Intervention de André Dulait

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 juillet 2009 : 1ère réunion
Loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 — Examen des amendements au texte de la commission

Photo de André DulaitAndré Dulait :

a indiqué qu'il s'était rendu avec M. Michel Boutant, du 15 au 22 juin 2009, à Djibouti et aux Emirats arabes unis et que, entre ces deux visites, ils avaient séjourné pendant deux jours à bord de la frégate « Aconit » de la marine nationale patrouillant dans le Golfe d'Aden.

Il a précisé que ce déplacement poursuivait trois principaux objectifs :

- étudier le dispositif des forces françaises stationnées à Djibouti ;

- visiter la nouvelle implantation militaire française aux Emirats arabes unis ;

- et, enfin, dresser un premier bilan de l'opération navale de l'Union européenne « Atalanta » de lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden.

a d'abord présenté le dispositif des forces françaises stationnées à Djibouti.

Il a indiqué que, au cours de leur visite, ils avaient visité les différentes installations des forces françaises, dont le centre d'entraînement et « d'aguerrissement au désert » de la Légion étrangère, qu'ils avaient eu des entretiens avec le Président de l'Assemblée nationale, le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense de Djibouti, mais aussi avec le général Henri Bentegeat, président du comité militaire de l'Union européenne, en visite à Djibouti au même moment, ainsi qu'avec le représentant de la Commission européenne et l'ambassadeur des Etats-Unis.

Il a souligné la qualité de l'accueil et du programme réservés aux missionnaires par le commandant, le général Philippe Lefort, les militaires français et l'ambassadeur de France à Djibouti, Son Exc. M. Dominique Decherf, qui est un très bon connaisseur de l'Afrique.

a rappelé que, hors troupes déployées en opérations extérieures, comme au Tchad ou en République centrafricaine, la France disposait de trois implantations militaires permanentes en Afrique, au Sénégal, au Gabon et à Djibouti, et que ces trois bases permettaient de couvrir l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest (Sénégal), de l'Afrique centrale (Gabon) et de l'Afrique orientale (Djibouti).

Il a souligné que Djibouti occupait une position stratégique dans la Corne de l'Afrique. Ce territoire, grand comme la Bretagne ou la Corse, peuplé de 600 000 habitants, et situé entre l'Erythrée, l'Ethiopie et la Somalie, dispose d'un port de la première importance, à proximité du détroit de Bab el Mandeb, entre la Mer Rouge et le Golfe d'Aden, en face du Yémen.

Il a également rappelé que Djibouti, seul pays francophone dans une région principalement anglophone marquée par l'héritage de la colonisation britannique, anciennement appelé « territoire français des Afars et des Issas », avait été une colonie française jusqu'à son indépendance en 1977.

Il a précisé que, dès 1977, un accord de défense avait été conclu prévoyant le maintien d'une présence militaire française, la proximité de Djibouti avec des pays instables et plus peuplés l'ayant amené à se tourner vers la France pour garantir son intégrité territoriale et sa souveraineté.

Il a souligné que les conflits survenus depuis lors dans la Corne de l'Afrique, notamment la crise somalienne et le conflit érythréo-éthiopien, avaient démontré l'instabilité chronique d'une région dans laquelle Djibouti apparaît, grâce à cet accord de défense, comme un îlot relativement épargné.

a précisé que, sur la base de cet accord de défense, était présent à Djibouti un important dispositif militaire, dont le volume a été cependant réduit au fil des ans : le dispositif des forces françaises, qui comptait 5 600 hommes à la veille de l'indépendance, a régulièrement diminué pour atteindre aujourd'hui environ 2 850 militaires.

Ces forces sont placées sous le commandement d'un général de l'armée de l'air relevant directement du chef d'Etat-major des armées, qui occupe dans le même temps les fonctions d'attaché de défense auprès de l'ambassadeur de France.

Les forces françaises stationnées à Djibouti se répartissent de la manière suivante :

- les forces terrestres (1700 hommes) représentent près de 60 % du dispositif ; elles se composent de deux régiments, le 5ème régiment interarmes d'outre-mer et la 13ème brigade de Légion étrangère, ainsi que d'un détachement d'hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (deux hélicoptères de combat Gazelle et cinq hélicoptères de transport Puma) ;

- l'armée de l'air déploie près de 800 militaires affectés à la base de soutien et auprès de deux escadrons, l'un formé d'avions de combat (dix Mirage 2000) et l'autre d'avions de transport (un transall, deux hélicoptères Puma) ;

- la marine dispose d'une base navale (100 hommes) à laquelle sont rattachés plusieurs bâtiments ;

- enfin, on peut mentionner des personnels d'autres services interarmées ou communs et un hôpital militaire (le centre hospitalier des armées Bouffard).

Aux 2 850 militaires, dont 1700 permanents et 1150 en séjour de quelques mois, il convient d'ajouter 715 personnels civils du ministère de la défense. Au total, 1000 familles, dont 1500 enfants, vivent à Djibouti.

La présence militaire française à Djibouti comporte de multiples intérêts, a estimé M. André Dulait.

C'est d'abord le cas pour la République de Djibouti elle-même. En effet, par une convention bilatérale du 3 août 2003, la France s'est engagée à verser une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros aux autorités djiboutiennes, au titre de la présence des forces françaises, et ce durant une période d'au moins neuf ans, soit jusqu'en 2012, ce à quoi il convient d'ajouter les retombées économiques en termes d'emplois ou de contrats, l'impact économique global de la présence militaire française étant estimé de l'ordre de 675 millions d'euros, soit 21 % du PIB de Djibouti.

Mais surtout, grâce à la présence française, Djibouti a vu son indépendance préservée et confortée, de même que sa stabilité, en dépit de la rébellion Afars de 1991 à 1994 ou du récent conflit frontalier avec l'Érythrée en 2008.

A cet égard, M. André Dulait a précisé que les autorités de Djibouti auraient souhaité une plus forte implication de la France dans leur conflit avec l'Érythrée, comme l'avaient affirmé aux membres de la délégation sénatoriale le ministre des affaires étrangères et le ministre de la défense de Djibouti, alors que l'accord de défense exclut la participation des forces françaises à des opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre, de même que l'utilisation de Djibouti pour une intervention armée contre une tierce puissance.

Concernant la France, M. André Dulait a estimé que notre présence militaire à Djibouti complétait utilement l'implantation des forces « prépositionnées » en Afrique occidentale et centrale, ce stationnement permanent garantissant une capacité de réaction rapide pour les actions humanitaires, les évacuations de ressortissants ou les opérations extérieures.

Il a également précisé que la France avait mis à la disposition de l'Union européenne la base de Djibouti pour servir de base arrière à l'opération « Atalanta » de lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden.

Il a aussi souligné le fait que Djibouti constituait un terrain d'entraînement privilégié pour nos militaires, puisque le terrain et les conditions climatiques sont proches de ceux que l'on trouve en Afghanistan.

a d'ailleurs rappelé que la position stratégique de Djibouti avait conduit les États-Unis à y implanter, à partir de 2001, une base militaire qui compte aujourd'hui autant d'hommes que la base française, et que des contingents allemands, espagnols, suédois et japonais y étaient aussi stationnés.

Si la création de la base d'Abou Dhabi avait pu susciter quelques inquiétudes chez les responsables djiboutiens sur l'avenir de la présence militaire française, les propos tenus par le Président de la République sur la complémentarité entre les deux bases avaient permis de les rassurer, même si notre dispositif sera sans doute amené à évoluer dans les prochaines années, ne serait-ce qu'à l'occasion de la renégociation de l'accord de défense ou de la convention fixant les modalités financières, a estimé M. André Dulait.

Il a ainsi indiqué que la base de Djibouti était la seule base militaire implantée à l'étranger à avoir été choisie comme site expérimental de la réforme des bases de défense, qui vise notamment à renforcer leur caractère interarmées.

a ensuite rendu compte de la visite à Dubaï et à Abou Dhabi, et en particulier des différentes installations de la nouvelle implantation militaire française aux Emirats arabes unis, inaugurée il y a un mois.

Il a rappelé que les Emirats Arabes Unis étaient une fédération de sept émirats, dont les plus importants sont Abou Dhabi et Dubaï, créée en 1971, après le départ des Britanniques de la péninsule arabique. Il s'agit d'un Etat prospère et stable, peuplé d'environ 6 millions d'habitants, dont près de 80 % de travailleurs étrangers, qui détient 10 % des réserves mondiales de pétrole, les quatrièmes réserves mondiales de gaz, et dont le PIB par habitant, d'environ 41 000 dollars, est l'un des plus élevé au monde.

Les Emirats arabes unis se sont engagés très tôt dans un processus de diversification de leur économie, les hydrocarbures ne représentant plus aujourd'hui que 35 % du PIB contre plus de 40 % pour les services (commerce, tourisme, activités financières).

Il a précisé que, si l'Iran fait figure de principale menace aux yeux d'Abou Dhabi, l'émirat de Dubaï a une perception différente compte tenu de l'importance des relations commerciales qu'il entretient avec l'Iran et de la présence d'une forte communauté iranienne dans cet émirat.

Il a rappelé que les Emirats, conscients de leur faiblesse démographique et militaire, avaient signé, au lendemain de la Guerre du Golfe de 1991, des accords de défense avec les Etats-Unis, puis avec la France et la Grande-Bretagne, en même temps qu'ils s'engageaient dans une ambitieuse politique d'acquisition d'armements modernes.

Il a indiqué que les Emirats arabes unis accueillaient ainsi un dispositif militaire américain de surveillance et de ravitaillement d'environ 2 000 hommes, ce qui ne les empêche pas de diversifier leurs partenaires en nouant notamment des relations privilégiées avec la France.

Il a rappelé que les Emirats Arabes Unis et la France avaient signé, en 1995, un accord de défense et que les Emirats constituaient un partenaire stratégique de premier plan pour certains segments de nos industries, en particulier en matière d'aéronautique ou de défense.

Il a précisé que de nombreuses entreprises françaises étaient présentes dans les Emirats, en particulier dans les secteurs du pétrole (Total), de l'énergie (Aréva, Alstom, GDF-Suèz) ou des transports (Thalès), et que les Émirats Arabes Unis représentaient notre premier partenaire commercial au Moyen-Orient, un important client pour Airbus et le deuxième client pour notre industrie d'armement, derrière l'Arabie Saoudite. Les Emirats ont notamment acheté 390 chars Leclerc, des Mirages 2000-9 et des discussions sont en cours sur la livraison de soixante avions de combat Rafale.

Il a aussi mentionné, dans le domaine de la culture et de l'éducation, l'ouverture d'une antenne de la Sorbonne et la construction du Louvre d'Abou Dhabi.

Compte tenu de ces relations privilégiées, à la demande des autorités émiriennes, le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé, en janvier 2008, la création d'une base militaire française - la première depuis cinquante ans. Cette implantation militaire française, également baptisée « Camp de la paix », a été créée dans le cadre de l'accord de défense qui lie la France et les Emirats depuis 1995 et qui vient d'être renégocié en janvier 2008.

a précisé que cette base était répartie sur trois sites différents :

- une base navale et de soutien logistique, qui dispose d'un quai permettant d'accueillir n'importe quel bâtiment de la marine nationale, à l'exception du porte-avion Charles de Gaulle ;

- un détachement permanent de l'armée de l'Air sur la base émirienne d'Al Dhafra, qui compte actuellement trois Mirages 2000-5 ;

- un camp d'entraînement au combat urbain et en zone désertique situé dans le vaste camp militaire émirien « Zayed Military City ».

Il a indiqué que les infrastructures, de très grande qualité avaient été entièrement construites et financées par les autorités émiriennes qui les mettent gratuitement à la disposition de la France, le coût de la construction étant estimé à 50 millions d'euros.

Il a précisé que le dispositif comptait actuellement une centaine de militaires, dont quarante permanents, mais qu'il devrait monter progressivement en puissance pour atteindre 500 hommes.

Il a indiqué que le budget de la base militaire française était de l'ordre de 20 millions d'euros, le soutien aux familles en représentant près de la moitié, compte tenu du prix très élevé des loyers.

Il a également souligné qu'une autre particularité de la base tenait à son caractère interarmées et à une externalisation très poussée, puisque l'ensemble des fonctions de soutien (administration, restauration, hébergement ou transports) sont mutualisées entre les trois armées et font largement appel à des entreprises locales.

Il a fait valoir que l'implantation militaire française aux Emirats arabes unis répondait à trois principales missions :

- entretenir une présence militaire française interarmées « dissuasive » ;

- constituer un point d'appui prioritaire dans le Golfe persique ;

- faciliter les activités d'entraînement, d'aguerrissement et de coopération.

À ces trois missions officielles, on peut en ajouter une quatrième qui consiste à servir de « vitrine technologique » pour faciliter nos exportations d'armement dans la région.

a estimé que la nouvelle implantation militaire française d'Abou Dhabi représentait un tournant géostratégique majeur pour notre pays.

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