La proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille sur l'exécution des décisions de justice, qui nous revient après une première lecture à l'Assemblée nationale, vise à améliorer l'exécution des décisions de justice, à moderniser l'organisation et les compétences des juridictions, et à actualiser les conditions d'exercice de certaines professions judiciaires et juridiques.
En première lecture, l'Assemblée nationale a largement validé les dispositions adoptées par le Sénat, y apportant d'utiles précisions.
Plusieurs points de divergence demeurent cependant. A l'article 2, d'abord, nos collègues députés ont rétabli le renforcement de la valeur probante des constats d'huissiers; à l'article 3, ils ont étendu les prérogatives d'accès des huissiers aux parties communes d'un immeuble ; à l'article 31, ils ont étendu le champ de la procédure participative au divorce ; enfin, nos collègues ont supprimé notre projet d'intégration des conseils en propriété industrielle au sein de la profession d'avocat.
Cependant, en dépit de ces divergences, je vous invite à adopter le texte conforme. Les modifications limitées qui ont été apportées s'accompagnent des garanties nécessaires. Surtout, l'Assemblée nationale a déjà pris beaucoup de temps, alors que les mesures de ce texte sont très attendues par les professionnels : nous ne gagnerions rien à relancer la navette.
A l'article 2, l'Assemblée nationale a en fait rétabli le texte que nous avions adopté en commission, mais que le Sénat avait modifié après le vote d'un amendement de M. Mézard. Dans sa rédaction actuelle, le texte renforce la valeur probante des constats établis par les huissiers de justice : il opère un renversement de la charge de la preuve. C'est acceptable, dès lors qu'on reconnaît la probité des huissiers.
L'article 3 facilite l'accès des huissiers aux parties communes des immeubles dans le cadre de leur mission de signification comme d'exécution des décisions de justice. C'est utile compte tenu des nombreux dispositifs de sécurité et autres codes d'accès, qui sont venus compliquer leur tâche. L'Assemblée nationale a précisé qu'un huissier de justice peut, sans en faire la demande au parquet, obtenir sur le débiteur des informations relatives à l'état du patrimoine immobilier de la personne concernée : c'est pertinent. Elle a encore utilement supprimé la formalité du double original auquel sont soumis les actes d'huissiers.
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements étendant l'obligation de formation professionnelle continue, prévue pour les greffiers des tribunaux de commerce et les commissaires-priseurs judiciaires, aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi que des amendements permettant aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'adopter un règlement national concernant les usages de la profession.
Nos collègues députés ont également prévu des dispositions facilitant certaines démarches judiciaires comme la reprise des locaux abandonnés par le locataire (article 3 bis), la signification des actes de procédure par voie électronique (article 16), ou la possibilité donnée à un tiers de réaliser un état des lieux locatif dans un cadre amiable (article 18).
Elle a par ailleurs limité au seul contentieux du surendettement des particuliers et à la procédure de rétablissement personnel, le transfert de compétences du tribunal de grande instance au tribunal d'instance, afin de tenir compte de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (article 9).
Elle a adopté un article 5 bis habilitant le Gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution.
Ces dispositions ne me paraissent pas appeler de réserves particulières.
Les députés ont étendu le champ d'application de la procédure participative aux questions de divorce, ce que le Sénat avait formellement exclu. L'Assemblée nationale a cependant exclu les matières prud'homales de la procédure participative : cela nous semble judicieux, dès lors que la rupture négociée des contrats de travail fonctionne plutôt bien, sans qu'il soit besoin d'y ajouter la procédure participative. Sur le divorce, la position de nos collègues députés nous paraît acceptable, dès lors qu'ils ont pris le soin de préciser que l'engagement d'une procédure participative ne dispensait pas de suivre la procédure judiciaire du divorce.
La fusion des professions d'avocat et de conseillers en propriété industrielle, on s'en souvient, avait provoqué un très vif débat dans notre assemblée. Le Gouvernement souhaitait une telle évolution et il avait même proposé de légiférer par ordonnance, avant que notre commission indique clairement sa préférence pour une loi. Nous avions penché pour la fusion, mais nous n'avions été suivis que par une très faible majorité. L'Assemblée nationale n'en veut pas. Je crois que nous pouvons nous en accommoder, en continuant la réflexion pour trouver une solution plus adaptée, sachant que nous ne pourrions nous satisfaire d'un statu quo préjudiciable à la compétitivité de la France en matière de propriété industrielle. M. Laurent Béteille vous proposera des amendements en ce sens dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de loi sans modification.