Intervention de Klaus Neubert

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 janvier 2005 : 1ère réunion
Audition de s. exc. M. Klaus Neubert ambassadeur d'allemagne

Klaus Neubert, ambassadeur d'Allemagne :

a apporté les éléments de réponse suivants :

- le « séisme » de 1989 a créé une situation nouvelle en Europe et il est évident que les Etats des Balkans font partie de l'Europe. Ils sont cependant traversés de divergences multiples entre des groupes ethniques et linguistiques, divisés par des conflits qui ne se règlent pas. La situation en Bosnie n'a ainsi pas connu d'amélioration substantielle, les différentes communautés n'étant pas déterminées à vivre ensemble. Il est vraisemblable que les Etats de l'Union européenne y resteront engagés pour longtemps. La minorité serbe du Kosovo ne paraît pas être mieux acceptée qu'auparavant. La perspective d'adhésion à l'Union européenne constitue cependant une des rares incitations pour ces peuples à se reformer et à changer leurs comportements. Il faudra cependant être très attentif à ne pas mettre en oeuvre une adhésion prématurée. La Macédoine, où les différents protagonistes ont renoncé au conflit est un exemple positif, mais la question des Balkans demeure. Une perspective européenne doit être ouverte pour les pousser vers des démarches politiques acceptables, mais l'adhésion ne devra se faire qu'après qu'une certaine maturité aura été atteinte ;

- les Bavarois ont effectivement une identité particulière et la revendiquent. Il n'existe pas cependant, a priori, de sujets de politique étrangère où des divergences de vue de la CSU pourraient causer des difficultés au sein de la coalition. Les ministres de la CSU présents au Gouvernement sont plutôt des architectes de consensus ;

- les informations sur l'Europe sont très nombreuses sur les sites gouvernementaux, mais les connaissances de base des citoyens sur les questions économiques, sur lesquelles la construction européenne s'est focalisée, sont assez faibles. Les normes juridiques sont perçues comme techniques et opaques. Il existe treize formations différentes du Conseil des ministres, et le Conseil Affaires générales, qui réunit les ministres des affaires étrangères et qui est en principe le producteur de textes, n'a pas eu le courage de refuser les directives techniques trop précises qui avaient recueilli un consensus au sein des conseils spécialisés. Les Parlements nationaux doivent pouvoir exercer leur sens critique sur ces textes ;

- la séparation des couples binationaux produit des situations très douloureuses lorsque des enfants sont en cause. Il serait nécessaire de relancer la commission de médiation, mise en sommeil ces dernières années. Sans critiquer les décisions rendues par les tribunaux des deux pays, il semble que les appareils judiciaires pourraient faire mieux. Actuellement, on recensait 11 cas de Français réclamant des enfants se trouvant sur le sol allemand et environ le double d'Allemands qui demandaient le retour d'enfants présents en France, situation qui n'est pas durablement acceptable ;

- l'Europe a besoin de structures politiques plus efficaces et la présidence tournante est un système qui fonctionne mal. La subsidiarité, le budget, la codécision sont autant de questions qui doivent être traitées. Pour les citoyens européens, tentés par le rejet de l'Europe, il est impératif de travailler à satisfaire le besoin de clarté et de transparence. Deux pays ont rejeté le traité constitutionnel, treize autres l'ont ratifié et il est difficile, dans ces conditions, de considérer que ce texte n'existe plus. La Constitution prévoit formellement l'établissement d'un bilan à la fin de l'année 2006, mais il ne revient pas au Gouvernement allemand de préjuger de la façon de régler cette question en France et aux Pays-Bas. C'est aux responsables politiques français d'évaluer la situation et d'engager ensuite une concertation avec leurs partenaires. La question de la Constitution reste importante, car en l'absence de texte, c'est la vision de grand marché qui prévaudra ;

- l'Allemagne d'après 1945 a considéré le processus d'intégration européenne comme le retour à une normalité civilisée. Aujourd'hui encore, le projet européen est ressenti comme positif. Sur le fond, les Allemands ont le sentiment qu'ils ne pourront maîtriser les défis de l'avenir qu'avec un projet européen ambitieux, servi par une mécanique institutionnelle performante ;

- l'opinion publique allemande est, de façon générale, réticente à l'emploi de la force militaire. L'envoi de troupes dans les Balkans a marqué une certaine évolution. Les réticences à l'égard de l'arme nucléaire sont encore plus importantes. La France comme l'Allemagne ont besoin d'adapter leurs doctrines, tous les risques sécuritaires pour l'Europe n'ayant pas disparu. Au sein de ces deux Etats, des débats sur les priorités budgétaires se font jour. En précisant sa vision de la dissuasion nucléaire, le Chef de l'Etat français est dans l'exercice de ses fonctions constitutionnelles.

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