Intervention de Marcel Pochard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 février 2008 : 1ère réunion
Enseignement — Enseignants - Audition de M. Marcel Pochard président de la commission sur l'évolution du métier d'enseignant

Marcel Pochard, président de la commission sur l'évolution du métier d'enseignant :

Après avoir remercié les deux commissions de leur invitation, M. Marcel Pochard a tout d'abord rappelé que la commission qu'il était chargé de présider était composée de personnalités venues d'horizon divers, qui avaient toujours travaillé en bonne intelligence et manifesté le souci d'arriver à des positions partagées par tous. La démission de M. Michel Rocard, vice-président de la commission, ne doit dès lors pas être prise comme un signe de défiance à l'égard de celle-ci, mais comme une marque du refus de voir les conclusions de la commission durcies, voire déformées, par la restitution médiatique qui en est faite. En tout état de cause, le « Livre vert » qui vient d'être remis au ministre de l'éducation nationale ne formule pas de propositions précises et destinées à être mise en oeuvre telles quelles, mais doit servir de base à une concertation ultérieure avec l'ensemble des partenaires concernés. C'est pourquoi la commission s'est efforcée d'aborder tous les sujets essentiels, y compris ceux qui pouvaient sembler les plus délicats. Cela lui était d'autant plus aisé qu'elle n'explorait pas un terrain vierge, les réflexions de grande qualité sur le sujet étant particulièrement nombreuses.

Abordant la première des questions fondamentales qui s'étaient imposées à la commission, M. Marcel Pochard s'est interrogé sur la nature des responsabilités qui devaient être reconnues aux établissements. Pour l'heure, il n'y a pas de réel échelon intermédiaire entre l'administration centrale et les enseignants, alors même qu'à public comparable, les résultats varient d'un établissement à l'autre, montrant par là qu'il y a bien une influence des équipes éducatives sur la réussite des élèves. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte cette dimension, en renforçant les pouvoirs des chefs d'établissement et en associant plus étroitement les collectivités territoriales à la vie des écoles, collèges et les lycées. Cette plus grande responsabilisation devrait cependant avoir pour corollaire naturel le développement de l'évaluation.

a ensuite abordé la question des évolutions qu'avait connues le métier d'enseignant, en insistant en particulier sur la nécessité de mieux reconnaître le travail collectif. Pour l'heure, celui-ci n'est pas réellement pris en compte dans les obligations de service, qui font uniquement référence au temps passé devant les élèves. Par ailleurs, la rigidité de ces obligations nationales n'est pas toujours compatible avec la nécessité de prendre en compte les besoins propres des élèves et des établissements.

Pour les rendre plus souples, la commission a envisagé d'aligner le temps de travail des professeurs sur celui des salariés et des autres fonctionnaires. Mais cela supposerait de décompter l'ensemble des activités professionnelles des enseignants, y compris la préparation des cours et la correction de copies, ce qui n'a pas grand sens s'agissant de tâches que les enseignants n'accomplissent que peu dans l'enceinte des établissements.

Il paraît donc plus pertinent de conserver des obligations de service adaptées à la nature singulière des fonctions d'enseignant, tout en s'efforçant d'aller vers plus de souplesse. Cela pourrait prendre la forme d'une annualisation des obligations de service, qui permettrait de faire évoluer les emplois du temps de chaque élève, et non plus de répéter pendant trente-six semaines les mêmes séquences. Par ailleurs, cette annualisation offrirait la possibilité de tenir compte des périodes de l'année où certains élèves ne sont pas présents dans l'établissement, soit qu'ils sont en stage, soit qu'ils passent le baccalauréat ou le brevet.

Il resterait toutefois à intégrer dans ces nouveaux horaires le temps consacré au travail collectif, qui viendrait s'ajouter ou se déduire des obligations de service actuelles. Cela pourrait conduire à prendre comme point de référence le temps de présence dans l'établissement, et non plus seulement le temps passé devant les élèves. En tout état de cause, de nouvelles obligations devraient sans doute se traduire par une rémunération supplémentaire.

S'agissant de la formation et du recrutement des enseignants, M. Marcel Pochard a souligné la complexité du sujet, les professeurs étant pour l'heure mal préparés aux situations d'enseignement auxquelles ils sont confrontés. La prise en charge d'une classe doit faire l'objet d'une formation particulière, qui permette de diffuser les bonnes pratiques.

L'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans les universités offre toutefois l'occasion de revoir en profondeur l'entrée dans le métier des personnels enseignants. Un choix s'impose entre deux systèmes : l'un où l'État continue d'assumer les fonctions de formateur et d'employeur, l'autre où la formation est assurée par les universités via la délivrance d'un master professionnel et où le recrutement s'effectue de manière déconcentrée, voire régionalisée.

En tout état de cause, il importe de diversifier et d'ouvrir le corps enseignant, la composition sociologique de celui-ci se trouvant en décalage croissant avec celle de la population française. Pour ce faire, différentes formes de pré-recrutement pourraient être envisagées, sur le modèle de celui qui était effectué par les Instituts de préparation aux enseignements du second degré (IPES) ou par les écoles normales d'instituteurs.

Soulevant enfin la question de la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale, pour l'heure très peu développée, M. Marcel Pochard a mis en avant les difficultés rencontrées par les jeunes enseignants en début de carrière et a appelé à un sursaut collectif afin de ne plus affecter les professeurs débutants dans les établissements où les conditions d'exercice sont les plus difficiles.

Il a de plus souligné la nécessité de mettre en place une véritable formation continue, qui pour l'heure est utilisée comme un simple élément de motivation des enseignants. De ce point de vue, beaucoup reste encore à faire. C'est pourquoi la commission a souhaité développer largement cette question dans le rapport, afin de proposer un ensemble de solutions et d'outils techniques de gestion susceptibles de permettre des progrès significatifs dans la prise en compte des ressources humaines.

En concluant, M. Marcel Pochard a exprimé le souhait que le rapport de la commission ne soit évalué qu'à la seule aune de l'intérêt des élèves et s'est étonné des premières réactions qu'il a suscitées, tant celles-ci peuvent parfois apparaître en décalage par rapport à son ton et à son contenu.

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