Intervention de Jean-Claude Etienne

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 10 février 2010 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative pour 2010 — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Claude EtienneJean-Claude Etienne, rapporteur pour avis :

a souligné les enjeux du « grand emprunt » : l'objectif est de consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement en application de la stratégie de Lisbonne, de développer l'économie de la connaissance et de mieux valoriser les brevets, car la France manque de brevets exploitables.

Il a rendu hommage aux co-présidents de la commission chargée de définir les priorités stratégiques d'investissement, MM. Alain Juppé et Michel Rocard, ce dernier ayant été auditionné le mardi 9 février 2010 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Il a souligné le consensus sur le choix de consacrer l'emprunt national à des investissements d'avenir, en jouant sur deux registres référents se nourrissant l'un l'autre : le soutien aux unités productrices du savoir et le soutien aux unités productrices d'un tissu économique nouveau.

Il a indiqué que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2010 donnait l'occasion d'amplifier les réformes tendant à sortir d'un système d'enseignement supérieur et de recherche trop cloisonné. Après avoir souligné la qualité des équipes de recherche universitaires, auxquelles les grandes écoles ont d'ailleurs le plus souvent recours, il a insisté sur la nécessité de préférer la mutualisation des moyens aux rivalités entre établissements.

Cela suppose aussi que des lieux de vie soient mis en commun, ce qui aide à la mutualisation des laboratoires eux-mêmes, et que des responsables de recherche se voient confier la responsabilité de thématiques multi-sites. La dynamique de la contractualisation, avec financements à la clé, doit encourager cette synergie.

Il s'est réjoui que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication se soit saisie pour avis du PLFR, compte tenu de la nécessité de procéder « au déchiffrage du chiffrage » du texte, dans un esprit non exclusivement budgétaire.

Après avoir fait état de son expérience concrète de scientifique, il a jugé que l'emprunt national devrait aider la France à se placer dans la compétition internationale de la connaissance et donc de l'économie. Il a indiqué que le texte tendait aussi à soutenir les entreprises innovantes afin de réindustrialiser notre pays. En outre, une partie importante des crédits sont destinés aux recherches en matière de développement durable, dont l'analyse relève de la commission de l'économie, saisie pour avis.

Après avoir rappelé que, dans le budget 2010, les crédits de la mission interministérielle pour la recherche et l'enseignement supérieur (MIRES) s'établissent à environ 25 milliards d'euros, il a indiqué que le PLFR pour 2010 propose de consacrer 19 milliards à l'enseignement supérieur, la formation et la recherche, et d'imputer 22 milliards d'euros sur la MIRES, si l'on tient compte de la recherche appliquée et sectorielle.

Le rapporteur pour avis a indiqué qu'il avait porté son attention de manière plus spécifique sur les 19 milliards d'euros consacrés directement à l'enseignement supérieur et la recherche, qui concentrent 54 % des crédits du « grand emprunt ».

Il a expliqué que la consommation effective de ces fonds n'avait pas vocation à être réalisée au cours de la seule année 2010. Environ 46 % des crédits conduiraient à la constitution d'actifs non consomptibles, dont seuls les intérêts servis annuellement, en rémunération du dépôt sur le compte du Trésor de ces actifs, seraient dépensés. Les 54 % restants devraient être mobilisés sur plusieurs années, selon le rythme de financement des projets. Mais les fonds seront versés dès 2010 aux agences de moyens comme l'Agence nationale de la recherche (ANR), chargée de gérer les fonds et de mettre en oeuvre les appels à projets.

Le Gouvernement a créé par décret des organes de gouvernance spécifiques, avec un commissaire général à l'investissement, M. René Ricol, et un comité de surveillance des investissements d'avenir, placé sous la présidence conjointe de MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

a souligné que la stratégie proposée vise à :

- faire émerger cinq à dix pôles d'excellence de rang mondial, en mobilisant deux leviers : la création de campus d'excellence (7,7 milliards d'euros) et l'amplification de l'Opération Campus (1,3 milliard d'euros). Le projet de Saclay recevra en outre une dotation spécifique d'un milliard ;

- accélérer la professionnalisation du dispositif de valorisation de la recherche publique (3,5 milliards d'euros) ;

- renforcer les moyens des laboratoires d'une grande qualité scientifique, adossés à des parcours de formation de qualité, qui seraient situés en dehors des campus d'excellence (1 milliard d'euros) ;

- créer des instituts hospitalo-universitaires (IHU) pour répondre à certaines faiblesses de la recherche médicale publique française (850 000 euros).

Par ailleurs, il a rappelé que la formation en alternance et la promotion de l'égalité des chances et de la mixité sociale sont des priorités qui bénéficieront d'un effort financier d'un milliard d'euros et il s'est réjoui du fait que ces crédits devraient permettre de concrétiser certaines des propositions émises, en mai 2009, par la mission d'information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes. Il s'agit notamment de créer des internats d'excellence, d'investir dans la formation et l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en grande difficulté et de développer la culture scientifique auprès des jeunes de condition modeste. Néanmoins, le rapporteur pour avis a estimé que tous les jeunes devraient disposer d'une telle culture scientifique.

Enfin, le projet de loi prévoit un programme d'investissement dans le secteur des technologies numériques, doté de 4,5 milliards d'euros. Ces sommes seront versées à un Fonds national pour la société numérique (FSN), dont la gestion sera confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Un axe est consacré à la numérisation de « contenus patrimoniaux culturels, éducatifs et scientifiques », à hauteur de 750 millions d'euros. M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposerait un amendement pour sanctuariser ces sommes qui sont, pour l'instant, comprises dans une enveloppe de 2,5 milliards d'euros destinée au développement des usages, services et contenus numériques innovants.

Il a proposé ensuite quelques amendements au projet de loi et a formulé plusieurs recommandations.

En premier lieu, compte tenu des enjeux du projet de loi, le Parlement doit être plus pleinement associé à la mise en oeuvre du PLFR. Il a proposé à cet effet :

- que la présence de parlementaires au sein du comité de surveillance des investissements d'avenir soit renforcée et que ses missions soient mieux définies ;

- que les projets de convention entre l'Etat et les organismes attributaires des crédits soient transmis à l'ensemble des commissions parlementaires compétentes, et pas seulement à la commission des finances.

En deuxième lieu, s'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche, il est indispensable de concentrer les crédits sans abandonner des pans entiers de territoire.

a fait part de son adhésion à la démarche consistant à concentrer d'importants crédits sur un nombre limité de sites afin de leur permettre de concourir parmi les plus grands centres d'enseignement supérieur et de recherche du monde. Il ne faudrait pas que la mise sous les projecteurs de quelques-uns rejette dans l'ombre les autres et plusieurs dispositifs devraient permettre d'éviter cet écueil.

En troisième lieu et à cette fin, il convient aussi d'imposer le fonctionnement en réseau et d'encourager le développement « d'écosystèmes ». Les sites d'excellence retenus doivent jouer un rôle de locomotive pour l'ensemble du système. Pour cela, il est nécessaire, aux stades de la sélection et de l'évaluation des projets, d'inciter les campus à fonctionner en réseau, en vue d'irriguer le territoire et d'associer des partenaires recherchant l'excellence, quelle que soit leur taille.

Dans le même ordre d'idée, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a souhaité relayer la conviction de M. André Ferrand, qui juge nécessaire de soutenir les projets des universités françaises en vue d'accueillir des élèves étrangers des lycées français implantés hors de France. Il convient de prendre en compte cette problématique qui s'inscrit dans l'objectif du renforcement de l'attractivité de nos établissements.

En quatrième lieu, il faut gagner le pari de l'opération du plateau de Saclay, qui percevra une manne exceptionnelle pour une opération emblématique. Son succès semble conditionné au « décloisonnement » des acteurs.

En cinquième lieu, une cohérence devra être assurée entre les critères de répartition des crédits de l'emprunt national et ceux du système SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité).

En sixième lieu, s'agissant de la culture, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur l'impact du « grand emprunt » sur la politique du livre numérique et sur les perspectives de partenariat avec une entreprise privée telle que Google. Des formules plus équilibrées « d'échanges réciproques » sont envisagées avec Google mais pourront-elles être respectées dans le cadre strict des 25 % de subventions ou d'avances remboursables ? Le rapporteur pour avis a proposé d'interroger le Gouvernement sur ce point.

Il a insisté également sur le fait que les politiques culturelles devaient être considérées comme des investissements d'avenir car telle est la réalité, notamment pour ce qui concerne la numérisation des oeuvres.

Il a souhaité qu'il soit pleinement tenu compte de ces « retours sur investissement culturel » à l'occasion des décisions relatives à l'utilisation des crédits du grand emprunt.

En septième lieu, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a exprimé le regret que l'on reprenne partiellement de la main gauche ce que l'on donne de la main droite... En effet, le projet de loi prévoit d'annuler 500 millions de crédits en 2010 pour gager les charges d'intérêt de l'emprunt national. Tous les ministères seront concernés, à hauteur de 125 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et près de 3 millions pour la culture. On peut s'étonner de cette démarche, alors que ces secteurs ont été reconnus comme prioritaires, même si l'on peut comprendre les contraintes liées au niveau de la dette publique et l'arbitrage qui consiste à privilégier l'investissement et à inciter aux économies sur le fonctionnement.

Enfin, M. Jean-Claude Etienne, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 1er (nouveau) introduit par l'Assemblée nationale, en faveur du jeu vidéo. Il s'agit de fixer à 100 000 euros, au lieu de 150 000, le montant minimum des budgets de production requis pour l'éligibilité des projets au crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo, et de tenir compte de l'évolution structurelle du marché du jeu vidéo et des nouveaux modèles de production. En effet les budgets des jeux destinés à une mise en ligne et/ou à une exploitation sur téléphone portable sont moins importants que ceux des jeux traditionnels. Le montant minimum de 150 000 euros qui était justifié pour les jeux sur support physique apparaît donc inadapté aux jeux en ligne.

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