Intervention de Bernard Devy

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 septembre 2010 : 1ère réunion
Réforme des retraites — Audition de Mm. Bernard deVy secrétaire confédéral en charge du secteur retraites et gérard rivière conseiller technique de force ouvrière fo

Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur des retraites à FO :

Nous attendons que la loi soit votée pour ouvrir les négociations sur les retraites complémentaires. L'association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) a été créée pour couvrir le coût occasionné par l'abaissement de soixante-cinq à soixante ans de l'âge de la retraite, et il faudra sans doute en prolonger l'existence au moins jusqu'au 1er avril. Nous ferons en sorte que les salariés ne soient pas pénalisés : il est inadmissible que le rendement des régimes complémentaires diminue à l'occasion de chaque réforme, même s'il est pour l'instant supérieur à celui des fonds de capitalisation : 6,8 % au lieu de 4,5 %.

Les carrières longues sont un problème voué à s'estomper : les jeunes entrent désormais sur le marché du travail à vingt-deux ans en moyenne. Mais il faut veiller à ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt, et pourraient avoir à acquitter jusqu'à quarante-quatre années de cotisations.

Débattre de la pénibilité dans le cadre d'une réforme des retraites est un non-sens. Il faut se préoccuper de la prévention, de l'amélioration des conditions de travail et de l'aménagement du temps de travail en même temps que des départs anticipés. La cessation d'activité de salariés âgés (Casa) et la cessation d'activité de certains travailleurs salariés (Cats) concernaient naguère des travailleurs de l'industrie ayant travaillé dans des conditions pénibles. Dans les transports, deux mille salariés justifiant de trente ans de conduite bénéficient chaque année d'un départ anticipé grâce à un financement tripartite, la contribution de l'Etat s'élevant à 100 millions d'euros. Nous avions proposé de débattre de la pénibilité sous tous ses aspects dans le cadre des branches professionnelles et d'accorder, selon des critères qui ont déjà été largement définis lors des négociations interprofessionnelles, des réparations financées grâce à une cotisation mutualisée. La proposition qui nous est faite aujourd'hui ne nous satisfait pas. Le Gouvernement retient le critère de l'invalidité ; mais les effets du travail pénible ne se font pas nécessairement sentir dès soixante ans ; ils se font parfois sentir plus tard et parfois même jamais, sans qu'une réparation cesse d'être légitime.

Il faut prévenir les risques. Pas moins de 18 % de salariés travaillent la nuit, parfois sans nécessité, comme dans les grands magasins des Champs-Elysées. Le Gouvernement a abaissé de 20 % à 10 % le taux minimal d'invalidité requis pour bénéficier d'un départ anticipé mais l'évaluation pourra être révisée par une commission pluridisciplinaire, ce qui occasionnera des contentieux. Les employeurs, qui financent le régime AT-MP, n'accepteront pas que les dépenses augmentent. Tous les salariés ne seront pas logés à la même enseigne, puisque les différentes commissions ne rendront pas les mêmes décisions : cela me rappelle les écarts entre départements lorsqu'existait l'ancienne prestation spécifique dépendance (PSD).

Quant à la médecine du travail, il nous semble très cavalier de la réformer par voie d'amendements au projet de loi sur les retraites : le sujet aurait mérité un texte spécifique. Le Gouvernement veut mettre la médecine du travail sous la coupe des employeurs alors qu'il s'était engagé à la rendre plus indépendante et à introduire la médecine de ville dans les services de santé au travail : c'est une pente dangereuse. Les partenaires sociaux avaient pourtant entamé leur réflexion.

Nous ne nous désintéressons pas des fonds de capitalisation, même si nous défendons prioritairement les petites retraites. Il serait souhaitable que le législateur cesse de modifier constamment les règles de l'épargne retraite et favorise la rente plutôt que la sortie en capital.

Vous avez évoqué les niches sociales. Nous plaidons pour une réforme fiscale de grande ampleur, qui mette tous les revenus à contribution, y compris - et je vais peut-être vous surprendre - les minima sociaux, à un très faible taux : car la solidarité est l'affaire de tous.

M. Vanlerenberghe m'a interrogé sur le coût du maintien de l'âge du taux plein à soixante-cinq ans, mais il est difficile de l'évaluer. Les chiffres du Gouvernement se fondent sur des hypothèses macroéconomiques excessivement optimistes : l'an dernier, la masse salariale s'est effondrée. La question des retraites ne peut être dissociée de celle de l'emploi. Les retraites doivent être financées par une part contributive et une part non contributive, mais tout ne peut pas reposer sur l'impôt, sauf à définir un régime égalitaire où tout le monde toucherait la même pension et où chacun serait libre d'épargner au surplus dans des fonds de capitalisation. Le déficit accumulé entre 2011 et 2018 est estimé à 60 milliards d'euros, mais tout dépendra de la croissance.

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