Intervention de Philippe-Pierre Cabourdin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 25 juin 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de M. Philippe-Pierre Cabourdin conseiller référendaire à la cour des comptes directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice accompagné de M. Damien Mulliez directeur-adjoint

Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller référendaire à la Cour des comptes, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la justice :

A titre liminaire, M. Philippe-Pierre Cabourdin a précisé que l'une des caractéristiques principales de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) consistait en une capacité d'adaptation permanente dans le cadre de ses missions. Il a souhaité ensuite préciser les chiffres clés de la délinquance des mineurs, non sans relever que les statistiques établies par les services de la PJJ ne comprenaient pas, pour les mineurs, de distinction selon le sexe en raison du très faible nombre de jeunes femmes concernées par rapport au nombre total. Il a indiqué que, pour le mois de mai 2009, 2 825 mineures seulement avaient été mises en cause contre 15 000 jeunes hommes mineurs. Il a ajouté que, pour l'année 2008, sur un nombre total de 207 000 mineurs mis en cause, 30 000 étaient des jeunes femmes et 177 000 des jeunes hommes. Il a souligné que, malgré cette faible proportion, l'aspect qualitatif de la prise en charge de ces jeunes mineures était un sujet important. Il a indiqué que, selon le dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance (OND), le nombre de mineures impliquées dans des faits de violence et de menaces avait doublé entre 2003 et 2008, ce qui mettait en évidence une forte et rapide augmentation du nombre de jeunes femmes concernées. Par ailleurs, il a observé que les filles commençaient aujourd'hui à imiter des comportements violents, qui étaient généralement le fait des garçons.

a ensuite exposé aux membres de la délégation les caractéristiques de la situation des jeunes filles mineures placées en détention ou dans des centres éducatifs fermés (CEF), estimant qu'il s'agissait des lieux privatifs de liberté où les spécificités et les difficultés de prise en charge pour les jeunes femmes étaient les plus significatives.

S'agissant de la détention, il a rappelé qu'elle ne concernait qu'un nombre limité de jeunes femmes mineures, de l'ordre de trente à quarante par mois en moyenne. Il a par ailleurs rappelé que la situation des jeunes femmes en prison, de même que celle de tous les mineurs, était régie par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui impose une incarcération de tous les mineurs dans des lieux strictement séparés des lieux d'incarcération des personnes majeures. Il a indiqué que cette obligation était aujourd'hui toujours respectée pour les jeunes hommes mineurs, mais qu'il existait encore quelques exceptions pour les jeunes filles. Il a ajouté qu'un décret, pris en mai 2007, c'est-à-dire avant l'ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs, avait fixé les règles générales de détention des mineurs, à savoir : obligation d'incarcérer les mineurs dans des établissements spécifiquement habilités, que ce soit des établissements pénitentiaires pour mineurs ou des quartiers pour mineurs au sein des maisons d'arrêt ; obligation de faire bénéficier les mineurs incarcérés d'un programme d'enseignement général ou de formation, d'activités sportives et de plein air, d'un régime alimentaire amélioré et, enfin, d'un suivi éducatif par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Il a relevé que cette dernière disposition était aujourd'hui pleinement mise en oeuvre, malgré une réticence initiale des éducateurs à intervenir au sein des prisons, et qu'elle prouvait l'utilité sociale de l'accompagnement éducatif, même dans les cas les plus difficiles. Il a précisé que les mineurs de 13 à 16 ans devaient strictement être séparés des adultes et ne jamais être en contact avec les détenus majeurs, tandis que les mineurs de 16 à 18 ans pouvaient, pour certaines activités comme l'enseignement, côtoyer des détenus adultes.

S'agissant des jeunes filles, M. Philippe-Pierre Cabourdin a indiqué qu'elles devaient être détenues dans des unités prévues à cet effet et sous la surveillance de gardiennes. Il a indiqué que, si la mixité avait été prévue dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, elle était plus difficile à mettre en oeuvre dans les unités spéciales en raison du faible nombre de jeunes filles incarcérées et de la disposition de ces établissements qui ne permet pas une séparation absolument totale entre les différentes unités. Il a indiqué que, en accord avec M. Claude d'Harcourt, directeur de l'Administration pénitentiaire, il avait ainsi conditionné le maintien de ces unités à la présence d'un nombre suffisant de jeunes filles, citant pour exemple l'unité pour filles de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Quiévrechain près de Lille et celle de l'EPM de Lavaur, près de Toulouse. Il a indiqué que la PJJ et l'administration pénitentiaire avaient prévu, ensemble, de regrouper les femmes mineures incarcérées dans quatre centres de détention pour femmes : l'EPM de Quiévrechain ; le quartier de femmes de la prison des Baumettes à Marseille, préféré à l'EPM de La Valentine ; le centre pénitentiaire de Rennes, qui devrait regrouper les mineures de Rennes et de la maison d'arrêt pour femmes de Nantes et la maison d'arrêt de femmes de Fleury-Mérogis, préférée à l'EPM de Porcheville en raison du nombre faible et variable de jeunes filles concernées. Il a souligné que la question de savoir s'il fallait, pour l'incarcération des jeunes femmes, privilégier la minorité ou le sexe, suscitait un important débat et qu'un groupe de travail sur ce sujet avait été mis en place au sein de la PJJ. Il a précisé qu'il était néanmoins nécessaire de disposer d'un quartier de filles mineures au sein d'une maison d'arrêt pour femmes. Enfin, il a indiqué que la PJJ et l'administration pénitentiaire envisageaient de consacrer au centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis (CJD) les mêmes moyens que pour un EPM, dans la mesure où, a priori, l'EPM de Meaux ne sera pas ouvert. Il a rappelé qu'il ne serait pas nécessaire d'ouvrir les sept établissements pénitentiaires pour mineurs prévus par la loi, en plus du centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, en raison de la diminution du nombre de mineurs incarcérés.

a ensuite abordé la question des centres éducatifs fermés, précisant d'emblée que le nombre de jeunes femmes mineures concernées était, là encore, très faible et très variable. Il a indiqué qu'il existait actuellement trente-huit centres éducatifs fermés offrant au total 413 places disponibles et qu'une dizaine de centres devait ouvrir avant 2010. Il a estimé que, dans le choix de l'implantation d'un centre éducatif fermé, il ne convenait pas tant de privilégier l'espace disponible que la proximité d'un tissu d'insertion, qu'il soit scolaire ou professionnel. Il a indiqué qu'un seul centre éducatif fermé était aujourd'hui strictement réservé aux jeunes filles, celui de Doudeville en Normandie et que dix autres étaient mixtes, sous réserve de pouvoir héberger au moins deux ou trois jeunes filles. Il a ensuite brièvement évoqué les conditions du séjour d'un mineur en centre éducatif fermé, qui comprenait généralement trois temps : deux mois au cours desquels le mineur reste dans le centre sans en sortir ; deux mois où les sorties accompagnées sont autorisées ; enfin deux mois où le mineur est autorisé à sortir seul du centre. Il a considéré que la présence de jeunes filles au sein des centres mixtes pouvait contribuer à créer une atmosphère plus apaisée.

a ajouté que, pour trouver le placement approprié en centre éducatif fermé, le juge devait prendre en compte, en plus des contraintes liées à la mixité, des critères comme la proximité ou l'éloignement géographique de la famille, sur la base d'informations transmises par les éducateurs. Concernant l'organisation spatiale au sein des centres mixtes, il a indiqué que la plupart comportaient des aires distinctes pour les chambres réservées aux jeunes filles mais il a également évoqué l'exemple d'un centre dans la Marne, qui délimitait l'espace des jeunes filles et celui des jeunes hommes par un système de cloison mobile que l'on pouvait déplacer en fonction de l'effectif féminin présent dans le centre.

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