Intervention de Alain Vasselle

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 juin 2006 : 1ère réunion
Mecss — Réforme du système de santé en allemagne - communication

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur :

a rappelé qu'une délégation de la Mecss, composée de MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, André Lardeux et Bernard Seillier, s'est rendue à Berlin du 16 au 19 mai dernier. Elle y a rencontré les représentants des principales administrations concernées, les partenaires sociaux et les députés spécialistes des questions de protection sociale et de santé, les représentants des caisses de retraite et de maladie, ceux des associations de médecins et ceux des hôpitaux. La délégation a également pu avoir un long entretien avec le conseiller pour les affaires sociales de Mme Angela Merckel. Si la mission a choisi de se rendre en Allemagne, c'est en raison des fortes similitudes que ce pays entretient avec la France dans le domaine de la protection sociale, et plus spécifiquement de la santé : d'abord, le poids des dépenses à caractère social y dépasse 30 % du produit intérieur brut (PIB) ; ensuite, le coeur de la protection sociale est formé par un système assurantiel qui remonte au chancelier Bismarck pour l'Allemagne et que les Français ont largement imité au vingtième siècle, encore que, dans les deux cas, la part prise ces dernières années par l'Etat dans le financement de la protection sociale a eu tendance à s'accroître au point qu'aujourd'hui la moitié environ du budget fédéral est consacrée à des versements au profit des assurances sociales, notamment des assurances retraite ; enfin, la sécurité sociale allemande dans son ensemble est aujourd'hui déficitaire à hauteur de 3,35 milliards d'euros en 2005, essentiellement du fait du régime vieillesse, qui a perdu près de 6 milliards d'euros l'an dernier.

Si les déficits se sont concentrés en 2005 sur la vieillesse, les branches maladie et chômage de la sécurité sociale allemande sont également dans une situation de grande fragilité : l'assurance maladie a connu des soldes négatifs entre 2001 et 2003 et de nouveaux déficits massifs - 8 à 10 milliards d'euros - sont annoncés à partir de 2007 ; quant à la branche chômage, l'absence de déficit n'est due qu'à l'intervention de l'Etat fédéral, qui doit assurer légalement l'équilibre de la partie assurantielle et qui finance intégralement la part relevant de l'aide sociale. Les déficits de la branche assurantielle, avant subvention fédérale, ont ainsi couramment atteint 4 à 5 milliards d'euros ces dernières années.

a ensuite insisté sur les différences entre les deux pays, et d'abord sur l'écart de leurs taux de fécondité : 1,4 enfant par femme en Allemagne, alors que la France parvient pratiquement à assurer le renouvellement des générations. En conséquence, le rapport entre retraités et actifs reviendra de 1 pour 4 à 1 pour 2 en 2040 et le vieillissement de la population allemande pourrait alourdir les dépenses de protection sociale d'environ 5,5 points de PIB d'ici à 2050.

En dépit de cet environnement, globalement plus défavorable que celui de la France, les Allemands semblent avoir fait preuve d'une plus grande réactivité : l'ensemble des partis politiques participant au Gouvernement et les partenaires sociaux ont développé une conscience très aiguë de la nécessité d'alléger le coût du facteur travail, afin de préserver la compétitivité du « site Allemagne » dans l'économie mondiale. Ils ont donc cherché à réduire, ou du moins stabiliser, les taux de cotisation qui pèsent sur les seuls salaires et à trouver d'autres sources de financement pour alimenter la protection sociale.

Cette attitude volontariste a permis d'empêcher, jusqu'à présent, l'émergence d'une dette sociale, que la Mecss a estimé en France à environ 100 milliards d'euros.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a dressé le bilan des réformes engagées, notamment par le dernier gouvernement Schröder avec l'appui des chrétiens démocrates, dans les domaines des retraites et de la santé. Après deux années de mise en oeuvre, les résultats apparaissent pour le moins contrastés.

Le paysage des retraites ressort structurellement bouleversé, en raison d'une moindre solidarité intergénérationnelle et de la création d'un dispositif de capitalisation en plus du régime par répartition. Deux instruments complémentaires ont été utilisés : d'une part, le taux de croissance des retraites est amputé chaque fois que le rapport entre cotisants et retraités se dégrade ; d'autre part, le troisième pilier par capitalisation a été renforcé par la réforme « Riester », du nom du ministre qui l'a promue, grâce à l'octroi d'avantages fiscaux. En pratique, les montants des retraites individuelles de base baissent sous l'effet de la dégradation du rapport démographique et les futurs retraités sont incités à compenser le manque à gagner en contractant une retraite par capitalisation avec l'aide de l'Etat.

Après des débuts hésitants, ce schéma semble devoir progressivement se mettre en place, même si deux mesures supplémentaires ont dû être annoncées : le relèvement du taux de cotisation de 19,5 % à 19,9 % au 1er janvier 2007, afin de faire face au déficit persistant de la branche vieillesse ; le report de soixante-cinq à soixante-sept ans de l'âge légal de départ à la retraite afin d'empêcher une trop forte dégradation des taux de remplacement de la retraite standard.

L'efficacité de ces réformes suppose toutefois que l'économie allemande parvienne à maintenir les seniors sur le marché de l'emploi jusqu'à l'âge de soixante-sept ans, alors que le taux actuel d'activité au-delà de soixante ans est inférieur à 30 % ; elle repose ensuite sur l'adhésion pleine et entière des Allemands à des mécanismes de marché pour garantir le niveau de leur retraite, la question étant posée de savoir s'il convient de rendre les retraites « Riester » obligatoires.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a exposé le bilan plutôt négatif de la réforme du secteur de la santé et de la maladie entreprise en 2003. Celle-ci a produit des résultats positifs la première année, en 2004, mais l'impact des mesures prises paraît insuffisant pour garantir la viabilité à long terme du système d'assurance maladie.

Cette réforme reposait sur trois principes : un accroissement de la participation des assurés, notamment par la création d'un ticket modérateur de 10 euros par trimestre pour les consultations de soins de ville ; un recours accru à l'impôt à travers la hausse des droits sur les tabacs ; la mise en place d'une démarche de qualité des soins et de maîtrise médicalisée : parcours de soins organisé autour d'un « médecin de famille », prise en charge intégrée des pathologies chroniques, recours à des « lignes directrices » accompagnant l'activité des médecins, introduction de la tarification à l'activité dans le secteur hospitalier.

Grâce à ces mesures, les dépenses de santé ont subi une baisse franche en 2004, permettant à l'assurance maladie de dégager à nouveau un excédent de plus de 4 milliards d'euros, mais elles sont reparties à la hausse en 2005, essentiellement sous la pression du poste médicament qui a franchement dérapé, avec un taux d'évolution de + 16,3 %, plaçant l'Allemagne en tête des progressions pour ce poste au sein des pays développés. Une loi a ainsi dû être adoptée en urgence prévoyant notamment, à compter du 1er mai 2006, le gel, pendant deux ans, du prix de tous les médicaments et l'instauration d'un dispositif de bonus-malus sur la base d'une convention passée entre les caisses et les médecins.

Sans l'apport complémentaire des droits sur les tabacs, un nouveau déficit de l'assurance maladie aurait été enregistré dès 2005 du fait d'un taux de progression de cotisation extrêmement faible. La volonté d'assurer la pérennité du système conduit donc inévitablement les partenaires de la coalition au pouvoir à renforcer les premières réformes structurelles engagées par la majorité précédente ainsi qu'à privilégier aujourd'hui une réflexion sur la nature même du financement de l'assurance maladie.

Alors que le parti social démocrate (SPD) plaide pour un schéma proche de la contribution sociale généralisée (CSG) française, les chrétiens démocrates (CDU) sont favorables à un système de cotisation forfaitaire par tête qui permettrait de figer le taux de cotisation patronale en faisant porter sur les seuls assurés le coût des dérives financières du système d'assurance maladie. Un compromis doit être rédigé pour le 10 juillet prochain et un projet de loi doit être adopté pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2007.

En conclusion, M. Alain Vasselle, rapporteur, a présenté trois observations :

- en premier lieu, le régime allemand de protection sociale, confronté à des défis proches de ceux de la sécurité sociale française, apparaît dans une situation financière plus saine ; l'action pour contrer l'apparition des déficits est plus systématique et les Allemands peuvent se flatter de ne pas avoir infligé une dette sociale, injuste dans son principe, aux générations futures ;

- ensuite, l'Allemagne est allée très loin dans la réforme structurelle du financement de ses retraites en promouvant de fait un système mixte alliant répartition et capitalisation ; ce faisant, elle a pris deux paris : celui d'un relèvement significatif du taux d'activité des classes d'âge de plus de soixante ans et celui d'une adhésion massive des générations cotisantes à ce système mixte ;

- enfin, l'Allemagne a suivi, en matière de maladie et de santé, un cheminement très proche de celui de la France, mais davantage axé sur les réformes structurelles. Pour autant, cette orientation ne suffit pas à elle seule pour réduire l'effet de ciseaux qui caractérise l'évolution du solde de l'assurance maladie, ce qui explique la réflexion en cours sur son financement.

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