et de partenaire, d'abord pour les organisateurs et opérateurs de transports nationaux et régionaux : Réseau ferré de France (RFF), la SNCF, la RATP, le STIF. Pas moins de 34 gares seront connectées au réseau ferré national ou à celui de la RATP, et le Grand Paris s'inscrit dans le contexte d'un effort sans précédent, avec les liaisons à grande vitesse, les RER et Transiliens, les réseaux structurants complémentaires comme l'Arc Est, les projets de transports locaux du plan de mobilisation de la région. La coordination entre la SGP et le STIF devra être étroite, en particulier pour la prolongation de la ligne 14 dont la maîtrise d'ouvrage est partagée - la SGP étant en charge au-delà de Saint-Denis-Pleyel au nord et des Olympiades au sud -, mais aussi pour l'Arc Est et l'ensemble du projet.
La SGP est aussi le partenaire de très nombreuses collectivités territoriales et EPCI. Travaillant avec les communes, elle a lancé les études portant sur toutes les gares et anime les comités de pilotage ; il y aura 25 gares entièrement nouvelles. Elle s'associe aussi aux contrats de développement territorial pilotés par le préfet de région, en partenariat avec les collectivités territoriales. Elle peut aussi tenir le rôle d'aménageur si les collectivités le souhaitent. Enfin, la SGP est le partenaire des services de l'État et de ses établissements publics.
Pour monter en puissance, la SGP poursuivra son plan de recrutement en 2011 et les années suivantes, conformément aux décisions du Gouvernement. En application des lois de finances que vous avez votées, elle dispose de ressources qu'il est essentiel de préserver, car l'effort d'investissement est considérable : 17,5 milliards d'euros d'ici 2025 aux conditions économiques de 2008, auxquels s'ajoutent des contributions au prolongement de la ligne 14 et à l'Arc Est, soit un total de 19,8 milliards. La SGP bénéficie de recettes fiscales affectées - taxe locale sur les bureaux, taxe spéciale d'équipement, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) - et elle recevra une dotation en capital de 4 milliards d'euros à partir de 2014, en fonction des besoins. S'y ajouteront, dès la mise en service du réseau, les recettes commerciales et la redevance d'occupation de l'infrastructure. La SGP, en partenariat avec les communes et les autres opérateurs de transports, devra donc travailler à la valorisation foncière et immobilière des emprises du projet, notamment dans les gares qui devront être des lieux de vie quotidienne et de services.
Il nous faudra enfin innover pour que ce projet réponde à l'objectif de développement durable. Son impact environnemental a d'emblée fait l'objet d'une évaluation, je l'ai dit, mais le chantier et toutes les opérations devront aussi être exemplaires.