Intervention de Gérard Larcher

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 21 juin 2011 : 1ère réunion
Débat sur l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale sdci

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président du Sénat :

A titre liminaire, permettez-moi, monsieur le président, de souligner l'importance du travail de votre délégation qui me paraît, avec ce genre d'échanges, totalement s'inscrire dans notre rôle de contrôle et de suivi de l'application des lois. Le Sénat aura très vraisemblablement à se prononcer à l'automne sur le projet de loi sur le renforcement de la démocratie locale, dit « 61 », qui sera pour nous l'occasion, si besoin est, d'apporter des correctifs, des mesures d'adaptation à la récente loi de réforme des collectivités territoriales.

Depuis le début de cette année, j'ai participé, dans les territoires, à une bonne trentaine de réunions avec des associations d'élus, de toutes les sensibilités. Ces rencontres, riches en enseignements, me conduisent à me faire aujourd'hui l'écho d'interrogations et de préoccupations réelles que nous devons prendre en considération : quid, par exemple, de l'articulation d'un périmètre intercommunal élargi avec l'achèvement d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ? Vous sentez bien que, derrière cette question, se profilent des problèmes très concrets qui, s'ils sont mal appréhendés, peuvent remettre en cause des années de travail dans des territoires ruraux ou dans des territoires périurbains extrêmement sensibles aux enjeux de cohérence territoriale.

Je crois pouvoir affirmer que, comme nous l'avions déjà constaté dans le cadre de la mission présidée par Claude Belot, l'intercommunalité n'a pas donné lieu, lors de la discussion de la réforme de 2010, à des discordances majeures entre nous. Il me semble que chacun était favorable à ce que l'on achève un processus, engagé parfois depuis plusieurs décennies et en tout cas clairement écrit à partir de la loi de 1999, articulé autour de l'idée de communauté.

En définitive, aujourd'hui, les questions qui se posent proviennent de quelques territoires qui connaissaient jusqu'à présent un faible maillage intercommunal. Tel est notamment le cas en Île-de-France, par exemple dans les Yvelines où près de la moitié des communes n'appartenaient pas à une intercommunalité. Il va sans dire que, pour une commune qui ne s'est jamais lancée dans une telle union, la période de fiançailles peut sembler, pour peu qu'elle n'ait pas été précédée d'efforts de pédagogie, extrêmement raccourcie.

Ma conviction profonde, qui rejoint sur ce point celle de M. Edmond Hervé, est que les élus doivent s'approprier la question de l'achèvement de la carte intercommunale : ce dossier ne saurait être un dossier exclusivement préfectoral. Les CDCI, les parlementaires... ont donc un rôle essentiel à jouer.

Pour ma part, les nombreux déplacements que j'effectue me conduisent à un triple constat : une certaine « peur du grand », et plus précisément du trop grand ; des difficultés à convaincre les communes isolées riches de s'associer avec d'autres ; des interrogations sur la gouvernance.

Il me semble que les départements dans lesquels on se heurte à de graves difficultés sont assez peu nombreux, même si, bien sûr, tout n'est pas rose partout.

Je crois que l'un des points importants concerne le temps imparti aux responsables locaux, en particulier pour la rationalisation des syndicats de communes. M. Hervé a cité l'exemple des ordures ménagères et, en effet, c'en est un parmi d'autres : nous avons nombre de syndicats, dans divers domaines, dont la rationalisation peut demander du temps, même si, une fois que les choses sont engagées, elles peuvent aller assez vite : en trois ans, le nombre de syndicats dont ma propre ville est membre est passé de 14 à 7 et nous nous orientons vers une réduction à 3 ou 4. Cette expérience me conduit à penser que, peut-être, davantage de temps devrait être accordé à cette rationalisation.

Pour autant, je ne pense pas qu'il faille toucher au délai du 1er juin 2013 pour l'achèvement de la carte intercommunale elle-même. Au demeurant, mettre une date-butoir présente l'intérêt de conduire les éternels réfractaires à entamer le dialogue et à prendre des décisions. Par ailleurs, la circulaire aux préfets du 22 avril 2011 permet de conférer une certaine souplesse au calendrier.

C'est justement sur cette question de la souplesse que je voudrais insister maintenant.

D'abord, le dispositif que nous avons adopté en décembre n'est pas absolument figé. M. le ministre chargé des collectivités territoriales a indiqué au Sénat, le 7 juin dernier, qu'il était tout à fait ouvert à ce que, lors de l'examen du projet 61, soient apportés des compléments ou des précisions de nature à répondre à des interrogations et à des inquiétudes émises dans le cadre de la préparation des SDCI. Le travail de la délégation peut y contribuer grandement.

Ensuite, il faut savoir faire montre de souplesse dans l'interprétation des textes, car la France est hétérogène. Par exemple, quand on sait que, sur certains de nos territoires, la densité de population ne dépasse pas quelques habitants au kilomètre carré, il serait inconcevable de considérer le plancher de 5 000 habitants pour constituer un EPCI comme un impératif n'admettant aucune exception. C'est la raison pour laquelle nous devons nous livrer à une lecture attentive des textes pour prendre la mesure des adaptations qu'ils permettent. Vous l'avez d'ailleurs parfaitement fait, tout à l'heure, monsieur le président, lorsque vous avez donné lecture de la disposition sur le réexamen tous les six ans du SDCI : en soulignant que la loi prévoyait un réexamen « au moins tous les six ans », et permettait donc d'y procéder avant 2017, vous avez pointé du doigt un facteur de souplesse.

Enfin, n'oublions pas qu'une disposition de la loi de 2010, en l'occurrence son article 57, permet, même après 2011, la saisine de la CDCI à la demande de 20 % de ses membres ou du préfet. Cet élément offre, avec la circulaire du 22 avril, une chance supplémentaire de régler des problèmes même après la date du 31 décembre 2011.

Pour conclure, je dirai que, selon moi, les maires se rendent bien compte que l'intercommunalité n'entraîne pas une perte de substance de leurs fonctions. C'est vrai - je partage l'analyse de Mme Gourault - que nous devons faire attention à ce que la quête de grands EPCI ne se fasse pas au préjudice du nombre de compétences partagées (ce qui aurait pour conséquence d'en retourner l'exercice aux communes) ; c'est quand même ce que l'on observe à la lecture de certaines propositions.

Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire en soulignant, encore une fois, l'importance de votre démarche car il est extrêmement important que, même après le vote des lois, le Sénat accompagne les collectivités territoriales et leurs élus.

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